Les NFT seraient-ils les tulipes du XXIe siècle?
Le musée Frans Hals de Haarlem aux Pays-Bas, abrite une œuvre du peintre Jan Brueghel le jeune, satire de la «Tulipomania» de 1637, où des singes, élégamment vêtus, parodient le négoce des tulipes et se livrent à toutes sortes d’activités – et de folies - humaines. A plusieurs siècles de distance, on reste ébahi devant l’engouement récent – à plusieurs dizaines de millions de dollars – pour les représentations virtuelles des «CryptoPunks», ou des «bored monkeys», et qui ont fait le bonheur et le succès des dernières enchères des salles de ventes les plus prestigieuses. Accéléré par la pandémie, le monde virtuel des jeux en lignes, des avatars et de leurs accessoires, le Metaverse prend de l’ampleur et forme un écosystème qui gagne de plus en plus d’adeptes et se mesure en centaines de milliards de dollars.
L’univers des cryptoactifs prend le large. Les NFT1, Tokens Non Fongibles, se distinguent par leur unicité et leur popularité auprès de ceux que l’on surnomme les «crypto riches». Le monde de l’art en est friand. Ils ont fait flamber le cours de l’Ethereum ces derniers mois. Des stars du sport – Lionel Messi pour ne pas le nommer – se font en partie rémunérer par ce biais. Depuis le début de l’année, le marché des cryptos a bondi de plus de 170%2. Le Bitcoin permet d’acheter des biens réels, il peut servir de collatéral à des emprunts. Il a désormais cours légal au Salvador. Le régulateur s’en inquiète de plus en plus ouvertement.
La semaine passée, les gouverneurs de la Banque de Suède et de la Banque du Mexique alertaient sur les dangers des monnaies privées – «promptes à s’effondrer», et qui ne seraient qu’un mode de «troc» sans posséder les vertus d’une véritable monnaie. La SEC3 entend également réguler les plateformes d’échange, alors qu’un marché de prêts collatéralisés par des cryptoactifs (notamment des bitcoins) s’organise entre particuliers.
Au Salvador, le bitcoin bien que très décrié, a désormais cours légal aux côtés du dollar. S’agit-il d’un nouveau bimétallisme? Et si c’est le cas, quelle mauvaise monnaie chassera la bonne, suivant ainsi l’immuable loi de Gresham? Ailleurs, la recherche de rendements face à la baisse inexorable des taux d’intérêt pousse à toutes les spéculations, alors que les banques centrales ne montrent aucun empressement à sortir du «sur-assouplissement» quantitatif.
En Chine, les «mineurs» de bitcoin ont été chassés, les plus jeunes contraints de limiter drastiquement leur temps de jeu vidéo ; ailleurs les régulateurs s’activent, tant sur le plan de la supervision que sur celui de la monnaie virtuelle des banques centrales. Et tous parlent d’un nouveau Far West, convoquant des images d’un monde sans foi ni loi.
Restons sur cette allégorie, pour rappeler que durant la quasi-totalité du XIXe siècle, les Etats-Unis ont connu un système monétaire et financier totalement décentralisé et sans Banque Centrale – celle-ci disparue en 1837 ne renaîtra qu’en 1913 – où fleurissait une multitude de dollars émis par les banques locales. L’instabilité monétaire et des périodes de fièvre inflationniste et spéculative étaient alors quasi-endémiques.
Face à l’appétit croissant pour toutes sortes d’actifs – des plus solides aux plus virtuels – à quand un nouveau «Volker moment4» et quelles en seront les conséquences pour l’économie du monde réel?