A propos de la convergence fintech-banque...

William Ramstein, FlowBank

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Le pouvoir d'achat reste dans les mains des banques historiques mais la finance du futur est dans celles des fintechs. Comme le reflète l’opération GreenSky de Goldman Sachs.

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Les banques ne font-elles plus qu'un avec les fintechs, ou les fintechs sont-elles devenues l’avenir de la finance? La seconde proposition semble la plus probable, mais la situation n’est pas si claire. Essayons de faire sens de la transformation de notre écosystème financier.

Si vous demandiez à des cadres bancaires en 2016 (lorsque l'action Square valait 11 dollars) ce qu'ils pensaient de la fintech, la réponse était simple: la fintech est un simulateur permettant aux banques de tester des nouveaux produits de manière exogène. La fintech n'est pas nouvelle. En d'autres termes, elle a juste été longtemps un laboratoire de test pour les produits bancaires à risque. 

Les opérateurs de longue date ont néanmoins également été très innovants. E-trade et Schwab ont été les premiers à faciliter le trading en ligne et ont rapidement adopté le modèle commercial sans frais (comme aujourd’hui Robinhood. Dans un autre ordre d’idée, BlackRock est arrivé parmi les premiers sur le marché avec les actions fractionnées. Mais aujourd'hui, la signification du mot «fintech» est plus ambiguë car nous assistons à une convergence croissante entre le système financier établi et la fintech.

Soit nous entrons dans une ère d'indépendance de la fintech, soit nous sommes au milieu d'une redéfinition par les grandes banques de leur propre modèle.

Deux scénarios semblent possibles: soit nous entrons dans une ère d'indépendance de la fintech, soit nous sommes au milieu d'une redéfinition par les grandes banques de leur propre modèle. Dans un cas comme dans l'autre, les grandes banques s'engagent de plus en plus avec les fintechs et le temps est peut-être venu de renverser le raisonnement de 2016 - peut-être que la fintech n'est plus simplement un simulateur et un laboratoire à expérience, mais une industrie concrète et bien réelle.

Thèse: «Numérisation» des banques, «bancarisation» des fintechs

Les banques historiques sont encore encombrées de particularités qui les ralentissent tels que les agences physiques, alors que les banques numériques les suppriment ou ne les ouvrent tout bonnement jamais. Les banques ne sont pas novices en matière de coûts de succursales, c’est pourquoi elles ont déjà développé les guichets automatiques dès les années 1970. Mais aujourd'hui, avec la révolution mobile, les guichets automatiques ont été remplacés par des services bancaires numériques et des applications de transaction de pair à pair comme Venmo de PayPal aux États-Unis et Twint en Suisse.

La numérisation de la banque n'est donc pas une nouveauté pour les banques établies, en revanche, la bancarisation de la fintech l'est. C'est le cas de Square, SoFi et surtout LendingClub. Plus récemment, en février, LendingClub a racheté la banque Radius dans le cadre d'une opération stratégique visant non seulement à renforcer sa position, mais aussi à désintermédier les grandes banques dans leurs opérations sur les marchés des capitaux et dans leurs efforts d'intégration linéaire.

La convergence semble bidirectionnelle, une évolution qui se produit dans les deux camps (banques et fintech) et qui se reflète l'un dans l'autre. Nous ne disons pas que les deux camps ne font plus qu'un, mais qu'ils se développent tous deux dans la même direction, mais sur des rives différentes d'un grand fleuve séparateur.

Une plateforme de prêt numérique financée par une banque 

LendingClub, le pionnier du prêt en ligne de pair à pair, n'est pas exactement ce vers quoi nous tournerions notre attention de nos jours avec tout ce qui se passe en crypto. Mais la fintech, qui a subi en 2016 de grandes pertes de réputation en raison d'un mauvais comportement en matière de crédit, s’est réinventée en acquérant la banque Radius (Bye-bye WebBank?). Si par hasard cela vous avait échappé, notez bien que Lending Club a en fait été l'une des actions les plus performantes pendant la pandémie, avec une croissance de 460,96% en un an, se rattrapant ainsi de ses maladresses du passé.  


