Les marchés n’ont pas encore atteint le fond

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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Si la hausse mensuelle reste autour de 0,6 à 0,4 pour cent, l’inflation annuelle diminuera, mais moins que nous l’avions espéré jusqu’à présent.

  • Au cours des 20 ans passés, les prix à la consommation ont augmenté en moyenne de 0,2 pour cent par mois aux Etats-Unis. Pendant 94 pour cent du temps, la hausse était inférieure à 0,6 pour cent.
  • Au cours du mois de janvier de cette année, l’indice des prix à la consommation a grimpé de 0,6 pour cent. Avec une telle augmentation mensuelle, le taux d’inflation annuel s’évaluerait à plus de sept pour cent pour le reste de l’année, ce qui signifierait des augmentations du taux d’intérêt plus agressives et nous rapprocherait de la prochaine récession.
  • Le risque d’une correction de 20 pour cent sur les marchés des actions des Etats-Unis et la réalisation d’un rendement d’au moins 2,5 pour cent pour les obligations souveraines des États-Unis sur dix ans est donc bien réel.
Les prix nous font des soucis

L’inflation demeure plus élevée que tout ce qui était attendu. Par conséquent, il faut prendre en considération des taux d’intérêt supérieurs. Ceci peut avoir un effet négatif sur les perspectives économiques et les placements à risque. Les investisseurs doivent être rester sceptiques quant aux marchés obligataires car les rendements – et désormais aussi les credit spreads – augmentent, ce qui entraîne des revenus négatifs. Ils doutent également des marchés des actions car les évaluations restent plus élevées qu’avant la pandémie. Pour les investisseurs, le plus difficile est de juger quand surmonter les facteurs négatifs, opter pour une opinion contraire et acheter. Cette attitude va encore durer un certain temps.

Pic d’inflation? Pas encore!

Qu’est-ce qui pourrait déclencher une évaluation plus positive des marchés? Le facteur le plus important serait une inflation qui a atteint son maximum. La hausse de l’indice des prix à la consommation (IPCN) de 7,5 pour cent enregistrée en janvier aux Etats-Unis pourrait déclencher le mouvement - ou non. Les détails du rapport indiquent une pression inflationniste persistante dans les secteurs comme les prix des loyers qui, sur le court terme resteront inchangés. Comme indiqué plus haut, une hausse mensuelle de l’inflation de 0,6 pour cent est plutôt inhabituelle. Nous pouvons donc partir du principe que nous allons assister à une certaine détente, autrement dit à une baisse du taux d’inflation annuel. Sur le court terme, l’espoir va faire place à une attitude expectative. Et ce qui vaut pour les Etats-Unis, s’applique aussi à l’Europe et aux autres pays.

Baisse des prix de l’énergie

Le deuxième facteur, en rapport avec le premier, est une baisse obligatoire des prix de l’énergie. Bien que les prix du pétrole brut aient légèrement diminué depuis le pic enregistré récemment, il reste encore beaucoup à faire.

Même chose pour les prix du gaz naturel. Si le prix du pétrole devait passer à des valeurs comprises entre 70 et 80 dollars par baril, ce serait une nouvelle positive par rapport à l’année dernière. Toutefois, il est peu probable que les prix de l’énergie aient des conséquences négatives sur les taux d’inflation à long terme.

Politique monétaire

Le troisième facteur constituerait une amélioration de la clarté concernant les perspectives des taux d’intérêt du côté de la Federal Reserve (Fed) et des autres banques centrales. Là encore, les données de janvier en matière d’inflation ont rendu toute prévision difficile. Certains observateurs parlent d’une augmentation des taux d’intérêt de la Fed de 50 points de base pour le mois de mars. Les marchés attendent désormais que le Fed Funds Rate augmente de plus de deux pour cent dans l’année à venir. Avec sept augmentations expectées d’ici l’année prochaine, le cycle d’augmentation des taux d’intérêt attendu ressemble davantage au cycle de 2004 à 2006 qu’à celui de 2015 à 2018. Entre 2004 et 2006, la Fed a entrepris 16 échelonnements des taux et resserré tellement les conditions financières que l’on a assisté à une crise financière internationale. Si la Fed continue à procéder par pas de 25 points de base et si elle est en mesure de signaler une certaine détente concernant le taux d’inflation, nous pouvons être plus optimistes. Mais nous le savons tous, les marchés n’ont pas encore atteint le fond. L’ambiance n’est pas bonne et les investisseurs ont besoin de clarté sur l’évolution de l’inflation, des prix de l’énergie et des taux d’intérêt. Contrairement à la situation observée quelques semaines plus tôt, une tendance allant vers un fort redressement et une fin prématurée de l’expansion est perceptible.

