Sept hausses du taux d’intérêt pour cette année?

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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Cette année, la banque centrale des Etats-Unis, la Fed, aura sept fois l’occasion d’augmenter les taux d’intérêt.

  • Ce serait davantage que ce qui est attendu actuellement et signifierait une hausse plus rapide que lors du dernier cycle de durcissement, entre 2015 et 2018.
  • En 2018, les taux d’intérêt réels à court terme sont devenus positifs. Devons-nous nous attendre à ce que la Fed fasse passer le taux directeur (Fed Funds Rate) à plus de trois pour cent pour obtenir la même chose?
  • Les messages de la Fed pourraient signaler qu’il faut s’attendre à encore davantage que ce que le marché reflète actuellement.
Une augmentation des taux à chaque réunion?

A l’heure actuelle, il est sans doute préférable de s’attendre à ce que (pas de pronostic) la Federal Reserve (Fed) augmente probablement le taux directeur lors de chaque réunion prévue pour cette année, et ce de 25 points de base (pb). Les prochaines réunions auront lieu le 16 mars et le 4 mai, dates auxquelles les taux d’inflation des mois de février et de mars seront révélés au marché. Etant donné que nous estimons que les taux d’inflation resteront très élevés toute l’année, la FED aurait suffisamment de raisons pour augmenter les taux d’intérêt en ces deux occasions. Lors de la réunion suivante du 15 juin, nous serons informés sur l’inflation des mois d’avril et de mai. D’ici là, les taux d’intérêt devraient déjà diminuer par rapport à l’année antérieure en raison des effets de base et d’une certaine diminution de la pression exercée sur les prix de l’offre et de l’énergie. La Fed pourrait faire une pause si les chiffres vont dans la bonne direction ou continuer à augmenter les taux d’intérêt si la pression inflationniste reste très élevée. D’ici là, le taux de chômage pourrait se rapprocher des 3,5 pour cent d’avant la pandémie, ce qui fournirait à la Fed d’autres arguments en faveur d’augmentations du taux d’intérêt. Les réunions du comité du marché ouvert (FOMC) de septembre et de novembre dévoileront les réactions des marchés et de l’économie aux hausses des taux d’intérêt à court terme. Le Fed Funds Rate pourrait alors avoir déjà atteint les 1,25 pour cent. Sa valeur réelle serait toujours fortement négative étant donné que nous attendons un taux d’inflation moyen proche de trois pour cent pour 2023. Ainsi, il pourrait y avoir deux ou trois autres augmentations du taux d’intérêt d’ici la fin de l’année. Si une hausse est conclue lors de chaque réunion, nous obtiendrions un taux de deux pour cent d’ici la fin de l’année. Les perspectives seraient bien différentes pour 2023, avec le pic du cycle de taux qui se pointerait à l’horizon.

Optimiste pour le dollar US

Après la réunion de la FOMC de la semaine dernière, suivie des commentaires de son président M. Powell, le marché a pratiquement reflété le scénario présenté ci-dessus. Le rendement des obligations souveraines des Etats-Unis sur deux ans est actuellement de 1,2 pour cent et donc de 100 bp supérieurs à la valeur moyenne de 2021. La politique restrictive de la Fed a entraîné un autre aplatissement de la courbe de rendement. L’écart entre les obligations sur dix et deux ans a diminué pour passer maintenant à 0,62 pour cent. Ceci correspond à une baisse de près de 100 points de base par rapport à la plus grande différence enregistrée l’année dernière. Pour les investisseurs orientés vers le rendement avec une exposition au dollar US, l’extrémité courte de la courbe est désormais intéressante – surtout par rapport aux obligations européennes. Le rendement des obligations souveraines allemandes sur deux ans s’y élève toujours à moins 60 bp. Ce n’est donc pas étonnant qu’on ait un dollar fort qui se dirige à court terme vers un niveau inférieur à 1,10 USD/Euro.

Courbe plus plate, rendements plus élevés

Une courbe qui s’aplatit, est un signe indicateur d’un cycle d’augmentation du taux d’intérêt. Avant le pic du cycle, à la fin de 2018, la courbe des Etats-Unis continuait de s’aplatir malgré la hausse des rendements des bons du trésor (Treasuries) sur dix ans. Les investisseurs obligataires appliquent une stratégie essentielle, à savoir renforcer la pondérisation de la courte durée jusqu’à ce que la confiance soit rétablie, à savoir la fin des augmentations du taux d’intérêt par la Fed et pour les investisseurs plus exigeants, associer ce développement dans le portefeuille d’obligations de toutes durées à un aplatissement tendanciel. Même si le marché commence à refléter une augmentation du taux lors de chaque réunion du FOMC, cela ne signifie pas obligatoirement qu’il tiendra compte de toutes les hausses du taux d’intérêt à venir. Ce serait très inhabituel si le marché reflétait la totalité du cycle de raidissement avant la première augmentation du taux d’intérêt. Il existe un potentiel de hausse des rendements pendant toute la durée de la courbe.

