La revanche du consommateur chinois

Bénédicte Kukla, Indosuez Wealth Management

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La réouverture de la deuxième économie mondiale suscite de nombreuses interrogations concernant son impact potentiel sur le reste du monde.

La plupart des banques centrales des économies développées devraient se réjouir de la réouverture de la Chine, car les tensions liées à l’offre devraient s’apaiser, même si les prix des matières premières risquent d’enregistrer un rebond – a priori limité, car les consommateurs chinois ne compenseront pas entièrement la faiblesse de la consommation américaine en 2023.

LE MONDE ATTEND LA REPRISE DE LA CONSOMMATION EN CHINE

Malgré l’enthousiasme débordant du marché, il est encore trop tôt pour constater une amélioration significative de la situation économique chinoise depuis la réouverture accélérée entamée début décembre. Les données ne sont pas encore disponibles et le parcours mouvementé vers une réouverture complète devrait se terminer au cours du premier trimestre 2023. Certains signes précoces sont toutefois visibles, les infections atteignant déjà un pic dans la plupart des villes tandis que la mobilité se redresse dans de nombreuses régions du pays. À ce stade, les enquêtes sur la consommation dressent un tableau plutôt sombre du moral des consommateurs chinois (au plus bas depuis avril 2022). Néanmoins, on observe que le taux de chômage recule (de 5,7% à 5,5% pour le secteur urbain, un chiffre comparable au niveau pré-pandémie) et le gouvernement semble assouplir sa position en matière de politiques et de réglementation. L’inflation reste inexistante (1,8% en glissement annuel, un chiffre inchangé sur le mois). Les chiffres du NBS5 montrent que le revenu nominal disponible par habitant a augmenté de 5,3% depuis 2019, tandis que le volume de l’épargne a gonflé de plus de 250%. Selon les rapports de Bloomberg, les consommateurs chinois ont épargné un tiers de leurs revenus en 2022 (contre 17% avant la crise) et se sont désendettés (le crédit aux ménages a baissé de 5% en glissement annuel). La situation financière des ménages chinois s’avère donc plus solide qu’avant la crise. Dans ce contexte, le retour de la confiance – notamment dans le secteur immobilier – et la poursuite du reflux du taux de chômage seront essentiels pour débloquer l’excédent d’épargne accumulé en 2022. Nous avons revu à la hausse nos prévisions pour la Chine tout en restant prudents car nous pensons que les ménages chinois recommenceront à se déplacer progressivement pendant le Nouvel An lunaire, tandis que la production devrait décoller plus rapidement.

La réouverture de la Chine devrait fluidifier les chaînes logistiques, même si la pandémie a durablement modifié les habitudes de stockage.
NOUVEAU RELÂCHEMENT DES TENSIONS DANS LA CHAÎNE LOGISTIQUE

Les prix du fret sont en voie de normalisation depuis le troisième trimestre 2022. La réouverture de la Chine devrait fluidifier les chaînes logistiques (notamment pour l’automobile et les biens de consommation), même si la pandémie a durablement modifié les habitudes de stockage. L’amélioration des conditions de l’offre est visible dans les enquêtes auprès des directeurs d’achat américains et allemands, qui reflètent une amélioration des délais et des prix des matériaux, ce qui devrait réduire les pressions inflationnistes à court terme comme l’a récemment souligné l’OCDE. Les exportations chinoises ne se sont pas encore redressées (-8,7% en novembre), mais les indices des prix à la production (IPP) sont en territoire négatif pour le troisième mois consécutif et le retour des marchandises chinoises aura un effet déflationniste au niveau mondial. Jusqu’à présent, l’impact de la réouverture de la Chine sur les prix des matières premières a été modéré. Les prix du pétrole devraient néanmoins rebondir, après avoir chuté sous les 80 dollars le baril. Si la Chine est l’un des moteurs de la demande, les problèmes liés à l’offre – absence de réserves stratégiques américaines en 2023, complications liées à la Russie et tensions internes à l’OPEP – seront déterminants. En revanche, la demande de gaz (GNL) de la Chine pourrait avoir un impact plus important en 2023, en raison de son entrée en concurrence avec les besoins croissants de l’Europe. Globalement, nous jugeons la réouverture de la Chine plus déflationniste qu’inflationniste, notamment pour les prix core (hors alimentation et énergie), qui sont la principale préoccupation des banques centrales.

UN ANTIDOTE AUX RISQUES DE RÉCESSION MONDIALE?

Les exportations de la Chine vers les États-Unis et la zone euro ont récemment chuté (respectivement -19,5% et -17,5% en glissement annuel) car la demande de ces régions a faibli, alors qu’elles ont progressé envers ses partenaires de l’ASEAN (+7,5%) et l’Australie (+8%). Des pays ayant des liens commerciaux étroits avec la Chine et qui ont souffert en 2022 – Corée du Sud, Japon, Taïwan et Chili – devraient se redresser en 2023, notamment grâce à la relance du tourisme régional. La croissance mondiale pourrait en effet être tirée par les marchés émergents en 2023, alors que la réouverture complète de la Chine n’est pas encore totalement prise en compte dans notre scénario. Un certain nombre de marchés émergents mettront en place une politique monétaire moins stricte à partir de 2023, sachant que les pays d’Amérique latine ont engagé un resserrement monétaire précoce en 2022 et doivent absorber l’impact d’une demande mondiale peu dynamique. À cet égard, les consommateurs chinois ne compenseront probablement pas entièrement la faiblesse de la consommation américaine en 2023, même si une baisse de l’inflation plus rapide que celle des salaires devrait renforcer le pouvoir d’achat. L’inflation aux États-Unis devrait en effet chuter à 3% au quatrième trimestre 2023 (contre un peu moins de 5% dans la zone euro), les tensions sur l’offre liées à la pandémie s’atténuant sur les marchés des biens et des locations immobilières, tandis que les prix des services continuent de progresser en raison de tensions persistantes sur le marché du travail.

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