Prise de conscience des entreprises genevoises

Salima Barragan

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En matière de durabilité ne rien faire coutera cher, indique la dernière étude BCGE-CCIG réalisée par Aline Yazgi.

Aline Yazgi, économiste. ©Maud Guye-Vuillème

Image de marque, gestion des risques: ne pas prendre en compte les facteurs ESG pourrait coûter cher aux entreprises genevoises. C’est ce qui ressort de la 12e étude «Développement durable: bonnes pratiques et plus-value pour les entreprises» réalisée en collaboration par la Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève (CCIG) et la BCGE. Aline Yazgi, économiste et fondatrice d’Aycom, a sondé un panel d’entreprises genevoises pour réaliser un véritable tableau de bord ESG qui accompagnera les membres de la chambre de commerce avec des pistes concrètes afin que le développement durable ne se borne pas à une rhétorique.

Les enjeux climatiques sont dans l’air du temps, comme en témoignent les multiples conférences sur le sujet ainsi que le regain d’intérêt pour les partis verts. D'ailleurs, économie et écologie ne sont pas antinomiques. Selon l’étude, si tous les ODD (les objectifs de développements durables des Nations-Unies qui vont au-delà des considérations environnementales) étaient atteints par les entreprises genevoises, de nouvelles opportunités de marchés estimées à 12 milliards de dollars s’ouvriraient à elles. Avec des avantages concurrentiels en matière de durabilité, elles pourraient développer leurs ventes de 12 à 49% selon les cas. Enfin, bien que les retombées soient plus difficilement chiffrables, les entreprises pourraient prévenir des crises coûteuses en termes d’image mais aussi financièrement.

Le plus important? Sensibiliser les collaborateurs.

La volonté observée des entreprises genevoises de se conformer à une pléthore d’initiatives locales ainsi qu’à des réglementation nationales ou internationales s’explique évidemment en partie par la peur de perdre certaines parts de marchés ou des appels d’offre de l’Etat. Mais pas seulement. Si les acteurs économiques locaux (désormais plus sensibles au développement durable qu’il y a 20 ans) prennent davantage de mesures adéquates comme des économies d’énergie, ce n’est pas seulement pour des raisons de coûts; mais également parce qu’ils adhèrent à des valeurs éthiques.

Une approche inclusive

D’un point de vue pratique, comment les petites et moyennes entreprises genevoises peuvent-elles commencer à intégrer les critères environnementaux? De l'éducation des coûts dans l’énergie (en revoyant les postes d’éclairage, de chauffage ou les serveurs informatiques), à l’éco-conception en passant par la compensation des émissions de CO2, l’étude énumère toute une série de mesures. L’écomobilité, le coworking et le télétravail sont également de nouvelles pistes pour façonner l’entreprise responsable de demain. Mais le plus important: sensibiliser les collaborateurs. «La Suisse est l’un des meilleures élèves en matière de recyclage mais c’est également l’un des pays où la production de déchets est la plus élevée», relève Aline Yazgi, auteure de l’étude.

«L’approche durable ne doit pas être dissociée des activités clés, mais y être intégrée».

L’étude aborde aussi les critères sociaux, indissociables à la durabilité mais aussi à la performance de l’entreprise. La liste est longue: meilleur accès au travail pour les jeunes et les seniors, amélioration des conditions de travail, promotion de l’égalité des sexes, lutte contre les harcèlements au bureau, flexibilité des horaires et meilleure équilibre vie privée-vie professionnelle… «Les performances sont supérieures dans la mesure où il y a moins de burn-out et une plus grande motivation des employés», affirme l’économiste.

Des politiques ESG équilibrées

Pour mener à bien leurs efforts, les entreprises devront jouer aux équilibristes avec les trois sphères de la durabilité:  pas trop de E au dépend du S, ou trop de G vis-à-vis du E. Les entreprises disposent déjà d’outils d’auto-évaluation gratuits en ligne pour détecter leurs faiblesses. L’étude leur propose de se fixer des objectifs ambitieux… mais réalisables par la rédaction de leur propre charte de durabilité et la création d’un comité de développement durable. Aussi, «l’approche durable ne doit pas être dissociée des activités clés, mais y être intégrée» estime Aline Yagzi. Par exemple, créer des indicateurs ESG à inclure dans des reporting durables à présenter avec les rapports financiers.

Place des entreprises genevoises

Pour l’heure, il n’existe pas d’index mesurant la performance ESG des entreprises genevoises par rapport à leur homologues suisses ou étrangers. Les indicateurs mesurent l’évolution des entreprises et ne permettent pas un classement comparatif entre elles. Néanmoins, certaines tendances peuvent être dégagées. A Genève, le Cercle des indicateurs crée en 2003 indique que la cité de Calvin excelle dans l’innovation et les emplois mais pose plus de problèmes avec la sécurité, les jeunes en formation et le recyclage. Au niveau suisse, le système MONET qui regroupe 23 indicateurs démontre que ceux portant sur les déchets et la biodiversité sont à la traîne.

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