Alternatives végétales: au tour du poisson!

Charles-Henry Monchau, FlowBank

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Après la viande «sans viande» et les omelettes «sans œufs», la R&D planche sur le remplacement des poissons et crustacés par des protéines végétales.

L’alimentation «plant-based» est en vogue

De plus en plus populaire auprès des consommateurs, le mode d’alimentation «plant-based» se compose essentiellement d'aliments issus de végétaux. Des sociétés telles que Impossible Food, Beyond Meat ou Just for Egg ont développé des substituts de viande, d’œufs ou de produits laitiers entièrement à partir de plantes. Objectif: fournir aux consommateurs le goût et les bienfaits nutritionnels des aliments provenant d'animaux sans les aspects négatifs sur la santé et l'environnement liés à l’élevage.

L'alimentation à base de plantes est en train de devenir un segment relativement important de l'industrie alimentaire, puisqu'il s’est accru de 27% en 2020 pour atteindre un marché total de 7 milliards de dollars, largement dominé par les produits laitiers et carnés. Cette alternative est devenue si courante qu’elle est désormais disponible dans de grands établissements tels que Burger King, Starbucks et Walmart. Selon le cabinet de conseil Kerney, le marché des aliments composés de matières végétales devrait atteindre 450 milliards de dollars d'ici 2040, ce qui représenterait un bon quart du marché mondial de la viande, qui s'élève à 1,8 trillion de dollars.

Mais si les substituts à la viande et aux produits laitiers sont actuellement sous le feu des projecteurs, un nouveau segment est en train de se développer rapidement.

Et maintenant, le poisson végétal! 

Le documentaire «Seaspiracy» a choqué bon nombre d’entre nous mais il existe peut-être des solutions pour parer à la catastrophe annoncée. En effet, alors que la viande «sans viande» est le plus souvent citée comme la principale alternative aux protéines animales dans le futur, les poissons et les crustacés peuvent également être remplacés par des protéines végétales et pourraient bien devenir la prochaine grande opportunité du secteur des aliments «plant based».

Plus de 80 millions de dollars ont été investis dans des entreprises offrant des alternatives végétales aux poissons et crustacés en 2020.

D’ailleurs, un nombre croissant de start-up et de grandes entreprises alimentaires travaillent actuellement sur des solutions alternatives aux produits de la mer. Plus de 80 millions de dollars ont été investis dans des entreprises offrant des alternatives végétales aux poissons et crustacés en 2020, soit quatre fois le montant investi en 2019. Rien qu’au cours du premier semestre de 2021, 70 millions de dollars ont été investis dans les produits de la mer à base de plantes, ce qui signifie que les sociétés américaines sont bien parties pour doubler à nouveau les investissements dans le secteur cette année.

Du thon à base de tomates, des «cakes» de crabe à base d'artichauts ou des crevettes à base de haricots et d'algues : les possibilités sont infinies. Parmi les start-ups qui travaillent sur les produits de la mer à base de plantes, citons notamment Good Catch et ses bâtonnets de poisson à base de plantes, Tofuna – dont l’offre réside dans le nom – et la société New Wave Foods, qui propose un produit à base d’algues qui imite la texture et le goût de la crevette. 

Les aliments à base de plantes ne représentent encore que 0,1% des 15 milliards de dollars du marché américain des produits de la mer, alors que les produits alternatifs représentent 1,4% des ventes de viande aux Etats-Unis. Néanmoins, si la croissance suit son cours, ce ratio pourrait rapidement se rapprocher du seuil des 1%. 

Si les produits de la mer sont bons pour la santé, pourquoi recourir à des substituts? 


 

C'est la question cruciale concernant l'adoption de ce nouveau type d'alimentation. La surconsommation de viande et de produits laitiers peut légitimement soulever des questions d’ordre sanitaire et environnemental. Mais avec les produits de la mer, les choses semblent plus nuancées.

Les fruits de mer conventionnels sont d’ailleurs considérés comme très bons pour la santé, car ils regorgent de nutriments sains recommandés par les médecins. Les poissons et fruits de mer d’origine végétale ne sont pas réellement des alternatives, dans le sens où ils n'apportent pas les mêmes nutriments que les produits qu’ils remplacent, contrairement aux produits carnés alternatifs. De ce fait, il s'agit plutôt d'imitations. De plus, l'effet de l’aquaculture sur l'environnement n'est pas aussi clair que l’empreinte écologique laissée par la production de viande et de produits laitiers. Il s’agit donc d’une thématique plus difficile à appréhender pour le grand public.

Près de 80% des pêcheries du monde sont déjà pleinement exploitées, surexploitées, épuisées ou en voie d'effondrement.

Cependant, même si les produits de la mer n’ont pas le même impact sur le changement climatique que les produits de la terre (viande, œufs, lait), nos océans se vident progressivement de leurs espèces. En effet, près de 80% des pêcheries du monde sont déjà pleinement exploitées, surexploitées, épuisées ou en voie d'effondrement. 90% des grands poissons prédateurs, tels que les requins, les thons, les espadons et les marlins, ont purement et simplement disparu. Cela signifie aussi que les autres espèces qui se nourrissent de poissons manquent de nourriture, donnant naissance à une chaine causale menaçant des centaines d’espèces dans la mer mais aussi sur terre. 

Au vu de ce qui précède, des solutions doivent donc être trouvées si nous voulons continuer à manger nos crustacés préférés ou des plateaux de sushis. Mais il existe également des arguments de santé publique qui militent en faveur de la consommation de poisson d'origine végétale, tels que le taux croissant d'allergies aux crustacés, la consommation excessive de mercure et les microplastiques qui envahissent les océans. Autant d’éléments très mauvais pour notre santé.

Les grands groupes alimentaires bien placés dans la course.

 

Contrairement au cas de la viande végétale, les «start-up» ne semblent pas avoir la main mise sur le marché des produits de la mer «alternatifs». En effet, les grands groupes alimentaires sont cette fois-ci bien placés dans la course. Quelques exemples: 

  • Le géant du poulet Tyson a investi dans l'entreprise de crustacés New Wave Foods, qui a lancé cette année ses crevettes à base d'algues;
  • Nestlé, la plus grande entreprise alimentaire de la planète, a lancé Vuna, une alternative au thon à base de plantes. L’entreprise basée à Vevey a mis en avant des statistiques qui démontrent que 90% des stocks mondiaux de poissons sont désormais pleinement exploités ou presque épuisés. Sans esquiver la question de sa propre responsabilité, Nestlé souhaite qu'un changement ait lieu dans les meilleurs délais; 
  • Thai Union Group, le conglomérat à l'origine de Chicken of the Sea, produit déjà du poisson et du crabe à base de plantes, et prévoit de lancer cette année une nouvelle gamme de «fausses» crevettes.

Il n'y a pas encore d'acteur dominant sur le marché des produits de la mer à base de plantes. De plus, les leaders du marché de la viande alternative ne semblent pas s’attaquer à ce marché pour l’instant. Il y a donc un espace libre à conquérir. Les grandes entreprises agroalimentaires avaient pris du retard lors des premiers pas de l'alimentation à base de plantes, mais pourraient bel et bien être en avance sur la prochaine opportunité dans ce secteur. 

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