Pourquoi les investisseurs devraient-ils faire davantage attention au «S» des critères ESG

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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Les investisseurs qui tiennent davantage compte du réchauffement climatique dans leurs stratégies de placement, doivent procéder de la même manière avec les critères sociaux.

  • L’inflation compromet non seulement les rendements des placements, mais renforce aussi l’inégalité sociale.
  • La hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires a un impact disproportionné sur les groupes de revenus inférieurs. Toutefois, la classe moyenne aussi va ressentir davantage la pression si les taux d’intérêt augmentent.
  • Nous devons contribuer à un «passage équitable» pour ne pas risquer une contre-réaction politique néfaste sur la transformation.
Augmentation de la pression

Le coût de la vie augmente. Récemment, la presse britannique a rapporté que les prix de l’essence ont atteint un pic historique. Le rapport sur l’inflation du mois de janvier chiffre la hausse annuelle des prix à la consommation enregistrée en Grande-Bretagne à 5,5 pour cent et l’inflation des prix du commerce de détail à 7,8 pour cent – la plus haute valeur enregistrée depuis 1990. A partir du mois d’avril, les plafonds des prix réglementés pour l’énergie seront supprimés, ce qui entraînera une augmentation significative des frais de chauffage pour les ménages particuliers alors que la plupart des salariés devront faire face à une augmentation supplémentaire des charges sociales. Ceux qui ont contracté des hypothèques à taux variable ou des dettes à la consommation, seront probablement confrontés à des coûts financiers supérieurs. Ce sont ces différents facteurs qui suscitent la méfiance des consommateurs et conjurent le risque d’une récession dans un avenir proche. L’augmentation des taux et du coût de l’énergie ont rarement un effet positif sur la croissance économique.

Conséquences réelles

En Grande-Bretagne, l’inflation était – tout comme dans d’autres économies nationales – faible au cours des années précédentes, avec un niveau des prix relativement stable. Pour l’ensemble de l’économie nationale, les salaires ont augmenté d’un peu plus de 25 pour cent entre 2014 et la fin de 2021, alors que l’indice du prix à la consommation a grimpé de 16 pour cent – avec une hausse de six pour cent l’année dernière. En effet, la hausse de prix s’est accélérée en 2021 par rapport à l’augmentation des salaires, ce qui a eu des répercussions négatives sur les revenus réels des ménages. Toutefois, nous sommes loin des années 1970 quand l’inflation était en permanence supérieure à la hausse des salaires, avec une véritable pénurie des carburants et une augmentation du chômage. Du point de vue économique, la situation actuelle n’est pas véritablement grave et les ménages ont pu enregistrer des augmentations du salaire réelles au cours des dernières années.

L’évolution des dépenses sera t-elle robuste?

L’année dernière, les dépenses de consommation ont augmenté de 7,9 pour cent en Grande-Bretagne. Pour 2022, le consensus part d’une augmentation de 3,4 pour cent. On ne peut donc pas parler d’une récession. L’avenir montrera si les pronostics sont trop optimistes. Dans son dernier rapport sur l’inflation, la Bank of England (BoE) a laissé susciter que l’inflation et donc les taux diminueront de nouveau au cours de la période de prévision. Il est donc évident qu’elle craint que les dépenses soient compromises. Ces craintes s’appliquent à toute l’économie mondiale, surtout si les prix de l’énergie et des biens restent élevés.

