Rester constructif en période de volatilité

Esty Dwek, Natixis Investment Managers Solutions 

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La dynamique ralentit mais la reprise devrait se poursuivre. La trajectoire vers les élections américaines reste cependant volatile.

Avec l’épuisement d’une grande partie du dernier cycle de soutien budgétaire américain, la consommation n’a progressé que de 1% en août aux Etats-Unis, les consommateurs ayant commencé à puiser dans l’épargne pour soutenir leurs dépenses. En effet, bien que le taux d’épargne des ménages américains reste toujours bien au-dessus de la moyenne, il a continué de baisser durant le mois d’août, à 14% (contre 33% en avril). Les indices PMI américains ont, quant à eux, globalement dépassé les attentes pour septembre. De l’autre côté de l’Atlantique, où les gouvernements ont dû durcir leurs restrictions pour contenir la deuxième vague de coronavirus, la crise sanitaire continue de peser sur la croissance. L’indice PMI des services de la zone euro est repassé sous la barre des 50 pour la première fois depuis trois mois. En Chine, les données continuent de surprendre à la hausse, la demande intérieure rattrapant un secteur manufacturier en plein essor.

Les récents sondages montrent une avance croissante pour Joe Biden qui monte pour la première fois à +10% dans la campagne présidentielle américaine. Les probabilités d’une vague démocrate – à la Maison Blanche, à la Chambre des Représentants et au Sénat – augmentent également. Jusqu’à présent, les marchés apprécient cette tendance, anticipant un nouveau soutien budgétaire en 2021 sous une administration démocrate. La volatilité devrait cependant se maintenir en novembre. Entretemps, les négociations sur un plan de relance de phase 4 se poursuivent, mais avec une probabilité décroissante d’accord avant les élections.

Les banques centrales ont été relativement calmes ces derniers temps, bien qu’elles continuent de demander un soutien budgétaire supplémentaire des deux côtés de l’Atlantique. On s’attend par ailleurs à ce que la Banque Centrale Européenne et la Banque d’Angleterre annoncent des mesures supplémentaires dans les mois à venir, et ce d’autant plus que l’Europe est confrontée à des pressions déflationnistes. La Réserve fédérale devrait quant à elle attendre après les élections, dont le résultat déterminera l’ampleur des dépenses budgétaires attendues en 2021. Elle pourrait également renforcer ses mesures si les anticipations d’inflation n’augmentent pas.

Les marchés anticipent la publication des résultats
du troisième trimestre avec un certain optimisme.

Les négociations entre le Royaume-Uni et l’UE sur les relations commerciales post-Brexit se poursuivent de manière intense, et le négociateur en chef de l’UE Michel Barnier a suggéré qu’elles se déroulaient sur un ton plus «constructif», malgré un certain nombre de points d’achoppement. Sans accord, le Royaume-Uni retournerait aux conditions de base de l’OMC, ce qui représenterait un coup dur pour la compétitivité du Royaume Uni, dont l’UE représente plus de 50% des importations.

L’indice DXY du dollar américain a enregistré sa plus forte perte en six semaines, sur l’espoir d’un accord pour de nouvelles mesures de relance, mais a rebondi depuis à +1,5% depuis son niveau du 31 août (le plus bas depuis deux ans). L’euro a perdu de la valeur par rapport à la livre sterling en raison des espoirs d’un accord sur le Brexit, mais la volatilité devrait augmenter suite aux nouveaux développements dans ce dossier. L’or a, quant à lui, reflété l’inverse du dollar, rebondissant en fin de semaine dernière mais revenant juste en dessous de 1900 dollars l’once. Les prix du pétrole ont subi des baisses massives suite au test positif au coronavirus de Trump avant de regagner une partie du terrain perdu, le WTI se retrouvant au-dessus de 40 dollars et le Brent autour de 42,5 dollars le baril.

Les actifs risqués ont rebondi grâce à la dynamique positive du secteur technologique, et les investisseurs semblent soulagés par l’avance croissante de Joe Biden sur le président Trump, perçue comme réduisant le risque d’une élection contestée. De plus, l’agenda des démocrates devrait être inflationniste, un élément positif pour les actions dans la mesure où l’on peut s’attendre à une forte relance budgétaire sous la forme d’un soutien aux ménages, de dépenses d’infrastructures et d’une hausse du salaire minimum. A court terme cependant, la situation peut rester compliquée avant les élections.

Les marchés anticipent la publication des résultats du troisième trimestre avec un certain optimisme. Les analystes ont revu leurs estimations, les abaissant au cours du deuxième trimestre de 23,6% avant de les remonter de 4,1% dans le courant du troisième. Le recul estimé des bénéfices pour le S&P500 est de -20,5%, ce qui marquerait la deuxième baisse interannuelle la plus importante depuis le deuxième trimestre 2009. Cela dit, les révisions se sont améliorées et les orientations sont également devenues plus optimistes.

Les rendements obligataires souverains se sont bien comportés malgré la volatilité des marchés actions, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe. Les banques centrales ont continué d’affirmer que les faibles rendements devraient perdurer, la croissance restant fragile et les anticipations d’inflation en demi-teinte, notamment en Europe. Il faudra néanmoins garder un œil sur les taux, en particulier en cas de victoire démocrate qui pourrait impacter les anticipations d’inflation. Le mouvement devrait cependant rester contenu, sans constituer un obstacle pour le sentiment des investisseurs.

Les spreads de crédit ont continué à bien résister, se resserrant plus aux Etats-Unis qu’en Europe durant le mois d’octobre. Ils devraient évoluer dans une fourchette à court terme, mais pourraient encore se resserrer par la suite. Les titres «investment grade» pourraient encore être préférés aux «high yield», face au risque persistant de défaut et les opportunités présentées par la dette corporate émergente en devise forte, où les spreads peuvent encore se resserrer.

Dans l’ensemble, il s’agit de rester constructif à moyen terme, et ce malgré une trajectoire volatile jusqu’aux élections américaines. Il faudra garder un œil sur le rythme de la reprise ainsi que sur les taux d’hospitalisation, notamment pour savoir si les mesures actuelles de confinement en Europe s’avèreront suffisantes.

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