Savoir gérer la baisse

Gary Kirk, TwentyFour Asset Management

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Les prix des actifs se réajustent face au durcissement de ton des grandes banques centrales.

© Keystone

Alors que l’indice des prix à la consommation (IPC) du mois de janvier aux Etats-Unis affiche un bond spectaculaire de 7,5% en données annuelles, les marchés attendent des actions beaucoup plus énergiques de la part de la Fed et anticipent désormais au moins cinq hausses des taux d’intérêt cette année en plus d’une réduction plus rapide de son programme de rachat d’actifs. La Banque d’Angleterre a comme prévu relevé une deuxième fois son principal taux d’intérêt de 25 pb la semaine dernière, mais quatre des neuf membres de son Comité de politique monétaire étaient favorables à une hausse de 50 pb. Les marchés s’ajustent donc à ce durcissement de ton tandis que plus tôt dans la semaine, la présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde martelait que les risques pour l’inflation étaient désormais «orientés à la hausse». On peut donc raisonnablement affirmer que l’inflation n’est plus considérée comme un phénomène transitoire.

Comment les investisseurs obligataires peuvent-ils réagir?

Selon nous, la première mesure évidente est une réduction significative de la sensibilité du portefeuille à la duration, et la deuxième est une position en liquidités suffisante pour permettre une recherche d’actifs opportuniste en cas de recul des prix (ce qui devrait se produire cette année durant les phases de volatilité). Sur le plan du crédit, il nous paraît envisageable de descendre dans la fourchette de notation compte tenu des taux de défaut très faibles et de la migration positive des notations, mais nous équilibrerions ce choix du crédit à bêta élevé en nous concentrant sur la partie courte de la courbe, où les effets roll down et pull-to-par peuvent contribuer à amortir les phases de volatilité du marché.

La Fed reste trop modérée dans ses perspectives pour l’inflation.

Nous sommes donc encouragés par l’ajustement des prix des actifs auquel nous assistons depuis le début de l'année, avec un repli de 2-3% des principaux indices à haut rendement et une baisse de 5-10 points de la dette bancaire depuis les niveaux les plus serrés de fin 2021. Il est bien sûr très difficile de dire si les prix des actifs continueront à s’éroder; cela dépendra beaucoup de la réaction des marchés face à la politique des banques centrales dans les mois qui viennent, de sorte que l’incertitude et la volatilité pourraient bien persister jusqu’à la prochaine série de réunions des comités monétaires. Nous estimons toutefois que les évolutions récentes ont créé un niveau plus attractif pour étoffer de façon sélective le portefeuille obligataire et améliorer ainsi son profil à moyen terme. Sélectionner le point le plus bas du marché dans une période de transition comme celle-ci étant pratiquement impossible, il nous semble raisonnable d’utiliser une partie des liquidités en portefeuille en cas de baisse du marché.

Faut-il s’attendre à des erreurs de politique des banques centrales?

Cette décision sera plus facile à prendre pour les investisseurs lorsqu’ils verront certaines obligations exposées à des fluctuations significatives. Le premier établissement de crédit italien UniCredit a ainsi vu le prix de ses obligations AT1 4,45% chuter de 10 points depuis le début de l’année. Conséquence: le rendement disponible a fortement augmenté de 210 pb pour s’afficher tout juste au-dessus de 6%. Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises la solidité du bilan de la  Coventry Building Society. En termes relatifs, les obligations de cette entreprise affichaient pourtant des conditions très serrées en termes relatifs. Depuis le début de l’année, les obligations AT1 6,875% de Coventry ont toutefois vu leur prix décliner de 4 points avec une hausse de 160 pb du rendement.

Face à l’incertitude qui entoure l’inflation et à ses conséquences dans le domaine de la politique monétaire, le marché sera sans doute confronté à de nouveaux défis et à d’autres périodes de volatilité. Notre principale préoccupation tourne toujours autour de l’éventualité d’une erreur politique des banques centrales et de la question de savoir si elles parviendront à réaliser l’exploit d’un atterrissage en douceur. Le récent aplatissement des courbes de taux des emprunts d’Etat paraît refléter concrètement ces interrogations. Les chiffres de l’inflation US publiés jeudi ont une nouvelle fois dépassé les prévisions du marché et certainement ajouté à l’inquiétude de la Fed, mais celle-ci garde pourtant le cap de son programme de rachat d’emprunts quotidien. Nous jugeons cette attitude préoccupante, car elle nous semble indiquer clairement que la Fed reste trop modérée dans ses perspectives pour l’inflation. Le Royaume-Uni sera confronté au défi supplémentaire des hausses d’impôts en avril, mais aussi des augmentations du coût de la vie qui auront un impact certain sur les consommateurs et des répercussions sur l’économie en général. Cette situation exigera des banques centrales un véritable exercice d’équilibre sur le plan de la politique monétaire comme de la rhétorique, mais l’économie reste au moins assez solide, tout comme le secteur bancaire, ce qui est essentiel au maintien du mécanisme de transmission.

Comment rechercher un revenu attrayant?

Le marché obligataire semble déjà avoir intégré beaucoup de mauvaises nouvelles, mais le scénario de base est sans doute celui d’une année volatile; pour y faire face, une allocation de portefeuille sélective et rigoureuse est primordiale. Eviter les courbes des emprunts d’Etat, se concentrer sur les obligations à haut rendement d’échéances courtes et conserver des liquidités suffisantes devrait permettre aux investisseurs d’espérer des rendements plus attrayants à plus long terme.

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