Signaux contradictoires en provenance des Etats-Unis

François-Xavier Chauchat, Dorval Asset Management

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L’économie américaine ralentit, mais cet indicateur est contredit par la résilience du marché du travail.

©Keystone

Les motifs d’angoisse abondent sur les marchés financiers. L’économie mondiale post-COVID est chaotique et les statistiques macroéconomiques envoient des signaux contradictoires. Aux Etats-Unis, l’inflation s’accélère et se diffuse, ce qui questionne sur la pertinence du scénario de modération. En Europe, la crise énergétique mobilise toute l’attention et rend la tâche de la BCE très difficile. La Chine se débat avec sa politique «zéro COVID» et ses problèmes dans le secteur immobilier. Il y a cependant deux bonnes nouvelles: face à ces risques, il y a désormais pas mal de primes de risque et les investisseurs doivent s’interroger sur l’équilibre entre les deux, et toutes les régions du monde ne subissent pas les mêmes conditions, ce qui accroit l’intérêt de la diversification internationale.

Tous les ralentissements ne sont pas égaux

Aux Etats-Unis, la hausse des prix se diffuse largement dans l’économie, de sorte que l’on peut dire que le phénomène est généralisé et persistant mais est-il déjà auto-entretenu? Les enquêtes auprès des ménages montrent une hausse des anticipations d’inflation à court terme mais un niveau modéré à plus long terme et qui se replie récemment. L’inflation salariale tend à se calmer dans les dernières statistiques de l’emploi alors même que les créations d’emplois restent rapides et les emplois vacants pléthores. Enfin, la baisse des matières premières depuis plusieurs semaines et la force du dollar (baisse des prix sur les produits importés) sont également de nature à modérer l’inflation dans les prochains mois.

Les signes de ralentissement de l’économie américaine se multiplient mais sont contredits par la résilience du marché du travail. Peut-être que l’effet de la réouverture de l’économie après le Covid est plus persistant sur le marché du travail que sur d’autres variables économiques, ce qui exacerbe le caractère retardé de l’emploi. Tout ceci justifie au minimum une hausse de 75pb des taux par la Réserve fédérale le 27 juillet prochain. Une hausse de 100pb est possible mais n’est pas le scénario de base.

En Europe, la question du ralentissement est d’une autre nature. Si aux Etats-Unis le ralentissement est voulu comme remède contre la surchauffe, en Europe il est totalement subi comme conséquence du choc énergétique. On en saura plus avec la fin de la période de maintenance annuelle du gazoduc Nord Stream 1 qui alimente l’Allemagne en gaz russe. Le scénario de base aujourd’hui est une fermeture définitive des livraisons par ce canal. Cependant, c’est une décision à la main de Poutine et bien malin qui peut dire ce qu’il fera. Etant donné le positionnement des investisseurs sur cet événement, il est possible qu’en cas de reprise surprise des livraisons, l’euro et les taux allemands repartent dans l’autre sens violemment. Comme si tout ceci n’était pas déjà assez pénible, l’instabilité politique fait sa réapparition en Italie. La coalition gouvernementale dirigée par Mario Draghi se fissure avec l’abstention des députés du Mouvement 5 étoiles (M5S). Le premier ministre a présenté sa démission, aussitôt refusée par le président Mattarella. Crise de posture ou crise profonde? Il semble qu’aucun parti politique n’ait vraiment envie de précipiter des élections générales (au plus tôt à l’automne) dans l’environnement actuel sachant qu’elles sont de toute façon prévues pour le printemps 2023.

Le cas particulier de l’Asie

Pendant ce temps, en Chine, la croissance du deuxième trimestre subit de plein fouet la fermeture sanitaire de l’économie avec une contraction de -2,6% du PIB (+0,4% sur 1 an). Les statistiques de juin sont cependant bien meilleures et indiquent un net rebond au troisième trimestre.

En terme macroéconomique, le sort de l’Asie semble bien différent de celui de l’Europe ou des Etats-Unis, ce qui renforce l’intérêt de la diversification internationale. Le marché japonais semble tout indiqué dans ce cadre. L’inflation y est bien moins problématique même si elle gêne les ménages japonais qui n’en ont pas du tout l’habitude. La dépendance au gaz russe y est bien plus faible (10% des besoins en gaz du Japon). Avec la large victoire aux élections sénatoriales du LDP (dans les circonstances tragiques de l’assassinat de l’ex premier ministre Shinzo Abe), le premier ministre Kishida ressort renforcé, ce qui donne un peu de visibilité́ sur la politique monétaire et budgétaire. Enfin, la valorisation du marché japonais reste attractive, plus proche de celle de l’Europe que de celle des Etats-Unis.

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