Risque d’extension: des raisons d’être optimiste

Johnathan Owen, TwentyFour Asset Management

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Les craintes de propagation restent d’actualité sur le marché obligataire cette année.

Nous avons vu de nombreux titres en circulation qui ont fait l’objet d’un call (remboursement anticipé) et d’un refinancement dans le secteur des obligations bancaires «Additional Tier 1» (AT1), de manière rentable ou non; en revanche, l’offre s’avère nettement plus modeste dans le segment des obligations corporate hybrides de sociétés non financières.  

Cette situation découle en grande partie du refinancement prudent des émetteurs en 2020 et 2021 qui s’est traduit par une raréfaction des dates de call, combinée à des conditions de marché globalement médiocres depuis le début de l’année et au fait que les obligations corporate hybrides représentent dans l’ensemble un marché moins important que la dette financière subordonnée.

Les inquiétudes sont exagérées

La réévaluation des taux et des spreads de crédit par le marché a légitimement accru les craintes de risque d’extension (non-call) des corporate hybrides, en particulier celles émises par des real estate investment trusts (REIT) qui sont relativement nouveaux sur le marché de la dette hybride. Une partie des inquiétudes légitimes concernant le risque d’extension dans les obligations REIT s’est étendue à d’autres secteurs, avec un marché qui intègre parfois dans ses prix l’hypothèse que même de grands émetteurs défensifs comme les services publics et les opérateurs de télécommunications pourraient ne pas procéder au remboursement anticipé de leurs corporate hybrides à la première date de call. Nous continuons pourtant à voir des preuves que ces craintes sont exagérées.  

L’appétit du marché semble bon

Suite au changement de climat sur le marché dû à la publication de chiffres faisant état d’un recul de l’inflation américaine, Telefónica a testé l’appétit du marché de la dette hybride en émettant une obligation hybride perpétuelle verte assortie d’un non-call de six ans pour un montant de 750 millions d’euros, avec un objectif initial de 7,625-7,75% et une offre concomitante de ses hybrides avec call en 2023. La réaction du marché élargi à cette opération a été positive: cet autre signal indiquant que le risque d’extension est moins préoccupant pour les émetteurs de qualité a conduit le secteur à regagner 0,25-0,5 point en cours de journée.

Le prix indicatif initial n’a pas été aussi élevé que beaucoup l’espéraient, avec une juste valeur que nous évaluons autour de 7,25%. Néanmoins, l’émission a été très bien accueillie par les émetteurs avec un carnet d’ordres qui a dépassé 4,75 milliards d’euros (couvert plus de 6x) et un prix à 7,125% – étonnamment dans la juste valeur. Le resserrement quelque peu agressif reflète la demande énorme pour les actifs avec un haut niveau de coupon et de réinitialisation (et verts, comme c’est le cas ici), qui sont actuellement rares sur le marché secondaire.

Une décision de call dépend de multiples facteurs

Cette émission se reflète de manière très positive sur le secteur des corporate hybrides car elle constitue une nouvelle preuve que la décision de call des dirigeants n’est pas binaire. Si l’on considère uniquement les niveaux de réinitialisation, rien ne laissait prévoir que Telefónica exerce le call de mars 2023 sur ses hybrides en circulation. Sans call, ces obligations auraient été réinitialisées à un coupon autour de 5,1%, bien moins élevé que le prix de 7,125% fraîchement publié par l’émetteur et un call clairement en dehors de la monnaie pour les dirigeants. Cela confirme notre avis selon lequel de nombreux facteurs contribuent à une décision de call. Le fait de ne pas exercer l’option de call peut supprimer l’avantage de la comptabilisation à 50% d’une obligation hybride comme fonds propres (une mauvaise nouvelle en termes de levier et de notation), et le risque de réputation qui en découle peut aussi restreindre l’accès futur à cette source de financement, deux éléments auxquels les dirigeants de Telefónica attachent évidemment de l’importance.

La reprise du marché de la dette hybride le mois dernier semble indiquer que le pic d’inquiétude autour des non-calls est surmonté, annulant une partie du risque d’extension intégré dans les prix. S’agissant des émetteurs avec des courbes larges pour les obligations hybrides, qui comptent sur la partie assimilée à des fonds propres pour leur notation et disposent d’un historique d’émission solide tout au long du cycle, ainsi que de finances assez robustes pour supporter la hausse des coûts d’intérêts, nous anticipons des calls même s’ils ne nous semblent pas rentables.

Attrait pour les investisseurs en titres hybrides non traditionnels

Selon nous, l’émission Telefónica prouve qu’il y a des liquidités en réserve pour investir dans les bonnes obligations, qui en l’occurrence sont des corporate hybrides avec un haut niveau de coupon et de réinitialisation. Le rendement offert dans ce segment devrait continuer à attirer les investisseurs en titres hybrides non traditionnels, tels que les investisseurs en obligations à haut rendement et en hedge funds, qui sont nombreux à rechercher des rendements supérieurs pour le risque de crédit investment grade sur fond de détérioration attendue de la qualité de crédit.

Cette année, nous n’avons pas encore vu de non-call sur le marché des hybrides, même s’il est probable que cela change puisque nous nous attendons à ce que plusieurs REIT n’exercent pas leur option de call et que le marché semble avoir pleinement intégré cette perspective dans ses prix. Toutefois, nous pensons que les investisseurs devraient considérer le segment des hybrides en établissant une distinction entre les REIT et les entreprises solides qui ont l’intention de procéder à un call.

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