Attente minimum négative

Les investisseurs souhaitent des perspectives plus positives. Le tout repose sur l’opinion que la Fed doive en faire moins que ce qui est annoncé actuellement. La Banque centrale européenne (BCE) et la Bank of England (BoE) ont désormais une attitude légèrement moins restrictive. Toutefois, l’inflation est moins élevée et les marchés du travail sont moins tendus qu’aux Etats-Unis. C’est pourquoi, une certaine attente minimum négative reste nécessaire. Nous avons présenté la nôtre plusieurs fois - rendement des Treasuries américains à 2,5 pour cent, rendement souverain autour de 50 à 75 points de base, élargissement des credit spreads de 50 à 100 points de base supplémentaires et une autre révision à la baisse des marchés des actions, plus particulièrement aux Etats-Unis. Si tout ceci se réalise, les rendements ajustés au risque s’amélioreront nettement. Mais il faudra encore attendre un certain temps et faire face à certaines difficultés avant que ceci arrive.

Une certaine dynamique descendante

Nous savons que la Fed va changer de cours si les données concernant la croissance se détériorent sérieusement. A l’heure actuelle, l’économie doit panser ses maux. Par ailleurs, la Fed sait que l’inflation est due en grande partie aux problèmes de pénurie de l’offre, une situation qui s’améliore peu à peu. Les investisseurs en actions ont enregistré des résultats relativement positifs au cours du quatrième trimestre étant donné que dans l’ensemble, les rapports ont dépassé les attentes et que le ratio du bénéfice par action (BPA) était de plus de 25 pour cent supérieur à l’année antérieure. Bien entendu, il est important de savoir comment évoluent les rendements. Le consensus bottom-up des pronostics BPA pour le marché des Etats-Unis et de l’Europe a commencé à prendre légèrement de l’ombre. Les révisions en matière de bénéfices sont moins positives et l’équilibre entre les révisions à la hausse et à la baisse des attentes en matière de BPA a tendance à être un bon indicateur du développement des valeurs. A l’heure actuelle, il semble que les révisions soient prêtes à passer dans la zone négative. Ceci concorde avec les rendements roulants sur six mois des marchés des actions qui penchent également vers le bas. En général, les profondes corrections typiques affichent une baisse des évaluations du marché de 20 pour cent, mais les cycles ne sont pas tous identiques. Les ratios cours/bénéfices (RCB) des marchés ont déjà diminué pendant la pandémie. Et ils vont continuer à baisser, des niveaux inférieurs à 4000 pour S&P et inférieurs à 13'000 pour Nasdaq n’étant pas exclus. Il s’agit des marchés dont l’évaluation est supérieure à un écart standard sur une valeur moyenne à long terme.

Optimiste sur le moyen terme

Si l’on part du principe que toutes les conséquences positives de l’assouplissement quantitatif cumulé (QE) de la décennie précédente seront réduites à néant cette année et l’année prochaine, il faut s’attendre à des rendements positifs pour la plupart des catégories de placement sur le moyen terme. Pour le moment, les rendements positifs nominaux, voir réels, semblent encore bien loin. Mais ils pourraient venir, même s’ils sont inférieurs à ceux de la plupart des années de l’ère QE. Les marchés augmentent progressivement car les rendements suivent la croissance économique. En ce qui concerne les obligations, il est très rare d’avoir des rendements négatifs deux années de suite. La duration est un facteur de risque qui se corrige lui-même (si les rendements réels augmentent, la croissance économique ralentit et les rendements chutent de nouveau). Nous sommes d’avis que la probabilité d’une inflation totale aux Etats-Unis supérieure à sept pour cent pendant une période prolongée et d’une inflation sous-jacente de plus de six pour cent est faible. Toutefois, la Fed doit agir. Et pour des raisons de crédibilité, elle pourrait commencer par une attitude agressive. Le printemps devrait apporter de nouveaux espoirs. Mais cette fois, l’hiver pourrait durer plus longtemps.

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