Effet domino: partout des taux d’intérêt supérieurs

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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L’effet domino déclenché par la Federal Reserve (Fed) pourrait même entraîner une augmentation des taux d’intérêt en Europe et remettre en question la générosité infinie du Japon en terme de politique monétaire.

  • Les marchés réagissent avec une augmentation des taux d’intérêt et des rendements, des primes sur le risque plus élevées au niveau des obligations d’entreprise et une dépréciation sur les marchés des actions.
  • Cependant, même si le put de la Fed est terminé, les banques centrales vont garder en vue les facteurs qui mettent la croissance en danger.
  • Au printemps, un pic d’inflation et une baisse des prix de l’énergie pourraient redonner une allure plus positive aux perspectives des rendements du marché.
Dépréciation sur les marchés des actions

Le mois de janvier 2022 était le cinquième depuis 2012 au cours duquel tous les 13 indices obligataires Total Return ont présenté un rendement négatif. Tous ces indices n’avaient encore jamais affiché deux mois négatifs successifs. Ceci pourrait être une bonne nouvelle, car quand c'était le cas, les obligations à longue duration affichaient généralement de bons résultats au cours du mois suivant. Mais à l’heure actuelle, tout peut être différent. Alors qu’au mois de janvier, il s’agissait encore d’anticiper le comportement restrictif de la banque centrale des États-Unis, la Fed, en février, il semble falloir avant tout répondre à une question, à savoir si la banque centrale européenne (BCE) et la Bank of England (BoE) vont également retirer leur soutien. Pour ce qui est des marchés des actions, le Nasdaq Composite est maintenant coté à 13,5 pour cent sous son maximum, alors que les marchés plus larges ont affiché une baisse de 5,8 pour cent pour l’EuroStoxx et de 11,2 pour cent pour le Nikkei. Ceci répond à deux facteurs: Premièrement, les marchés d’actions ont tendance à être confrontés à une dévaluation si les taux d’intérêt augmentent. Deuxièmement, le durcissement de la politique monétaire promeut l’insécurité au niveau du développement de la croissance et des rendements.

La perspective sur le long terme

La bonne nouvelle pour les investisseurs est que les rendements sont généralement positifs pendant un cycle de redressement. Entre les valeurs minimum et maximum du taux directeur de la Fed (Fed Funds Rate), les marchés d’actions ont augmenté dans chaque cycle depuis le début des années 70, sauf entre 1973 et 1974, quand l’économie mondiale fut la cible de la crise pétrolière. En général, les notations diminuent et les rendements reprennent progressivement au cours du cycle, ce qui entraîne au total une performance positive des actions. Bien entendu, les cycles ne sont pas tous identiques. En général, lors de la première augmentation du taux d’intérêt, quand les banques centrales sont les plus restrictivistes, on assiste rapidement aux plus grandes dépréciations par rapport au niveau du marché. Mais quand les cycles sont longs et entraînent un ralentissement agressif des perspectives de croissance économique, la performance des marchés des actions peut diminuer de nouveau. Ce fut le cas de 2015 à 2018 quand les marchés ont été confrontés à la combinaison de taux des Etats-Unis supérieurs et de craintes commerciales.

Inversion de la hausse des multiples due au covid-19

Une attitude défensive face aux actions devrait déjà être présente. Les cycles géopolitiques causent des dépréciations, ce qui compromet d’avance la performance des marchés. Au cours des deux derniers cycles, les bourses Nasdaq, Japan, US-Small-Caps et China ont enregistré les baisses les plus importantes par rapport aux niveaux de la première hausse. Les marchés ayant affiché de meilleurs résultats, étaient la Grande-Bretagne et les actions «value». Et pourtant, les Etats-Unis ont tendance à mieux réussir au cours du cycle, probablement parce qu’aux Etats-Unis, un pic suivi d’une baisse du taux d’intérêt sont attendus en premier. Si l’on considère aujourd’hui le ratio cours sur bénéfices (C/B) calculé sur la base des pronostics sur douze mois pour le bénéfice par action, les marchés des Etats-Unis sont les plus chers. Pour ce qui est du Nasdaq, l’écart standard par rapport à la moyenne sur le long terme est de 1,6, par rapport à 1,3 pour le S&P 500. La Chine, la Grande-Bretagne et le Japon sont les moins chers et sans doute aussi les moins concernés par une dépréciation internationale, alors que l’Europe est évaluée équitablement, à une valeur proche de sa moyenne sur le long terme. Les énormes injections de liquidités dues à la pandémie et les incitations fiscales ont fait augmenter les (C/B) des actions des Etats-Unis de plusieurs points. L’inversion de cette extension constituera le thème central quand la Fed retournera à la normale.

Que fait la BCE?