Conséquences inégales et prospérité inégale

L’inflation frappe les groupes de revenus inférieurs de manière disproportionnée. Par ailleurs, la hausse des prix du carburant et des produits alimentaires, les réductions de certaines prestations sociales et la hausse des cotisations sociales vont frapper très durement les revenus réels. La pandémie a mis à nu les inégalités en matière d’accès aux soins de santé et d’assistance sociale, à l’éducation et à un espace habitable de qualité supérieure. Certes, le chômage a diminué, mais les confinements ont frappé tout particulièrement les secteurs du commerce de détail, les restaurateurs et la gastronomie. Encore une fois, ce sont les salariés les plus mal payés qui sont le plus concernés. Pour beaucoup, le télétravail ou un déménagement n’était pas envisageable. Parallèlement, les groupes à faible revenu n’ont pas non plus bénéficié des effets positifs de la prospérité. Les valeurs financières et réelles sont réparties entre les groupes plus prospères de la société. Le soutien de l’état a certes offert un coussin aux personnes les plus touchées par la pandémie, mais ces mesures n’ont été que temporaires et sans comparaison avec le soutien sur le long terme offert par un patrimoine accumulé. Aujourd’hui aussi, on trouve encore des rapports sur l’utilisation répandue des restos du cœur d’utilité publique, à côté des dividendes records enregistrés dans certaines parties du secteur financier. Il semble que les inégalités aient encore augmenté pendant la pandémie.

Concentrer davantage d’énergie sur le «S» d’ESG

Il est donc important de mettre le «S» d’ESG au premier plan. Les investisseurs ont fait beaucoup pour orienter leur portefeuille d’après les objectifs zéro émission nette du réchauffement climatique. Mais désormais, nous devons nous concentrer davantage sur les problèmes sociaux actuels pour s’assurer que la transition future vers une économie à faibles émissions de carbone soit juste. Les investisseurs doivent juger de plus en plus l’importance attribuée par les entreprises à leurs propres ressources humaines et aux conséquences de leurs agissements sur une grande partie de la population. La prise en compte de la diversité et de l’inclusion, des différences de salaires entre hommes et femmes, la qualité des packs de prestations, des réactions aux plaintes des salariés, des formations et des services sociaux tout comme de nombreux autres facteurs sont donc aussi importants que la compréhension de l’empreinte carbone. Ceci a un aspect local et global. Nous devons faire très attention aux conséquences des chaînes d’approvisionnement globales complexes sur les droits des salariés et la communauté.

L’inégalité, le germe du populisme?

L’inégalité engendre la colère, et cette colère peut être dirigée dans une direction politique. De nombreux commentateurs sont d’avis que la reprise inégale après la crise financière internationale a semé le germe du populisme que nous avons pu observer ces dix dernières années. Il pourrait arriver la même chose dans la période post-covid. Les efforts entrepris pour créer un futur plus durable et plus juste pourraient être compromis. En Grande-Bretagne, il existe des rumeurs concernant des groupes qui s’engagent en faveur d’un référendum sur les plans à zéro émission du gouvernement. La contre-réaction aux vaccins contre le Covid et aux restrictions pourrait aussi persuader ceux qui, après la disruption des deux dernières années, ont l’impression d’être abandonnés.

Leaders politiques

Les investisseurs doivent être attentifs et veiller à investir dans des entreprises qui s’occupent de leur effectif et offrent des possibilités de formation et de développement personnel, avec l’égalité des chances. Les gouvernements aussi doivent se concentrer davantage sur les faits relativement évidents: Le peuple doit payer plus cher pour les carburants provenant de sources d’énergie dont l’exploitation doit être limitée dans le temps mais dont l’efficience énergétique doit être améliorée. En même temps, les entreprises qui fournissent l’énergie locale, enregistrent des bénéfices record. Cela ne veut pas dire qu’il faut augmenter les impôts sur les fournisseurs d’énergie. Toutefois, les gouvernements doivent être attentifs. La révolution verte est une affaire de coeur et de raison, et si les citoyens croient que cela va coûter encore plus cher, les objections politiques au progrès vont augmenter.

E & S à part égale

Nous avons toujours cru que la révolution verte peut avoir un important aspect social en engendrant une baisse des coûts de l’énergie, une activité économique décentralisée tout comme de nouvelles opportunités et de nouveaux postes de travail. En tant qu’investisseur, nous nous concentrons sur les entreprises qui se transforment et dans les nouvelles technologies. Nous devrions donc garder en vue ce que cela signifie pour les salariés actuels et futurs, les communautés dans lesquelles ils vivent.

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