Pour les AT1, il n’y a pas que les spreads qui comptent

Eoin Walsh, TwentyFour Asset Management

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Dans l’environnement actuel, le débat entre calls et non calls devrait se poursuivre.

Face à l’élargissement des spreads dans les obligations «Additional Tier 1» (AT1), qui s’inscrit dans la tendance générale de tous les segments obligataires, la perspective que des AT1 ne soient pas remboursées à leur première date de «call» (remboursement) commence à refaire parler d’elle. Bien entendu, la différence entre le spread qu’un émetteur paiera s’il laisse une obligation en circulation (spread de révision) et celui qu’il versera s’il rembourse et réémet un nouveau titre est important, mais ce n’est pas le seul aspect à prendre en considération. D’autres facteurs comptent également: il faut notamment se demander si l’emprunteur est un émetteur régulier et quelle est la structure de remboursement de l’obligation.

L’environnement de spread détermine le spread de révision

Si une obligation est prolongée au-delà de sa date de call, le coupon de réversion équivaudra au spread initial au moment de l’émission par rapport au swap actuel à cinq ans ou au rendement de l’emprunt d’Etat pertinent à cinq ans. A titre d’exemple, en janvier 2018, le spread de l’indice CoCo se situait à tout juste 249 pb (un plus bas de cinq ans pour l’indice) avant de grimper pour atteindre environ 475 pb en janvier 2019. L’impact est évident si l’on compare deux émissions d’AT1 par l’UBS. L’AT1 en dollar de l’UBS à 5%, émise en janvier 2018 avec un call à cinq ans, aura en janvier 2023 un taux de révision de 2,432% par rapport au taux swap à cinq ans en dollar. L’AT1 en dollar de l’UBS à 7%, émise en janvier 2019 avec également un call à cinq ans, aura en janvier 2024 un taux révisé de 4,344% par rapport au taux swap à cinq ans en dollar, soit près de 200 pb de plus. Toutefois, les conditions de marché pour le refinancement pourraient être très différentes entre les deux dates.

En théorie, si une banque ne peut refinancer une nouvelle obligation au spread de révision de l’obligation à rembourser, ou à un niveau très proche de ce spread, on peut raisonnablement penser que l’émetteur serait tenté de laisser l’obligation existante en circulation. En d’autres termes, de la prolonger au-delà de sa date de call. Néanmoins, ne pas rembourser pour économiser quelques points de base sur une obligation (ou même de nombreux points de base) n’est pas logique si vous êtes un émetteur régulier. Economiser sur une obligation mais être obligé de payer un spread plus élevé dans le futur sur l’ensemble de votre dette est une décision qui peut finir par coûter cher. En outre, la plupart des grands émetteurs réguliers ont généralement des réserves de capital supérieures aux exigences car ils préfinancent les calls à venir lorsque les conditions sont favorables, évitant ainsi une nécessité urgente d’émettre de la dette dans des conditions défavorables.

Les obligations remboursables tous les cinq ans sont inflexibles

Néanmoins, malgré l’incitation réputationnelle que constitue le remboursement, les banques ne paieront pas de façon excessive dans des conditions défavorables: c’est là que les structures de call revêtent une importance essentielle. Si un émetteur ne rembourse pas une obligation, il y aura ensuite un calendrier de remboursement fixe qui peut être journalier, trimestriel, annuel ou tous les cinq ans. En outre, une banque aura davantage de marge de manœuvre pour exploiter des conditions de marché favorables à mesure que la fréquence de l’option call augmente. Si une banque laisse une obligation en circulation lorsque les spreads sont élevés mais sont ensuite liés à une obligation qui n’est remboursable que tous les cinq ans, l’obligation pourra au final sembler très chère si les spreads se resserrent de nouveau. L’impact sur le prix pour les investisseurs est également significatif, car les prix d’obligations fréquemment remboursables sont moins susceptibles de trop descendre en dessous du pair. Qui vendra une obligation à 95 alors qu’elle pourrait être remboursée au pair dans un mois? Regardons ce qui s’est passé lorsque Santander a annoncé son intention de ne pas rembourser son AT1 à 6,25% en février 2019; un jour après, l’obligation se négociait à 50 cents de son prix d’annonce préalable. D’un autre côté, une obligation remboursable tous les cinq ans pourrait subir une variation plus importante de son prix. De ce point de vue, la décision d’émettre des obligations remboursables tous le cinq ans seulement paraît absurde car elles sont inflexibles pour l’émetteur et ne procurent qu’un faible avantage à l’investisseur.

Les régulateurs ne devraient pas intervenir

Dans l’environnement actuel difficile, le débat entre calls et non calls devrait se poursuivre. Pendant ce temps, nous continuons à voir des banques qui émettent à des spreads raisonnablement supérieurs aux taux de révision des obligations à rembourser. Certaines banques reçoivent également l’autorisation d’effectuer des offres de rachat sur des obligations existantes, à l’instar de Virgin Money qui a soumis une offre pour son AT1 assortie d’un coupon de 8% et émis une nouvelle obligation à 8,25% cette semaine.

Il est probable que les régulateurs ne veuillent pas intervenir dans le processus call/non call, à moins que les émetteurs ne soient limités en termes de capital; il sera alors intéressant de voir comment les emprunteurs réagissent à leurs calls. Toujours est-il que pour les obligations avec des calendriers de calls fréquents, la variation de prix devrait rester relativement modérée, comme nous l’avons vu avec Santander en 2019.

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