Le temps des ruptures

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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A Venise, les ministres et banquiers centraux du G-20 affichent un front commun. Fera-t-il long feu?

La réunion de Venise en rappelle une autre. En novembre 2008, en pleine tourmente financière et économique, la réunion des Chefs d’Etats du G-20 à Washington fut saluée comme un premier pas historique en direction d’une coopération économique et politique renforcée et élargie.

Il serait facile de céder au cynisme en déclarant les intentions d’alors lettre morte. Le renforcement de la régulation des marchés et du système financier a bien été entrepris. L’élargissement du G7 à un forum plus large et représentatif du monde est une réalité sensible, le refus du protectionnisme, exprimé alors, a résisté à la tourmente du moment, tandis qu’étaient posées les prémisses d’une réforme sur la transparence fiscale, qui trouve un aboutissement dans l’accord général sur l’imposition d’une fiscalité minimale pour les entreprises.

Plus d’un an après le déclenchement de la pandémie de la Covid-19, les ministres et banquiers centraux du G-20 réunis à Venise affichent une volonté semblable de coopération et de coordination. Celle-ci se manifeste en tout premier lieu par la reconnaissance des divergences importantes qui marquent le rebond économique en cours, d’un secteur d’activité comme d’un pays à l’autre.

L’augmentation des dettes publiques laisse peu de marges de manœuvres aux Etats, et le «quoi qu’il en coûte» touche à sa fin.

Toujours sous la menace de la pandémie, le monde se fracture. Pour la première fois en 25 ans, le rattrapage des pays émergents marque le pas. La hausse des prix des matières premières industrielles et alimentaires constitue une menace grave pour de nombreuses populations. La vaccination tarde à se déployer dans les pays les plus pauvres.

Forts de l’expérience passée et conscients des risques induit par l’arrivée d’une nouvelle vague virale, le G-20 s’engage. Les plus avancés promettent de ne pas retirer trop tôt les aides publiques. De même, le plan d’aide du FMI de 650 milliards de dollars (via une nouvelle émission de DTS) a été approuvé. Enfin, 13 ans après les premiers accords dans ce domaine, le plan OCDE de taxation minimale des entreprises, est endossé par tous les pays présents (et même au-delà) qui s’engagent à le mettre en œuvre d’ici octobre prochain. Les engagements sur le climat – bien qu’avec certaines restrictions – sont également réaffirmés.

Trop peu, trop tard diront les plus sceptiques. Les fractures constatées peuvent-elles se refermer? L’euphorie des marchés financiers masque-t-elle les fragilités de secteurs d’activité pour certains déprimés et pour d’autres sous tensions du fait des ruptures des chaînes de valeur et des hausses des prix?

Les tensions géostratégiques et commerciales Est/Ouest et Nord/Sud, loin de s’apaiser pourraient s’attiser sous le poids des désarrois et des mécontentements des populations durement affectées. L’augmentation des dettes publiques laisse peu de marges de manœuvres aux Etats, et le «quoi qu’il en coûte» touche à sa fin.

Face à cet élan d’union et de solidarité, les force centrifuges reprendront-elles le dessus?

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