RocketVax: deuxième étage de la fusée du vaccin candidat

Yves Hulmann

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La biotech bâloise dirigée par Vladimir Cmiljanovic mise sur une approche qui vise à protéger contre toutes les variantes connues du COVID-19.

Le coronavirus n’a pas pris de vacances cet été, les chercheurs non plus. Pas une semaine ne se passe sans que de nouveaux foyers de contamination du coronavirus ne réapparaissent dans une région ou une autre de l’Europe. Et alors que le variant Delta continue de gagner du terrain à plusieurs endroits du monde, y compris parfois dans des pays où le taux de vaccination est déjà élevé, la question du choix des vaccins qui sauront être les mieux adaptés aux futurs variants continue de se poser –  d’autant plus à l’approche de la saison d’automne susceptible de renforcer le nombre de contaminations comme cela avait été observé en 2020.

Tandis que l’attention du grand public se concentre essentiellement sur une poignée de vaccins – ceux de BioNTech/Pfizer, de Moderna et d’AstraZeneca qui ont déjà été administrés à large échelle – à quoi s’ajoutent quelques autres issus des pays émergents, il existe aussi plusieurs dizaines d’autres projets de vaccins qui sont actuellement en cours d’élaboration. Parmi ceux-ci figurent un vaccin candidat développé par la société biotechnologique bâloise RocketVax, fondée l’an dernier par l’incubateur Swiss Rockets.

Collaboration avec Batavia Biosciences entamée en juillet

C’est dans ce contexte que RocketVax poursuit ses efforts de développement d’un candidat-vaccin dit de «deuxième génération» contre le COVID-19. A la différence des vaccins qui sont déjà administrés à grande échelle actuellement, la biotech bâloise développe un candidat-vaccin appelé RVX-13 qui – au lieu de ne contenir qu'un seul antigène dérivé de COVID-19 – comprend toutes les principales caractéristiques immunogènes du virus SRAS-CoV-2. Cette technologie vise à fournir un vaccin plus efficace et protégeant contre toutes les variantes connues du virus SRAS-CoV-2, a précisé RocketVax en juillet, lorsque la société a annoncé avoir entamé une nouvelle collaboration avec l’entreprise néerlandaise Batavia Biosciences qui sera en charge de développer le processus clinique pour le vaccin candidat. En termes de calendrier, RocketVax prévoit de commencer les essais cliniques de phase I durant le deuxième trimestre de 2022.

La ligne d’attaque de RocketVax a l’avantage de combiner des caractéristiques provenant des trois approches déjà éprouvées.
Nouveau tour de financement de 7,2 millions obtenu en août

Côté financement, RocketVax a réussi à obtenir 7,2 millions de francs suisses dans le cadre de son financement de démarrage A pour financer le développement préclinique de son vaccin Covid-19, a annoncé la société début août. Des investisseurs institutionnels et privés renommés ont participé à ce tour de financement. Les fonds reçus comprennent 1,2 million de francs provenant d'une subvention de recherche d'InnoSuisse (Agence suisse pour la promotion de l'innovation), à quoi s’ajoutent 1 million de francs du canton de Bâle-Ville, 1 million de francs de l'hôpital universitaire de Bâle (Universitätsspital Basel) et 4 millions de francs d'investisseurs privés, dont 2 millions de francs suisses sous forme de prêts convertibles.

«Les fonds seront utilisés pour financer la preuve de concept préclinique sur des modèles animaux en collaboration avec le professeur Christian Münz de l'Université de Zurich et le professeur Thomas Klimkait de l'Université de Bâle, une étude de toxicologie préclinique sur des modèles animaux en collaboration avec des sociétés de recherche internationales spécialisées pour ces études, et la production à l'échelle GMP pour les essais cliniques de phase 1 et 2 chez l'homme», a expliqué dans un communiqué Vladimir Cmiljanovic, vice-président de RocketVax.  

Le «couteau suisse» en matière de vaccins

Pour l’essentiel, l’approche de recherche utilisée par RocketVax repose sur l’utilisation d’une technologie innovante d'ADN synthétique pour fabriquer des virus complets du SRAS-CoV-2, qui ont été affaiblis de manière ciblée. Le RVX-13, le vaccin développé par RocketVax, utilise des vecteurs à base de coronavirus contenant tous les composants immunogènes du coronavirus mais ne pouvant pas se multiplier.

