Envolée des matières premières, pivots géostratégiques, bouleversements européens, la guerre en Ukraine accélère le retour aux fondamentaux économiques et politiques.
A chaque nouvelle crise, se pose très vite la même question: «quid du monde d’après?». Nourris des déceptions passées et des espoirs futurs, ces projections nous aident à envisager plus sereinement l’avenir au milieu d’un présent angoissant.
Après la Grande Crise Financière de 2008, la volonté de rendre le système financier plus robuste et surtout plus lisible a considérablement accru les coûts et les contraintes sur l’ensemble de ses acteurs, en premier lieu les banques. Et a accentué la pression pour promouvoir la transparence.
Après le CoVid-19, l’accent a été mis sur les «biens essentiels» et sur la résilience des chaines de valeur, soumises à rude épreuve par le virus. Une attention particulière a été portée aux travailleurs «de première ligne et de deuxième ligne» qui ont su faire fonctionner le système, et aux incitations à la relocalisation des chaines de productions de biens critiques.
La guerre en Ukraine a prolongé et amplifié ces volontés de privilégier avant tout la robustesse des chaines d’approvisionnement, la transparence des relations financières et commerciales, et y a ajouté un troisième élément, le retour aux fondamentaux: Sécurité, Solidité, Valeurs.
Très vite après l’invasion, l’accès aux biens de première nécessité, en d’autres termes l’impératif d’éviter les pénuries de denrées essentielles comme l’énergie ou l’alimentation, a été au centre des enjeux. Gaz pour l’Europe, blé au Moyen Orient, Tournesol pour l’alimentation animale, engrais, autant d’éléments clés pour la vie quotidienne des populations.
Le projet «Farm to Fork» de la Commission européenne, qui envisageait sérieusement de diminuer de 20% la production alimentaire de l’Union pour accélérer l’atteinte des objectifs de biodiversité et de limitation de l’usage de produits phytosanitaires, a été reporté sine die. Le nouveau mot d’ordre: produire, en quantité suffisante, avec tous les moyens nécessaires.
L’agenda énergétique mondial a également été bouleversé. Aux Etats-Unis, l’administration Biden a remisé ses projets de limitation de l’exploitation des énergies de schiste et a demandé – imploré – les producteurs du Permian d’accélérer leurs projets de forage. La Belgique a renoncé à la fermeture de ses derniers réacteurs nucléaires, et même l’Allemagne semble ne plus considérer les énergies renouvelables comme l’alpha et l’omega de son avenir énergétique. Là aussi, il faut produire!
La crise a également été l’occasion de se recentrer sur les fondamentaux stratégiques: l’Europe, y compris les britanniques, s’est retrouvée pour s’opposer à l’inacceptable, les Etats-Unis ont assumé leur leadership… et l’armement pourrait retrouver une place au sein des investissements «éthiques». La sécurité redevient cardinale.
Pour les investisseurs, le changement est profond: Après l’argent gratuit, retour à la qualité des investissements, des bilans et de la gouvernance, à la solidité des trésoreries, à la crédibilité des perspectives de croissance, à la résilience des modèles de développement. L’ère du retour aux fondamentaux ne fait que commencer.