Le bilan de la Fed – le grand inconnu

L’allure future de la courbe de rendement et le niveau des rendements sur le plus long terme ont un grand inconnu: le bilan. M. Powell a annoncé que la Fed commencera à réduire le bilan au cours de l’année. Toutefois, il n’existe pratiquement aucun détail sur le moment, la durée et l’ampleur. Mais il est certain que le flux et le montant des obligations tenues par la Fed vont un jour passer au-dessous de zéro.

Primes de risque plus élevées?

C’est un point très important. Pendant l’assouplissement quantitatif (QE), les primes de risque ont baissé dans toutes les catégories de placement étant donné que les activités des banques centrales ont diminué systématiquement le risque d’augmentation des taux d’intérêt et mis à disposition d’importantes liquidités. Le rééquilibrage du portefeuille profita de catégories d’actifs plus risquées si bien que les primes de risque ont diminué pour les obligations souveraines et les action ex ante. A l’avenir, est-ce que la réalité correspondra à l’inverse? Est-ce que les primes de risque augmentent quand l’offre concernant des actifs sans risque affiche une hausse supérieure à ce que l’on attendrait normalement (autrement dit, si les gouvernements émettent des obligations pour couvrir les déficits et le refinancement)? Du point de vue conceptuel, on a l’impression que ceci entraîne une augmentation des primes de risque, autrement dit une augmentation de la prime de terme sur les marchés des taux d’intérêt, des spreads de crédit supérieurs, un risque de défaut supérieur pour les obligations d’entreprise ainsi qu’une baisse des ratios cours sur bénéfices des actions.

Les arguments contre

Il convient de considérer ce point de vue extrêmement négatif avec une certaine réserve. Premièrement, la diminution du bilan est une option politique. La Fed et d’autres banques centrales ont le plein contrôle sur la rapidité et l’ampleur de la réduction des bilans. Si elles voient apparaître des effets négatifs externes, elles vont modifier leur politique. Deuxièmement, le timing n’est pas clair. Il se pourrait que la réduction ait lieu progressivement. Troisièmement, il devrait s’agir d’un développement global pour obtenir l’effet maximum sur les rendements. Depuis 2009, toutes les grandes banques centrales ont pratiqué simultanément le QE à différents moments, y compris pendant la pandémie. Ces importants achats obligataires par les banques centrales ont fait baisser les rendements partout. Il est possible qu’elles doivent toutes pratiquer un redressement quantitatif en même temps pour obtenir une hausse générale et durable des rendements. La Banque centrale européenne (BCE) et la Bank of Japan vont suivre de près les agissements de la Fed. Somme toute, en cas de réduction des bilans, les rendements vont probablement augmenter dans les cinq années à venir. Toutefois, la marche à suivre semble actuellement encore très incertaine.

La volatilité crée des opportunités

Entretemps, tout se concentre sur les ajustements des évaluations qui ont actuellement lieu sur les marchés. La volatilité semble créer le flou parmi les analystes des marchés: Certains argumentent qu’il est temps d’acheter, d’autres renforcent leurs pronostics négatifs, encouragés par des baisses à deux chiffres sur le marché des actions. Certains disent que la politique joue le rôle d’overkill et qu’elle décale une récession vers l’avant. D’autres pensent qu’il en faut encore beaucoup plus pour compenser l’inflation promue par d’énormes incitations fiscales et en matière de politique monétaire, associée à une pénurie mondiale de l’offre. Le mieux que l’on puisse dire, est de prendre ses distances par rapport à l’hystérie et de revoir ses objectifs de placement. Si le maintien des capitaux figure au premier plan, les liquidités et les placements à court terme, les actions de qualité et les titres caractérisés par une faible volatilité tout comme l’immobilier devraient aider. Pour augmenter les possibilités de croissance, il est important d’évaluer les pays émergents et de savoir jusqu’où aller avec les actions de croissance. L’avantage des rendements supérieurs, ce sont les rendements supérieurs. Lors de la planification de l’allocation du patrimoine, il est possible d’accorder une plus grande importance aux attentes en terme de rendement.

Transmission

En réagissant à l’inflation nettement supérieure à l’objectif, la Fed fait exactement ce qu’elle doit faire. L’énorme hausse de l’inflation restera sans doute provisoire, mais elle ne passera pas sous un taux de deux pour cent. La Fed sait qu’elle ne peut pas modifier la dynamique de l’offre. Mais elle peut influencer le prix de l’emprunt destiné aux achats à crédit. Le facteur essentiel, décidant à quel moment la Fed arrête, c’est la confiance qu’elle a dans le mécanisme de transmission en matière de politique monétaire. Jusqu’à présent, ce processus fonctionne - les conditions financières sont renforcées par une augmentation du coût du crédit, des prix inférieurs pour les actifs et un taux de change plus fort. Une augmentation à chaque réunion constitue un grand défi pour cette année. Mais mieux la Fed reflète les conditions financières, plus le cycle de durcissement sera terminé rapidement.

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