Scénarii des élections américaines

Esty Dwek, Natixis Investment Managers Solutions 

4 minutes de lecture

A moins d'une semaine des élections américaines, examinons les différents résultats potentiels et leurs implications pour les marchés.

La vague bleue

Non seulement les sondages annoncent de plus en plus une victoire de Biden, mais ils indiquent également une probabilité croissante d'une «Vague Bleu» – les Démocrates remportant la Maison Blanche, le Sénat et la Chambre. Au niveau des sondages nationaux qui représentent le vote populaire, Joe Biden a environ 10 points d’avance sur Donald Trump. Le Collège électoral est bien sûr la partie qui compte réellement, et les sondages dans les États dits de bataille indiquent une marge d'environ 4 points. Si les Démocrates prennent effectivement le Sénat, il y aura toujours une question de majorité suffisamment importante pour éviter les «filibusters», mais ils détiendraient une majorité dans les trois chambres, ce qui leur permettrait de faire passer facilement leurs priorités politiques et apporter des changements significatifs pour les États-Unis, et à l'échelle mondiale.

Typiquement, les Républicains sont considérés comme plus favorables aux entreprises, mais dans l'environnement actuel, il n’y a que les dépenses qui comptent. En effet, le sujet le plus urgent pour les marchés est la relance budgétaire. Au moment de la rédaction, il semble peu probable que nous parvenions à un accord avant les élections, de sorte qu'une éventuelle Vague Bleue implique une attente plus longue, mais un paquet fiscal bien plus important. En effet, Biden et les Démocrates parlent d’environ 2’000 à 2’500 milliards de stimulus supplémentaires, avec environ 3’000 milliards de dépenses en infrastructure, santé, éducation et climat, au cours des prochaines années. En outre, les préoccupations habituelles concernant la dette et le déficit se sont dissipées dans le contexte de pandémie mondiale, de sorte que, même si certains doutes pourraient se faire jour à un moment donné quant à la manière de payer pour tout ce soutien, les marchés se concentrent pour l'instant sur les facteurs positifs.

Optimisme sur les relations sino-américaines sous une administration Biden
mais inquiétudes sur l'impôt sur les sociétés.

A l'inverse, l'inquiétude des marchés porte sur les taxes. Biden a déjà annoncé son intention de relever le taux de l'impôt sur les sociétés de 21% à 28% (à mi-chemin de la réduction de l'impôt d'avant Trump), avec un taux d'imposition minimum de 15%, et d'augmenter l'impôt sur les revenus étrangers. Dans l'ensemble, ces mesures devraient réduire de 9-10% les bénéfices du S&P500. Bien que le marché s'attende à ce que ces taxes soient reportées, cela est peu probable, car le montant des dépenses prévues par Biden nécessitera un financement et les Démocrates ne voudront pas augmenter les impôts juste avant les élections de mi-mandat en 2022. Certaines de ces anticipations de hausse d'impôts sont déjà intégrées, mais pas 100%.

De plus, il semble y avoir un optimisme sur les relations sino-américaines sous une administration Biden. Toutefois, les relations vont continuer à être tendues. Certes, les relations pourraient être plus fluides, et il y aurait moins d'incertitude en termes de tweets et de tarifs. De plus, une baisse des droits de douane est probable, sachant que Biden les considère comme pénalisant les agriculteurs américains. Néanmoins, la guerre froide technologique n'est pas une question partisane et les tensions persisteront, quel que soit le résidant de la Maison Blanche. Un président Biden utilisera probablement une approche plus multilatérale et obtiendra le soutien de ses homologues européens, mais la pression est là pour durer.

Cela dit, il n’est pas nécessaire de se préoccuper pour l'instant du secteur de la technologie. La récente annonce antitrust par les Démocrates devrait évoluer très lentement, et la taille de ces entreprises n’est pas la préoccupation initiale de Biden. Nous pourrions voir plus sur la réglementation et sur la protection de la vie privée, mais aucune dissolution de ces entreprises n’est à prévoir. La technologie, ainsi que la santé, restent des gagnants à long terme.

Malgré les sondages, le président Trump pourrait conserver
la Maison Blanche et les Républicains pourraient conserver le Sénat.

