Quand la hausse des taux est une bonne nouvelle

Charles Sanford, Barings

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Le crédit Investment Grade continue d’offrir des opportunités intéressantes malgré un contexte difficile.

©Keystone

L’invasion de l’Ukraine par la Russie, la montée de l’inflation et la hausse des taux ont marqué les marchés financiers durant le premier trimestre 2022. Les obligations d’entreprise Investment Grade ont, par conséquent, affiché des rendements en recul (-7,69%) pour le trimestre. Les performances ont tout de même varié selon les secteurs1. Les loueurs d’avions, par exemple, ont été frappés de plein fouet par le conflit ukrainien. De nombreuses entreprises ayant loué des avions à des sociétés russes ne peuvent en effet plus accepter de paiements de la part de ces sociétés en raison des sanctions. L’impact négatif de la guerre sur les banques américaines et sur les banques européennes exerçant une activité importante aux Etats-Unis a également causé une sous-performance des valeurs financières. La hausse des prix des matières premières, en revanche, a bénéficié aux entreprises du secteur énergétique et a contribué à accélérer leurs efforts pour réduire leur niveau d’endettement.

Elargissement des spreads et hausse des taux

Les mouvements en termes de spreads de crédit ont été significatifs et ce, sur une période de temps restreinte. A la fin du deuxième trimestre 2021, les spreads sur les obligations Investment Grade avaient atteint les 77 points de base (bps). Des niveaux historiquement serrés, surtout lorsqu’ils sont ajustés en fonction de la qualité du crédit et du profil de duration. A la fin du mois de mars 2022, ces spreads s’étaient élargis à 108 bps après avoir atteint un pic de 135 bps. La fin de trimestre a ainsi été plus conforme aux moyennes historiques.

Nombre d’entreprises notées Investment Grade ont retrouvé les revenus et les EBITDA de la période pré-COVID et les ont mêmes dépassés.

Du point de vue des fondamentaux économiques, les entreprises notées Investment Grade sont entrées dans cette période complexe en position de force. Nombre d’entre elles ont retrouvé les revenus et les EBITDA de la période pré-COVID et les ont mêmes dépassés. L’effet de levier a continué à décliner, les émetteurs prenant les mesures nécessaires pour rembourser leurs dettes. Dans le même temps, les marges des entreprises ont continué à augmenter. Si la hausse de l’inflation constitue un risque certain, les entreprises ont été en mesure de répercuter la hausse de leurs coûts sur leurs clients.

Les nouvelles émissions ont été très nombreuses au cours des dernières années et, par conséquent, les attentes penchaient vers un retour à des niveaux plus normaux. Or, si les émissions ont relativement ralenti, ces dernières restent élevées rapport aux moyennes historiques en atteignant 458,7 milliards de dollars à la fin du premier trimestre 20222. Cette offre a été globalement bien absorbée par le marché. Si les flux de fonds sont passés en négatif après avoir maintenu des niveaux positifs tout au long – ou presque – de l’année 2021, la hausse des taux a provoqué un renforcement de la demande de la part des acheteurs internationaux. C’est particulièrement vrai à l’extrémité longue de la courbe. Avec des taux qui continuent de grimper et des spreads qui continuent de s’élargir, l’intérêt pour la classe d’actifs devrait se maintenir, les investisseurs et les fonds de pension cherchant à capitaliser sur le rendement supplémentaire qu’elle leur apporte.

Des secteurs particulièrement intéressants

Les obligations à duration courte offrent actuellement des opportunités intéressantes. Ces dernières présentent un risque de duration plus faible, ce qui signifie que leur prix est moins sensible aux variations des taux d’intérêt par rapport aux obligations à plus longue échéance. Les obligations à duration courte se sont renchéries immédiatement après que la Réserve Fédérale a annoncé vouloir relever son taux d’intérêt directeur, mais les prix ont de nouveau baissé au cours des semaines suivantes et ont aujourd’hui retrouvé des niveaux attractifs, notamment pour certaines nouvelles émissions à duration courte.

Certaines obligations à duration courte de banques américaines offrent des perspectives intéressantes.

On peut également trouver des opportunités ponctuelles dans des secteurs où le marché a pu surréagir à l’impact du confit entre la Russie et l’Ukraine. Si les loueurs d’avions, par exemple, ont perdu une partie de leur activité, nombre de ces entreprises disposent de modèles économiques très solides. Elles ont ainsi pu traverser avec succès la période de la pandémie, dont l’impact était pourtant bien plus important. Certaines obligations à duration courte de banques américaines offrent également des perspectives intéressantes, surtout celles avec peu d’exposition directe aux pays belligérants. Certaines de ces banques ont été injustement rapprochées de banques européennes plus directement exposées au conflit et les prix en paraissent, par conséquent, attractifs.

Les étoiles montantes, ou les entreprises qui semblent prêtes à passer de la catégorie High Yield à Investment Grade, continuent elles aussi de présenter des opportunités intéressantes. Une bonne partie de ces opportunités découle du nombre de sociétés dont la notation de crédit a été dégradée au moment où la pandémie s’est installée. Si une poignée de ces entreprises a déjà retrouvé la qualité Investment Grade, beaucoup d’autres semblent sur le point de faire le pas. Les entreprises énergétiques se démarquent tout particulièrement. Outre le fait qu’elles ont bénéficié de la hausse des prix du pétrole et du gaz, nombre d’entre elles ont pris des mesures importantes pour réduire leur endettement au cours des dernières années.

Des risques à surveiller

La guerre entre la Russie et l’Ukraine constitue un risque majeur qu’il faudra garder sous surveillance au courant des prochains mois. La politique de la Fed est également une source potentielle de risque. Si cette dernière se montre trop agressive dans ses efforts pour lutter contre l’inflation et dans le resserrement de sa politique monétaire, elle pourrait causer le ralentissement de l’économie et même déclencher une récession. Le risque de stagflation est également en train de croître.

Si les entreprises ont pu jusqu’ici répercuter la hausse des coûts sur leurs clients, il n’est pas certain que cette stratégie puisse durer, surtout si la hausse des prix des denrées alimentaires et du carburant commence à entamer la demande. Dans ce contexte, la flexibilité est essentielle et il peut être avantageux d’envisager des stratégies multi-crédit qui permettent d’investir à travers l’ensemble de l’univers Investment Grade. Ces stratégies multi-crédit permettent aux gestionnaires de saisir les meilleures opportunités de valeur relative et de dégager des rendements ajustés au risque plus attrayants sur la durée grâce notamment à leur indépendance par rapport aux indices de référence.

 

1 Source: Bloomberg Barclays. A compter du 31 mars 2022.
2 Source: Bloomberg Barclays. A compter du 31 mars 2022.

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