Taux fixes: garder une longueur d’avance

Sam Vereecke, DPAM

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Le retour du carry invite à profiter des phases de faiblesse pour accroître la duration.

Les taux sont devenus très intéressants depuis que le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans a touché la barre des 5% en octobre dernier. Après la période de liquidation qui a succédé à la phase de nette inversion des courbes l’été dernier, nous devrions observer un vaste mouvement haussier.

Le marché table actuellement sur une inflation très modérée qui devrait évoluer entre 2% et 2,5% sur le court comme sur le long terme en Europe et aux Etats-Unis. Il en va tout autrement pour les rendements réels. Leur forte augmentation a été le principal moteur de la hausse des taux ces derniers mois. Cela signifie que le marché n’anticipe pas de stagflation. Il table au contraire sur une inflation qui se situe dans la cible ainsi que sur des rendements réels plus élevés. Ses attentes correspondant aux objectifs des banques centrales, une allocation aux obligations indexées sur l’inflation représente donc une bonne couverture contre l’un des risques liés à la duration, à savoir, des attentes d’inflation en hausse.

La solvabilité des émetteurs d’obligations IG tend à s’améliorer, les hausses de notations étant plus nombreuses que les baisses.
Vers la morosité économique

Au niveau des prévisions, les craintes concernant la croissance ont supplanté celles liées à l’inflation, une évolution qui devrait peser sur l’ensemble des taux en 2024. A l’échelle mondiale, les marchés de l’emploi ont bien résisté jusqu’à présent, même si plusieurs indicateurs commencent à s’inverser. En Europe, la croissance de l’emploi devrait ralentir dans les mois à venir. L’inflation reflue rapidement et elle est déjà inférieure à 3% dans la zone euro. Cependant, malgré des politiques fiscales généreuses, le consommateur voit son revenu disponible diminuer. L’épargne est elle aussi en baisse, les crédits à la consommation refluent et les incidents de paiement par carte de crédit ont augmenté.

Les principaux indicateurs économiques ont basculé dans le rouge, tandis que les enquêtes auprès des chefs d’entreprise sont de moins en moins positives. Même si les économies affichent une belle dynamique, elles devraient bientôt subir l’impact du ralentissement de la demande et du durcissement des conditions de financement. Cette évolution devrait avoir un impact significatif sur les taux en 2024.

Surpondérer la qualité

Les émetteurs d’obligations de qualité «investment grade» (IG) sont largement assez solides pour faire face à d’éventuels ralentissements économiques. Leurs marges bénéficiaires sont confortables, ils disposent d’importantes réserves de liquidités dans leurs bilans et leurs profils d’endettement en matière d’échéances sont robustes. Leurs modèles d’affaires sont diversifiés tant sur le plan géographique que sur celui de leur offre, ce qui leur confère une grande résilience.

S’il convient de maintenir une position neutre sur le haut rendement, tout élargissement des spreads pourrait être mis à profit pour renforcer cette position en 2024.

Depuis la guerre en Ukraine et en comparaison avec nombre d’autres marchés développés comme les Etats-Unis, le différentiel de rendement des obligations en euros s’est élargi, ce qui le rend d’autant plus attrayant. En outre, le «carry» offre une couche de protection supplémentaire contre un éventuel élargissement du spread en cas de ralentissement économique. Dans l'ensemble, la solvabilité des émetteurs d’obligations IG tend à s’améliorer, les hausses de notations étant plus nombreuses que les baisses. En raison de tous ces facteurs, une surpondération de cette classe d’actifs s’impose.

Haut rendement: points d’entrée en vue

Les différentiels de rendement des obligations à haut rendement sont impressionnants et un rendement de 7% en euro constitue une bonne protection contre les défauts de paiement. Si les différentiels de rendement du «high yield» venaient à s’écarter encore du fait d’un ralentissement de l’économie, cela représenterait des points d’entrée intéressants dans cette classe d’actifs en 2024. Le niveau d’endettement des émetteurs d’obligations à haut rendement de qualité (notations BB) étant inférieur à ce qu’il était ces dernières années, ils sont mieux outillés pour faire face à un éventuel ralentissement de l’activité. Si pour l’heure, il convient de maintenir une position neutre sur le haut rendement, tout élargissement des spreads pourrait être mis à profit pour renforcer cette position en 2024.

Comment positionner les portefeuilles?

De manière générale, le phénomène de «carry» a réémergé sur le marché obligataire. Il paraît donc opportun de profiter des phases de faiblesses pour augmenter la duration et la surpondérer. La surexposition aux obligations IG devrait être maintenue d’une part, parce que ce segment présente une duration inférieure à celle des emprunts d’Etat et d’autre part, parce qu’il offre un «carry» supplémentaire intéressant du fait de son différentiel de rendement qui reste attrayant.

En ce qui concerne les obligations à haut rendement, une position neutre est pertinente pour l’instant, mais un ralentissement économique pourrait être l'occasion d'accroître l'exposition à ce type de titres. Certains segments affichent des rendements très attrayants, lesquels représentent un niveau de protection élevé contre des risques tels que le risque devise ou le risque débiteur. C’est le cas par exemple de la dette émergente en monnaies locales qui affiche un rendement de 9%. De plus, en raison de la baisse attendue des rendements américains, le risque que présentent ces devises locales devrait être bien contenu.

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