 

Cette envolée des cours est liée à la confiance des investisseurs car l'accès aux services bancaires est extrêmement rentable. Radius Bank permet à LendingClub de bénéficier d'une flexibilité stratégique, notamment en réduisant le coût de financement des montages de prêts, et renforce sa capacité à conserver ces montages directement au bilan afin de laisser les revenus d'intérêts s'accumuler à un prix plus avantageux. En outre, elle élargit son offre de produits pour les clients en proposant des ventes croisées comme les comptes d'épargne bancaire et les CD.

Une banque numérique axée sur les données comme LendingClub ressemble beaucoup plus à la banque de l’avenir qu'il n'y paraît. Les fintechs bénéficient grandement des caractéristiques traditionnelles auxquelles s’ajoutent des modèles intelligents et l'utilisation d'algorithmes de big data leur permettent d’optimiser la tarification de manière à extraire davantage de valeur de chaque client. Les grandes banques ne peuvent-elles pas faire cela aussi, demandez-vous? Elles peuvent acquérir des technologies, oui, mais malgré leur taille et leurs protocoles massifs, les banques établies sont souvent enlisées dans de vieilles technologies, c'est pourquoi elles se tournent aussi vers les fusions et acquisitions.

Goldman Sachs acquiert GreenSky 

Goldman Sachs a développé sa stratégie avec son offre Marcus depuis un certain temps déjà. L'opération GreenSky apporte toutefois une solution de point de vente destinée à permettre à GS d'améliorer encore davantage la durabilité de son BPA et de son ROE. GreenSky est l'un des principaux initiateurs de prêts dans les segments de l'amélioration de l'habitat et des soins de santé facultatifs, et dispose d'une marge de manœuvre pour se développer dans le domaine de l'énergie solaire (bien que la concurrence soit rude avec des sociétés comme Loanpal).

Le pouvoir d'achat est clairement entre les mains des sociétés historiques, mais les revenus des milléniaux sont exploités par les acteurs fintech.

Le marché adressable de GreenSky s'élève à environ 700 milliards de dollars pour l'ensemble de ses segments et son impressionnante dynamique commerciale semble fortement stimulée par les acquisitions de commerçants, l'expansion dans d'autres domaines comme l'énergie solaire et une offre solide technologique. Maintenant que GreenSky a augmenté son potentiel de liquidité et de fonds de roulement avec Goldman Sachs, les opportunités se multiplient pour 2022, de la même manière que les prêts de LendingClub pourraient s'avérer plus importantes en volume et plus rentables sur le papier.

Goldman Sachs est un mastodonte, et l'opération n'est pas susceptible de modifier ou d'améliorer fondamentalement ses résultats, car les revenus de GreenSky représentent moins de 1% de ceux de GS, mais les synergies et les possibilités de ventes croisées découlant de cette fusion pourraient apporter une valeur ajoutée à GS. Il reste à voir si GreenSky s'intégrera bien dans le moteur de Goldman Sachs, mais une chose est sûre: le prix de 2,24 milliards de dollars correspondant à un multiple de revenu de 3 fois est une bonne affaire pour la banque.

En conclusion

Le pouvoir d'achat est clairement entre les mains de sociétés historiques comme Goldman Sachs, mais les revenus des milléniaux sont exploités par les acteurs fintech, dont les sociétés plus anciennes ont besoin. L'interdépendance est plus évidente.

Les Fintech sont devenues suffisamment grandes pour que les banques puissent intégrer leurs modèles afin de développer leur offre pour la prochaine génération. Les banques qui intègrent les fintechs dans leurs écosystèmes répondront mieux aux attentes des futurs utilisateurs.

En somme, nous sommes au milieu d'une sorte de consolidation vers un nouveau paysage financier où les parties sont à la fois banque et fintech. Il s'agit également d'un paysage où les Fintech ont commencé à jouer le jeu que les banques maîtrisent habituellement, c'est-à-dire adopter des processus bancaires classiques.

Ce qui est également intéressant pour une analyse plus approfondie est l'achat d'Afterpay par Square, en août - il est révélateur de l'évolution du paysage, et de l'importance des entreprises qui composent l'espace BNPL (Buy Now Pay Later). Square est une société de paiement devenue un initiateur de prêt fintech, un fournisseur de BNPL et bientôt, peut-être une banque. 

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