L’inflation: des risques et des opportunités nouvelles

Olivier Van Haute, DPAM

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Dans un environnement inflationniste, les risques évoluent et certaines corrélations s’effacent, mais les opportunités demeurent.

L’environnement de marché actuel est bien différent de ce qu’il a été ces quarante dernières années. Par conséquent, l’alternance de phases d’appétit pour le risque (favorables aux actions) et de phases d’extrême prudence (favorables aux obligations) ne sera plus la seule réponse à l’évolution macroéconomique. La période actuelle est caractérisée par une inflation supérieure à la normale, hausse des prix qui influence les corrélations entre les différentes classes d’actifs. Cet environnement n’a plus rien à voir avec les cycles typiquement déflationnistes d’hier et exige donc une nouvelle analyse des tendances des marchés financiers et de leurs perspectives.

Freins et soutiens simultanés

Ce nouvel environnement inflationniste résulte de toute une série d’évolutions majeures au plan international. En premier lieu, le vieillissement de la population en Occident, mais aussi au Japon, en Chine et en Corée du Sud, a provoqué des pénuries sur le marché du travail, la génération du «baby boom» étant massivement partie à la retraite. Cette évolution exerce une pression à la hausse sur les salaires, tendance qui a été renforcée par les perturbations résultant des confinements dus au Covid-19 et par les changements qu’il a induits au niveau de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Aux Etats-Unis, la loi sur la réduction de l’inflation et la loi sur les puces et la science sont un véritable soutien à la croissance.

En deuxième lieu, le Covid-19 a amené les gouvernements des pays occidentaux à prendre des mesures budgétaires de soutien à la consommation. Initialement bien reçues, ces mesures semblent s’être transformées en outils de domination fiscale: aux Etats-Unis, la loi sur la réduction de l’inflation et la loi sur les puces et la science (Chips and Science Act) sont un véritable soutien à la croissance, et ce précisément au moment où les banques centrales s’efforcent de ralentir l’économie et d’enrayer l’inflation.

Le nouveau credo est inflationniste

Par ailleurs, nous nous trouvons en plein cœur d’une transition énergétique dont le rythme a été accéléré par des tensions géopolitiques telles que l’invasion de l’Ukraine et les querelles géopolitiques qui en découlent. Si les Etats-Unis et la zone euro ont rapidement décidé de faire usage de leurs devises contre la Russie, cette dernière, accompagnée par l’Arabie saoudite, a rétorqué en utilisant le levier du prix du pétrole au moyen d’une réduction de la production au moment où les Etats-Unis avaient déjà considérablement puisé dans leurs réserves stratégiques d’or noir. Cette situation a amené un changement de paradigme, consommateurs et des entreprises tablent désormais sur une inflation plus marquée.

Des signaux tels que les baisses de certaines actions ou l’élargissement des spreads de crédit donnent à penser que le système reste vulnérable.

En agissant de manière résolue, les banques centrales sont parvenues à éviter l’effondrement de l’économie, malgré le niveau élevé d’inflation. L’importance de l’épargne accumulée par les ménages durant la pandémie ainsi que l’allongement de la durée des emprunts des entreprises ont également contribué à ce résultat. De ce fait, l’impact de la hausse des taux ne se fera que graduellement sentir. Néanmoins, ces prochaines années, le niveau élevé des taux d’intérêt pèsera sur la croissance de l’économie.

En recourant à leurs bilans, les banques centrales ont réussi à limiter l’impact d’«accidents» tels que la crise des banques régionales américaines de mars dernier. Cependant, il serait prématuré d’affirmer que ce problème est entièrement résolu. En effet, des signaux tels que les baisses de certaines actions ou l’élargissement des spreads de crédit donnent à penser que le système reste vulnérable.

La rétroaction: une mécanique dangereuse

D’autres signaux suggèrent également l’existence de boucles de rétroaction négative. Prenons le cas du yen: il tend à se déprécier par rapport au dollar, car la Banque du Japon (BoJ) peine à remonter ses taux (la dette du Japon représente 216% du PIB du pays) tandis que la Réserve fédérale américaine les relève de manière agressive. C’est donc la disparité des rendements des devises qui pèse sur la valeur du yen et qui contraint la BoJ à intervenir en vendant des dollars ou des bons du Trésor américain. Cependant, compte tenu de l’ampleur du déficit budgétaire américain, la capacité du marché à absorber cette offre est limitée. Cette situation tend, à son tour, à alimenter la hausse des taux américains, créant ainsi une boucle de rétroaction.

En l’absence d’intervention ou d’autocorrection d’ordre économique, le G7 ou le G20 pourraient être amenés à intervenir pour prévenir les risques systémiques.

Pour ne rien arranger, la Chine agit de la même manière. Or, Chine et Japon sont les deux pays qui, en dehors des Etats-Unis eux-mêmes, détiennent les plus grandes quantités de bons du Trésor américain. Par conséquent, en l’absence d’intervention ou d’autocorrection d’ordre économique, le G7 ou le G20 pourraient être amenés à intervenir pour prévenir les risques systémiques.

Depuis le début de l’année, la performance des bons du Trésor américain a de nouveau chuté, ce qui pourrait signifier que l’on enregistre la troisième année consécutive de rendements annuels faibles ou négatifs, une situation sans précédent. Ceci nous amène d’ailleurs à une autre corrélation qui a récemment cessé d’être: il s’agit de celle existant entre les rendements réels américains et le prix de l’or. Il semblerait donc que la domination sur le plan du soutien budgétaire ait créé un nouveau problème, celui de la dévaluation monétaire.

Des secteurs potentiellement très rémunérateurs

Il est clair que les changements sont actuellement nombreux, qu’il s’agisse des corrélations, des niveaux de rendements que nous n’avions plus vus depuis une décennie ou encore des nouvelles tendances. Ces évolutions rendent l’investissement difficile, mais la question est de savoir si elles conduisent à la catastrophe ou si la mutation de l’économie recèle également des opportunités intéressantes. Sur le front des actions, les tendances sont prometteuses, notamment dans les secteurs de l’intelligence artificielle (IA), du traitement du diabète (GLP-1) et des technologies vertes. Ces domaines n’étant pas totalement dépendants de l’évolution du PIB, ils pourraient s’avérer très rémunérateurs pour les investisseurs.

Mais cela ne doit pas faire oublier l’existence d’autres risques tels que la situation précaire d’une Chine qui cherche à sortir de sa crise immobilière et dont le gouvernement hésite à adopter totalement le modèle capitaliste. Ceci complique la reconquête des investisseurs actions. Il convient également d’avoir un œil sur l’Union européenne, qui pourrait vouloir augmenter les impôts sur les bénéfices «excessifs», ce qui aurait un impact sur certains secteurs, notamment le secteur bancaire.

Pour ce qui concerne les matières premières, le cuivre et l’argent pourraient largement bénéficier de l’objectif mondial du «zéro émission nette», et ce grâce à la forte demande en technologies vertes. Avec la reprise économique, la demande pour ces métaux pourrait grimper très rapidement. De même, si l’industrie allemande parvient à se redresser, le prix du gaz naturel pourrait également rebondir. Récemment, les prix de l’uranium ont augmenté, un indice qui témoigne de la popularité croissante de l’énergie nucléaire sur les marchés émergents. Pour conclure, on peut affirmer que l’environnement inflationniste actuel aux facettes multiples présente toute une série de défis, mais il offre également des opportunités intéressantes pour les investisseurs avisés.

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