TINA part en vacances en Suisse

Nicolas Mougeot, Indosuez Wealth Management

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Même si l’économie helvétique est sortie des taux d’intérêt négatifs, elle reste néanmoins dans un environnement de taux très bas.

Cela n’aura échappé à personne. La Banque Nationale Suisse (BNS) a pris tout le monde de court la semaine dernière en laissant inchangé son taux directeur à 1,75% alors que la plupart des économistes anticipaient une hausse de 25bps. Si la BNS laisse la porte ouverte à de futures hausse de taux, elle considère que le resserrement de sa politique monétaire a pour le moment permis de freiner l’augmentation des prix. Avec un taux d’inflation à 1,6%, sous le seuil cible de 2%, on ne peut que lui donner raison.

La faible inflation en Suisse est aussi probablement due à la politique interventionniste de la BNS sur le marché des changes. En effet, l’an dernier, la banque centrale suisse s’est mis à vendre des actifs en monnaies étrangères afin de renforcer le franc Suisse. Cette stratégie contribue à ne pas importer d’inflation puisque les achats de biens et services à l’étranger sont réalisés avec une monnaie locale forte. A titre d’exemple, la BNS a réduit ses placements en devises étrangères de de 60 milliards de franc Suisse au premier semestre de cette année, représentant près de 8%.

L’écart entre les taux d’intérêt s’est donc creusé en Suisse par rapport aux Etats-Unis ou à l’Europe. La Fed a augmenté son taux directeur à 5,5% et la Banque centrale européenne (BCE) à 4%, des niveaux bien supérieurs au 1,75% de la BNS. Les propriétaires suisses sur le point de renégocier leurs prêts hypothécaires s’en réjouissent certainement car le faible taux de la BNS impacte aussi les taux hypothécaires qui restent, à ce jour, relativement bas. Imaginez les traites de votre prêt immobilier si son taux augmentait à 8% comme c’est le cas aux Etats-Unis…

Le revers de la médaille est que la Suisse n’est finalement pas totalement sortie de l’environnement TINA qui signifie, rappelons-le, «There Is No Alternative to equities». Ce phénomène a constitué   un des moteurs de la hausse des marchés actions pendant des années en Europe et aux Etats-Unis. En effet, de faibles taux d’intérêt poussaient les investisseurs à se tourner vers les actions pour rechercher un quelconque rendement. Aux Etats-Unis, comme en Europe, c’est TARA «There Are Reasonable Alternatives to equities» qui prévaut encore aujourd’hui. Il est en effet possible d’obtenir un rendement à terme sur certaines obligations de plus de 6% aux Etats-Unis par exemple sans prendre de risque inconsidéré.

Même si la Suisse est sortie des taux d’intérêt négatifs, elle reste néanmoins dans un environnement de taux très bas. Ceci représente un problème tant pour les particuliers que pour les clients institutionnels. Les caisses de prévoyance qui doivent produire 3,5 ou 4% de rendement par an sont loin du compte quand une obligation Nestlé 2026 offre un yield de 1,6%... La diversification d’un portefeuille en franc vers des actifs américains, européens voire asiatiques peut être une solution. Cela permet notamment d’investir dans des secteurs comme la Tech américaine et bénéficier du boom de l’intelligence artificiel, thème peu présent dans les sociétés suisses. Mais cela rajoute un risque de devise qui n’est pas neutre lorsque l’on voit le renchérissement du franc face aux autres devises depuis le début de l’année. Les investisseurs les plus sophistiqués pourront aussi couvrir ce risque de devise mais cela a un coût non négligeable.

Bien sûr, il faut prendre en compte l’inflation. Un investisseur européen n’est peut-être pas mieux loti puisque l’inflation en Europe reste supérieure au taux sans risque. Mais globalement, TINA semble donc avoir quitté les Etats-Unis et l’Europe et s’être installée en Suisse pour de bon. A moins qu’elle parte pour le Japon et ses taux d’intérêt toujours négatifs.

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