Quels sont les avantages de cette approche par rapport aux autres vaccins qui sont maintenant déjà administrés depuis quelques mois dans divers pays à travers le monde? Christian Mittelholzer, Head Project Management chez Swiss Rockets et RocketVax, souligne sa spécificité par rapport à quelques autres vaccins existants déjà utilisés. «Les vaccins déjà disponibles actuellement reposent sur différentes approches. Il y a les vaccins bien connus reposant sur la technologie dite de l’ARN messager («mRNA» en anglais), tels qu’ils ont été développés par BioNTech ou Moderna. Il y a les vaccins chinois, relativement classiques, qui consistent à faire croître puis à inactiver le virus. De son côté, le Sputnik russe repose, lui, sur une modification des adénovirus, soit le virus du rhume humain, qui sert aussi de base au vaccin de Johnson & Johson. Et qu’en est-il du candidat-vaccin développé par la biotech bâloise? L’approche de RocketVax a justement, elle, l’avantage de combiner des caractéristiques provenant de ces trois approches. «Nous proposons en quelque sorte le couteau suisse des vaccins contre le coronavirus», résume Christian Mittelholzer.

Les fondateurs de Swiss Rockets ont déjà investi une somme importante pour mettre en place sa propre production dans la région bâloise.
Adaptabilité face aux nouveaux variants

Principal atout de cette approche: son adaptabilité. Des ajustements rapides peuvent ainsi être apportés au vaccin pour l'adapter aux changements de virus, souligne l’équipe de RocketVax. «Nous ne cherchons pas à sélectionner un variant spécifique ou à anticiper les mutations à venir. Nous utilisons plutôt le virus tel qu’il est et adaptons notre réponse en fonction de ses spécificités. C’est pourquoi nous considérons notre vaccin comme étant de la prochaine génération», explique la société dirigée par Vladimir Cmiljanovic, directeur et fondateur de Swiss Rockets.

Dans quelle mesure le vaccin candidat serait-il efficace si une nouvelle variante comportait plusieurs mutations? «Du fait que RVX-13 contient tous les composants immunogènes du coronavirus, nous ne nous dépendons pas de la seule protéine spicule (ndlr:«spike protein», en anglais), comme c’est le cas pour la plupart des autres vaccins, mais il présente plutôt un set complet de protéines virales au système immunitaire. Grâce à cela, nous nous attendons à ce que l’immunité atteinte par notre vaccin soit moins sensible à des changements de la protéine spicule», explique l’équipe de RocketVax.

Externalisation de la production envisagée

En cas de succès des essais cliniques, comment la biotech bâloise envisage-t-elle la production de son vaccin? Les fondateurs de Swiss Rockets ont déjà investi une somme importante pour mettre en place sa propre production dans la région bâloise, destinée à la Suisse et au monde entier. Il est aussi possible que nous collaborions avec une autre entreprise pharmaceutique, afin de permettre une production du vaccin à l’échelle globale. «Nous sommes tout à fait ouverts à des partenariats avec de grands acteurs de l’industrie», souligne de son côté Natasa Cmiljanovic, Chief Scientific Officer et co-fondatrice de Swiss Rockets de RocketVax.

Dans le cadre de la collaboration avec Batavia, RocketVax va conclure son premier partenariat à l’étranger afin d’être en mesure de mettre en œuvre la capacité de production du vaccin à une échelle élargie. «D’autres partenariats sont prévus», ajoute Natasa Cmiljanovic. Et de rappeler à ce sujet que les coopérations entre différentes entreprises représentent la norme pour la plupart des vaccins existants et en développement actuellement. A titre d’exemple, le vaccin développé par l’Université d’Oxford est produit par AstraZeneca, BioNTech a collaboré avec Pfizer et Moderna s’appuie sur Lonza pour la production de son vaccin, met-elle en perspective.

Le marché mondial est encore loin d’être saturé

Reste à savoir dans quelle mesure la population, qu’elle ait déjà été vaccinée une première fois ou non, sera encore intéressée à recourir à d’autres vaccins à l’avenir. Tout en restant prudent à ce sujet, RocketVax rappelle que les besoins de vaccination demeureront certainement importants à l’avenir compte tenu de l’ampleur de la pandémie: «Il est difficile de prévoir comment la volonté de la population de se faire vacciner va évoluer dans le temps. Bien qu'il s'agisse d'une initiative suisse pour et pour la Suisse, nous visons finalement le marché mondial, qui est beaucoup plus vaste et qui mettra beaucoup plus de temps à être saturé», met en perspective l’équipe de la biotech bâloise. «En outre, il pourrait être nécessaire de vacciner les gens plusieurs fois avant de pouvoir contrôler totalement la pandémie. Comme notre vaccin ne contient aucun vecteur étranger ou séquence porteuse, nous pensons qu'il pourra être utilisé pour renforcer l'immunité contre le Covid-19, indépendamment du fait que la personne ait déjà été infectée ou non, et quel que soit le type de vaccin qu'elle a reçue auparavant», souligne la société.

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