Quand le narratif change

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

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Après la stagflation, la récession. Même si l’inflation continue d’occuper les esprits, les craintes de récession s’amplifient. Et l’impact sur les marchés pourrait être significatif.

Depuis plusieurs mois, le scénario de stagflation occupe les esprits. Logique dès lors que l’inflation n’est plus «transitoire», que les prix de l’énergie s’envolent et que la fin des politiques budgétaires et monétaires expansionnistes vont freiner l’activité.

Les banques centrales se sont ajustées. Comme souvent, la Fed a mené la charge. Décidée à vaincre l’inflation à tout prix et sous forte pression politique, l’institution de Washington n’a pas trainé.

Dès le début 2022, dans le sillage de James Bullard, président de la Fed de Saint-Louis et chef de file des «faucons», les déclarations des membres du comité de politique monétaire se sont multipliées pour appeler à une fin rapide du programme d’achats d’actifs, puis à des hausses de taux accélérées permettant de tendre vers des taux «Fed Funds» supérieurs à 2% à la fin de l’année. Les décisions ont suivi et le mouvement désormais est bien lancé.

Poussée par la glissade de l’euro, qui l’a porté à quelques encablures de la parité avec le dollar, la BCE n’a eu d’autre choix que de suivre le mouvement, sans enthousiasme notable mais déterminée à contrer l’inflation importée des Etats-Unis et du reste du monde via la faiblesse de la monnaie unique. La fin des achats d’actifs est programmée ce mois-ci et les taux pourraient repasser positifs dès le mois de septembre. Une révolution sur le Vieux Continent!

Jusqu’ici, les craintes de stagflation et la forte remontée des taux ont profité au secteur des matières premières et à la partie «défensive» de la cote: santé, services aux collectivité…

Mais le climat change. Aux Etats-Unis, les perspectives du marché de la publicité en ligne inquiètent et les derniers indices avancés de moral des directeurs d’achat montrent des intentions d’embauches en net ralentissement tandis que le marché de l’immobilier souffre des taux d’intérêt en forte hausse.

Côté inflation, l’heure n’est pas encore à l’«inflexion tangible» attendue par la Fed mais les premiers signaux d’un pic désormais passé, sont bien là. Les enquêtes PMI des directeurs d’achat indiquent que de moins en moins d’entreprises anticipent des hausses de prix dans les mois à venir, et les études de l’université du Michigan font état d’un consommateur moins fringuant.

En Europe aussi, l’heure est au ralentissement de l’activité. Les prix de l’énergie pèsent sur le moral des consommateurs comme des entreprises et le fort ralentissement en Chine ne permet pas de compenser par les exportations.

C’est ainsi que le narratif change: la principale crainte des acteurs économiques est devenue un ralentissement trop rapide de l’activité qui emmène les Etats-Unis, l’Europe et pourquoi pas la Chine, en récession. Les banques centrales ont commencé à prendre ce nouveau contexte en compte. Pour la première fois, James Bullard a mentionné la possibilité d’une «pause» en septembre dans le resserrement monétaire.

Et les marchés pourraient s’adapter très vite. Jusqu’ici, les craintes de stagflation et la forte remontée des taux ont profité au secteur des matières premières et à la partie «défensive» de la cote: santé, services aux collectivité… En cas de récession et de «pivot» accommodant des banques centrales, le retour en grâce des valeurs de croissance solides ne serait plus très loin! Une nouvelle rotation en perspective?

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