Brexit: la situation pourrait s'aggraver avant de s'améliorer

Esty Dwek, Natixis Investment Managers Solutions 

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Un Brexit sans accord paraît à l’heure actuelle peu probable, mais les discussions n’en sont pas moins contentieuses. Et cela pourrait durer.

Alors que l’échéance du 15 octobre imposée par le Royaume-Uni pour les discussions sur ses futures relations avec l’Union européenne se rapproche, les écarts entre les deux parties restent importants. Les commentaires ont toutefois pris un ton plus positif ces dernières semaines et un certain optimisme semble de mise quant au fait que les deux partenaires se rejoindront sur suffisamment de sujets clés pour pouvoir obtenir un accord avant que le Royaume-Uni ne quitte (enfin) le bloc en fin d’année 2020. Chacun paraît avoir suffisamment à perdre pour que des «mini-accords» ou des «accords sectoriels stratégiques» soient ultimement conclus. Il y a également lieu d’espérer que les discussions se prolongent au-delà de la mi-octobre si nécessaire. En effet, nombre des actions récentes de Boris Johnson, y compris sa proposition d’un projet de loi sur le marché intérieur qui serait en violation du droit international et rejetterait les termes d’un accord conclu il y a plusieurs mois avec l’Union européenne, semblent relever de la tactique de négociation. 

Le Royaume-Uni veut être flexible dans la manière dont il distribue ses aides d’Etat
et libre de soutenir son économie mal en point selon ses besoins.

Ceci dit, les Brexiters les plus convaincus au sein du parti de Johnson ont gagné en influence et ce Brexit sera bien plus dur que précédemment anticipé – et qu’il l’aurait été sous le gouvernement de Theresa May. Si l’on remonte aux raisons à l’origine du Brexit, il s’agissait avant tout de rejeter un ensemble de règles imposées par la bureaucratie de Bruxelles et de regagner la souveraineté britannique. De fait, l’un des points contentieux restants touche bien à cet aspect: le Royaume-Uni veut être flexible dans la manière dont il distribue ses aides d’Etat et libre de soutenir son économie mal en point selon ses besoins. L’autre point de friction concerne la pêche. La France en particulier veut garder le même accès qu’aujourd’hui aux eaux d’arrivée britanniques. Sur ces deux sujets cependant, il semble y avoir une certaine marge de compromis, ce qui suggèrerait que l’écart se réduit.

Le Royaume-Uni est perçu, à raison, comme ayant plus à perdre sur le plan économique d’un Brexit sans accord que l’Union européenne. En effet, l’UE représente une bien plus grande part des exportations britanniques que l’inverse. En 2019, les exportations britanniques vers l’UE représentaient 43% de l’ensemble de leurs exportations, alors que le Royaume-Uni ne représentait que 15% des exportations européennes. De la même manière, les importations britanniques depuis l’UE comptaient pour 51% de leurs importations totales, contre seulement 10% du côté européen. De plus, revenir aux conditions de base de l’OMC entraînerait une forte baisse de compétitivité pour le Royaume-Uni. Et selon le vainqueur de l’élection présidentielle américaine le mois prochain, les discussions commerciales avec les Etats Unis pourraient également se révéler compliquées. 

La fragmentation au sein du pays n’a fait qu’augmenter depuis le Brexit.

Tout ceci cependant ne tient pas compte de l’idéologie, et de la forte conviction des Brexiters que le Royaume-Uni serait finalement mieux servi en dehors de l’UE, même au prix d’une certaine douleur sur le court terme. En outre, certains estiment que le Royaume-Uni pourrait tout aussi bien ajouter maintenant les douleurs économiques causées par le Brexit à celles causées par le COVID-19. Boris Johnson et les conservateurs auraient ensuite encore trois ans au pouvoir avant les prochaines élections pour stimuler la croissance, avec le soutien de la Banque d’Angleterre. 

A plus long terme, de nombreux défis restent à relever pour le Royaume-Uni, car la fragmentation au sein du pays n’a fait qu’augmenter depuis le Brexit. L’Ecosse et l’Irlande du Nord ont voté pour rester dans l’UE. La question de l’indépendance écossaise n’est donc probablement pas bien loin, ce qui pourrait ouvrir la boîte de Pandore. 

Comme nous avons pu le constater avec la plupart des épisodes depuis le vote sur le Brexit en 2016, les discussions vont probablement se jouer à un fil, même si un scénario de no-deal paraît peu probable. 

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