Alors que les marchés se préparent à ce scénario, celui-ci n’est pas complètement intégré dans les prix à ce stade. Les espoirs d'un président plus traditionnel et moins impulsif seraient les bienvenus, mais les questions de politique et de fiscalité persisteraient. Les perspectives de croissance pour 2021 seraient dopées et le «trade de réouverture» s'accélérerait, soutenant les cycliques, même si, à moins que la courbe des rendements ne se pentifie de manière significative, il est peu probable qu'il s'agisse d'un changement structurel à long terme.

Les rendements devraient augmenter en fonction des anticipations de dépenses, ce qui ferait remonter les anticipations d'inflation, même si elles resteront tout de même plafonnées par la Réserve fédérale. Néanmoins, si les rendements augmentent trop rapidement, les marchés actions pourraient rencontrer des difficultés.

Statu quo

Les sondages indiquent qu'une Vague Bleue est le scénario le plus probable, mais le président Trump pourrait conserver la Maison Blanche et les Républicains pourraient conserver le Sénat, maintenant le Congrès divisé et l'impasse politique actuelle. Dans un tel contexte, les marchés pourraient s'inquiéter d'un plan de relance budgétaire, mais nous obtiendrons probablement le plan de relance de la phase 4 cette année, mais sur l'échelle actuellement débattue, environ 1,5 à 1,8 mille milliards de dollars.

Du point de vue du marché, ce résultat ne modifierait pas significativement les perspectives. Les inquiétudes concernant la Chine pourraient refaire surface et le président Trump pourrait adopter des mesures supplémentaires, ce qui accroîtrait la volatilité. Mais les rendements resteraient bas, le soutien des banques centrales énorme, et la rentabilité des entreprises présenterait de meilleures perspectives avec des impôts bas et peu de perspectives en matière de réglementation.

Partagés

Avec de nombreuses élections serrées au Sénat, les Républicains pourraient conserver leur majorité tandis que Biden remportera la présidence. Nous nous retrouverions donc dans une situation similaire à celle d'aujourd'hui, avec un Congrès partagé. Dans ce scénario, le Sénat bloquerait de nombreux plans de dépenses plus importants des Démocrates, bien qu'un paquet budgétaire soit attendu. Une certaine forme de dépenses d'infrastructure serait également probable, dans la mesure où cette question a recueilli un soutien partisan. Là encore, la réaction des marchés serait relativement limitée, les tendances les plus extrêmes des deux côtés restant contenues.

Les inquiétudes concernant les mesures de relance budgétaire,
la Chine et d'autres pays devraient rester dans l'esprit des investisseurs.
Le pire scénario

Le scénario le plus pessimiste pour les marchés serait un second mandat pour le président Trump, mais une prise de contrôle par les Démocrates du Congrès, leur donnant le pouvoir de bloquer presque toutes les politiques de Trump et mettant en place une situation d'impasse/de veto qui verrait très peu de choses se faire, et de nombreux décrets exécutifs. Les inquiétudes concernant les mesures de relance budgétaire, la Chine et d'autres pays devraient rester dans l'esprit des investisseurs, ce qui exacerbe l'incertitude et la volatilité.

Ignorer le bruit

Si une Vague Bleue semble être le scénario le plus probable aujourd'hui, de nombreux autres scénarios pourraient se concrétiser. En effet, nous n'avons pas discuté d'un scénario électoral contesté, car celui-ci est moins probable que ne le suggèrent les gros titres, mais une incertitude prolongée pèserait bien sûr sur les marchés. Enfin, au-delà de l'élection, les soutiens aux actifs risqués à moyen terme ne sont pas entièrement dépendants du résultat de l'élection.

En effet, voici ce qui, à notre avis, aura de l'importance: La relance budgétaire arrive – un peu plus avec les Démocrates, mais elle arrive quoi qu'il arrive. Les banques centrales vont rester ultra-accommodantes pendant très longtemps, avec des anticipations d'achats d'actifs supplémentaires de la part de la Banque centrale européenne et de la Banque d'Angleterre, et éventuellement de la Réserve fédérale si les anticipations d'inflation n'augmentent pas (cela dépendra probablement du montant des dépenses budgétaires annoncées au début de l'année prochaine). Il y a beaucoup de cash «en attente» et les prévisions de bénéfices pour 2021 sont solides. Bien que la pandémie ne soit pas maîtrisée, les attentes en matière de vaccins et de traitements pour l'année prochaine s'améliorent et la reprise économique se poursuivra, même si de manière inégale. 

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