CLO: le virus agrandit l’écart entre l’Europe et les USA

Elena Rinaldi, TwentyFour Asset Management

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Les CLO attirent toutes les attentions, notamment à la suite des actions de notation négative prises par les agences.

©Keystone

Pendant la crise financière mondiale (CFM), les agences de notation ont été vivement critiquées pour avoir agi trop lentement en termes de dégradation. Cette fois-ci, les principales économies étant contraintes de respecter des mesures de confinement depuis mars, les agences de notation ont agi très rapidement, appliquant de nouvelles hypothèses concernant le PIB, les défauts de paiement et les dégradations dans les secteurs les plus touchés par le COVID-19.

Dans le passé, nous avons suivi un scénario de type CFM et testé la résistance des structures CLO en Europe. Alors que les perspectives de défauts et de dégradation restent très incertaines, et que nous n’avons certainement pas encore connu le pire, nous analyserons ici les performances récentes des CLO, et porterons une attention particulière aux écarts enregistrés entre les marchés européen et nord-américain.

Des actions de notation plus agressives aux États-Unis

Le marché des prêts à effet de levier («leveraged loans») a subi une vague agressive d’actions de notation depuis mars dernier. Aux États-Unis, 24% en moyenne des prêts dans les CLO ont fait l’objet d’une action de notation, à savoir une dégradation ou un mouvement de «surveillance négative», tandis qu’en Europe, ce chiffre oscille autour des 15%. En conséquence, la part des actifs notés B et CCC a progressé dans les CLO européens et nord-américains. L’exposition CCC (d’où proviennent la grande majorité des défauts de paiement des entreprises) est passée à 7% en Europe et 12% aux États-Unis alors que les compartiments B sur les deux marchés ont augmenté mais sont globalement semblables, à près de 15%. Au sein des portefeuilles de CLO, les garanties en difficulté, définies comme des prêts se négociant en dessous de 70 - prix au comptant, ont grimpé à 5% contre 1% dans les CLO européens, et à 9% contre 2,5% dans les CLO nord-américains. L’arrêt forcé des économies a également entraîné une augmentation des restructurations. Le taux de défaut traînant sur 12 mois sur le marché du crédit est encore très bas (1,39% en Europe en avril) mais il reprend aux États-Unis où il dépasse désormais la barre des 3%.

Sur les CLO américains notés par Moody’s, plus de la moitié
ont fait l’objet d’un réexamen pour dégradation.

L’augmentation du risque de perte extrême aux États-Unis a provoqué une plus grande érosion de la valeur des portefeuilles de prêts nord-américains, certains gestionnaires ayant vendu des actifs à des pertes très élevées. Ce n’est pas bon pour les transactions nord-américaines qui ont tendance à bénéficier d’un soutien au crédit inférieur à celui de leurs cousins européens, ce qui signifie qu’ils peuvent supporter un nombre plus limité de défauts et de dégradations avant que certains investisseurs ne subissent une perte. Les CLO ont mis en place différents éléments déclencheurs conçus pour protéger les détenteurs d’obligations contre l’érosion de la valeur du portefeuille de prêts, en commençant par les tranches les mieux notées au sommet de la structure du capital. Une rupture au niveau de l’élément déclencheur entraîne le détournement des flux de trésorerie d’intérêt des tranches inférieures (en commençant par les capitaux propres) dans le but d’amortir l’opération, et l’augmentation des actifs notés CCC ainsi que des défauts de paiement a conduit un certain nombre d’opérations à dépasser leurs limites.

Les CLO européens enregistrent de meilleurs résultats

Aux États-Unis, près d’un tiers des CLO n’ont pas respecté l’élément déclencheur (environ 300 accords sur 1 200 publiés en avril et en mai), alors qu’en Europe, seuls deux accords l’ont fait. À la suite de la vague de dégradations du marché des crédits, les notations des tranches CLO ont également fait l’objet d’une analyse minutieuse. Sur les CLO américains notés par Moody’s, plus de la moitié ont fait l’objet d’un réexamen pour dégradation alors que le chiffre correspondant en Europe n’est que d’environ 14%. Ces actions de notation ont été limitées aux tranches cotées A et en dessous aux États-Unis, et BBB et en dessous en Europe.

La meilleure performance des CLO européens au cours de ces derniers mois ne nous a pas surpris. D’après nos échanges avec différents gestionnaires, il semblerait que la liquidité de bon nombre de ces sociétés soit meilleure que ce qui avait été prévu auparavant. Cependant, le cycle par défaut vient de débuter, et nous nous attendons à ce que davantage de données fondamentales négatives surviennent bien que cela varie considérablement d’un pays à l’autre en raison des différents régimes gouvernementaux mis en place pour aider les entreprises à venir à bout de l’impact du virus. Nous prévoyons que davantage de tranches de type B diffèrent les intérêts en Europe et, de manière générale, que les capitaux propres subissent d’importantes pertes.

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