Retour à la réalité avec la saison des résultats aux Etats-Unis?

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

2 minutes de lecture

Même si les chiffres des entreprises s’avèrent un peu meilleurs que prévu par les investisseurs, le potentiel de hausse des marchés semble assez limité.

©Keystone

L’indice S&P 500 a terminé la deuxième semaine de l’année dans le vert, portant sa progression depuis le 1er janvier à 4,2%. Les signes de poursuite de la modération de l’inflation aux Etats-Unis avec la publication de l’IPC (Indice des prix à la consommation) en décembre ont alimenté les spéculations sur une fin imminente du cycle de relèvement des taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine (Fed).

L’inflation annuelle est tombée à 6,5%, au plus bas depuis plus d’un an. Il s’agit du sixième mois consécutif de décrue de l’inflation, qui avait culminé à 9,1%. L’inflation sous-jacente (hors prix de l’alimentation et de l’énergie) est tombée à 5,7% en décembre, contre 6% le mois précédent.

Les marchés reflètent désormais une probabilité de 75% que la Fed relève ses taux de 25 points de base (pb) en février, contre 50 pb en décembre et 75 pb à l’issue de ses quatre réunions précédentes.

Les bénéfices des entreprises américaines ne reflètent certainement pas encore pleinement l’impact de la hausse cumulée des taux d’intérêt de 4,25% l’an dernier. En outre, la saison des résultats du quatrième trimestre devrait rappeler les investisseurs à la réalité.

Coup d’arrêt pour la croissance des bénéfices

Les obstacles à la croissance des bénéfices – une Fed intransigeante, la normalisation de la demande de biens très recherchés pendant la pandémie, l’appréciation du dollar américain et l’augmentation des coûts (de main d’œuvre notamment) – sont devenus suffisamment importants pour amener à tabler sur une stagnation du bénéfice par action du S&P 500 au quatrième trimestre par rapport à la même période l’an dernier.

En outre, la stagnation prévisible du bénéfice par action (BPA) occulte une situation contrastée selon les secteurs. En effet, trois d’entre eux seulement devraient voir les bénéfices progresser au quatrième trimestre. Abstraction faite du secteur de l’énergie, le BPA aura probablement diminué de 4,5%.

Il y a tout de même quelques bonnes nouvelles, comme les créations d’emplois, l’épargne accumulée et le déconfinement en Chine. Cependant, les entreprises du S&P 500 ne réalisent que 7% de leur chiffre d’affaires en Chine.

Dans l’ensemble, la croissance des chiffres d’affaires devrait nettement ralentir pour s’inscrire dans une fourchette de 4 à 5%. En outre, la normalisation des marges bénéficiaires supérieures à la moyenne l’an dernier devrait se poursuivre.

Probable contraction des bénéfices

La prévision de bénéfices sur l’ensemble de 2023 de la Recherche d’UBS demeure inchangée. Elle table sur un BPA de 215 dollars cette année , en baisse de 4% par rapport à 2022. Les estimations ascendantes de BPA «bottom-up» du consensus seraient donc au moins 6 points de pourcentage trop élevées.

Un bon nombre des principaux indicateurs avancés des bénéfices, comme l’enquête de la Fed auprès des responsables de crédit, suggèrent qu’une contraction des bénéfices est probable. La Recherche d’UBS formule également des prévisions pour les bénéfices fondées sur un modèle «top-down» qui prend en compte les prévisions de taux de chômage, l’indice ISM manufacturier, les demandes d’allocation chômage et le niveau du dollar.

La Fed semble considérer que la forte progression des salaires à l’heure actuelle est incompatible avec un retour de l’inflation à 2%. Elle table sur un taux de chômage à 4,6% vers la fin de l’année, contre 3,5% aujourd’hui.

En outre, l’effet à retardement des relèvements de taux précédents va probablement maintenir, pendant un certain temps, l’indice ISM manufacturier sous le seuil des 50 points, synonyme de contraction de l’activité. L’intégration de ces hypothèses suggère aussi une légère contraction des bénéfices sur l’ensemble de l’année.

Un rebond durable improbable

Les actions sont plus chères qu’elles ne l’étaient à la veille des deux précédentes saisons de publication des résultats trimestriels. Le ratio cours/bénéfices à douze mois du S&P 500 se situe à 17,3, contre une fourchette de 15 à 16 avant la publication des résultats des deuxième et troisième trimestres. Il est également élevé d’un point de vue historique. Cela suggère que, même si les résultats s’avèrent un peu meilleurs que prévu par les investisseurs, le potentiel de hausse des marchés semble assez limité.

Par ailleurs, même si l’estimation ascendante de BPA de 230 dollars se révèle exacte, un PER (price earning ratio) supérieur à 18 est difficile à justifier. Le S&P 500 pourrait ainsi grimper à 4140 points, soit une hausse de 3,5% seulement par rapport à son niveau actuel. Dans le même temps, les risques baissiers restent considérables et les actions pourraient dévisser de 15 à 20% en cas de forte récession.

Par conséquent, le profil risque/rendement à court terme des actions américaines n’est guère séduisant. Un positionnement défensif reste de mise sur les marchés d’actions, où il est toujours recommandé de privilégier les valeurs décotées aux valeurs de croissance. D’un point de vue sectoriel, la Recherche d’UBS affiche une préférence pour les biens de consommation, la santé et l’énergie.

A lire aussi...