Il est difficile d’établir un pronostic sur le court terme car le marché suppose désormais que la BCE va intervenir au cours de 2022. La Présidente de la BCE Christine Lagarde n’a pas vraiment bien communiqué la position de la BCE, et le marché est arrivé à la conclusion que les taux d’intérêt pourraient augmenter cette année. Les spécialistes ne sont pas d’accord sur la date du premier pas. Par ailleurs, il existe des doutes parmi les économistes, à savoir si la BCE envisage vraiment une hausse du taux d’intérêt. Mais pourquoi pas? Les taux d’intérêt sont négatifs et il n’est pas nécessaire de renforcer cette situation étant donné que l’inflation en Europe est bien au-dessus de l’objectif de la BCE. Les taux de change ne jouent pas et ne devraient pas jouer un grand rôle dans les décisions de la banque centrale. Toutefois, la dernière faiblesse de l’euro en liaison avec une hausse des prix de l’énergie aura soutenu les faucons dans leur argumentation en faveur d’un durcissement de la politique monétaire.

La Bank of England joue sur les taux d’intérêt

En Grande-Bretagne, la banque centrale a augmenté son taux directeur pour le faire passer à 0,5 pour cent le jour où il a été officiel que la facture d’énergie nationale pourrait augmenter de 50 pour cent pour la plupart des ménages. Dans un même temps, les cotisations à la sécurité sociale vont augmenter au mois d’avril, ce qui augmente encore la pression exercée sur les revenus par ménage. Entre-temps, la livre sterling et les actions britanniques pourraient subir un jour une certaine pression, avec une petite et moyenne capitalisation du marché. La BoE a suggéré que l’inflation diminuera rapidement au cours du deuxième semestre 2022, sans pour autant avouer que ceci pourrait être dû au fait que la Grande-Bretagne sera confrontée à une récession, avant toute autre économie des G7.

Nous allons devoir affronter de nombreuses difficultés

Le durcissement de la politique des banques centrales dans les pays industrialisés et l’absence de véritable leader politique rendent les investissements difficiles. Mes «attentes» se résument à des rendements de 2,5 pour cent pour les Treasuries sur dix ans (les rendements réels sont pratiquement à zéro et l’inflation est évaluée à des valeurs comprises entre 2,25 et 2,5 pour cent), à un S&P 500 qui touche la marque des 4000 (avec le risque d’une poursuite de la baisse), étant donné qu’une correction de 20 pour cent des pics record est attendue, et à des actions à croissance qui continuent à souffrir de leurs caractéristiques ‚Long-Duration’ présumées. Ceci signifie éventuellement que le Nasdaq est noté à moins de 13'000 points. Il ne faut pas non plus oublier les conséquences fondamentales sur la performance des actions et les rendements définis par la pression éventuelle sur les marges quand la vague d’inflation percutera l’économie mondiale cette année.

Pronostic après les points d’inflexion

Pour éviter les ‚short’, les investisseurs doivent se concentrer sur les titres présentant de faibles risques ascendants et sur ce qui doit arriver pour changer de direction. Du côté des actions, le risque de dépréciation est le plus faible sur les marchés comme la Grande-Bretagne, l’Europe et le Japon comparé aux Etats-Unis. Les stratégies portant sur des valeurs devraient afficher des résultats légèrement meilleurs, ceci dépend toutefois d’une baisse des marges bénéficiaires dans le secteur industriel et d’un éventuel pic du cycle énergétique. Pour ce qui est des obligations, les taux d’intérêt sur le court terme vont augmenter, ce qui devrait entraîner une hausse des rendements obligataires, même avec des courbes plus plates. Par conséquent, le risque de dépréciation est plus limité pour le rendement global en suivant des stratégies centrées sur une courte duration. Nous continuons à préférer des obligations à taux élevé et des obligations d’entreprise définies sur une courte durée étant donné que les données fondamentales restent relativement bonnes. Toutefois, l’élargissement des spreads réalisé la semaine dernière a montré de légères fissures dans le secteur du crédit. La volatilité sur les marchés des actions risque de prolonger ce développement. Ici, il est essentiel que la BCE change d’attitude. Si les marchés ont l’impression qu’en Europe aussi, les assouplissements quantitatifs (Quantitative Easing, QE) sont terminés, il est évident que les spreads obligataires souverains étendus aient des conséquences sur les spreads des banques et la confiance accordée au marché d’obligations souveraines. Pendant le cycle de durcissement, une extension des spreads Investment Grade de l’ordre de 60 à 100 points de base est probable. Pour les obligations à haut risque, on pourrait assister à une plus forte extension selon les pronostics de croissance et de défaut implicites. Cela veut dire aussi qu’il y aura un jour de bonnes opportunités d’achat dans le secteur du crédit.

Peut-on espérer une année plus calme?

Un jour, les marchés vont s’habituer au durcissement. Dans la plupart des cycles, les obligations et les actions fournissent des rendements positifs, avec une volatilité supérieure à l’avenir. Le pronostic sur le moyen terme, donc jusqu’en 2023, dépend du développement des attentes en matière de croissance et des bénéfices des entreprises. Jusqu’à présent, les augmentations des taux d’intérêt à attendre ne suffiront probablement pas pour déclencher une baisse importante de la croissance. Même si les marchés deviennent nerveux, les taux d’intérêt définitifs reflétés restent faibles comparé au développement historique. Toutefois, les corrections des pronostics de croissance et de bénéfice vont être décisives dans les mois à venir. Jusqu’à présent, ils répondent aux attentes. Sur le court terme, un pic d’inflation reste inévitable au cours du premier trimestre, tout comme une certaine inversion des prix de l’énergie.

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