Pic de l’inflation – Qu’en dit le marché immobilier?

David Norris, TwentyFour Asset Management

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Face à l’emballement de l’inflation, la baisse récente aux États-Unis soulage (un peu) les marchés.

Face à l’emballement de l’inflation, la baisse récente aux États-Unis soulage (un peu) les marchés.

Aux États-Unis, l’inflation des prix à la consommation (CPI) est retombée à 8,3% en rythme annuel au mois d’avril, tandis que l’indice des prix associé aux dépenses de consommation des ménages (PCE) ralentissait également sur la même période, de 6,6% à 6,3% en rythme annuel. Ces «améliorations» étaient largement attendues en raison des effets de base de 2021, avec une hausse pour le CPI «core» de 0,6% par rapport à mars et une stabilité pour le PCE «core» (qui, soit en dit en passant, est la mesure de l’inflation privilégiée par la Fed).

L’inflation a pénalisé les rendements de quasiment toutes les classes d’actifs ces derniers mois, mais dans l’univers obligataire, l’effet a été double avec d’une part, l’envolée des rendements souverains sous l’effet des anticipations de hausse des taux et d’autre part, l’élargissement des spreads de crédit provoqué par les craintes de récession. En tant que telle, l’inflation reste l’un des principaux moteurs de fluctuation des prix des actifs risqués. Il est donc judicieux de suivre de près l’un de ses principaux contributeurs: l’immobilier.

Le marché immobilier peut-il prédire la direction de l’inflation?

Le logement constitue la principale composante de l’inflation CPI (42%) et PCE (16%). L’indice CPI suit les dépenses directes des consommateurs «typiques», tandis que l’indice PCE représente une mesure plus large des prix des biens et services consommés à l’échelle de l’économie. La version «core» des indices CPI et PCE, qui exclut les prix plus volatils de l’alimentation et de l’énergie, est supposée donne une vue d’ensemble plus claire.

Les variations des coûts du logement pouvant avoir une incidence significative sur les données, qu’indique donc le marché de l’immobilier quant à la direction de l’inflation? En résumé, il ne suggère pas que l’inflation reculera aussi rapidement qu’elle a augmenté.

Aux États-Unis, le loyer demandé médian mensuel a bondi de 15% en rythme annuel au mois d’avril pour s’établir au niveau record de 1962 dollars, d’après la société de courtage Redfin. Cette hausse a au moins été inférieure à celle du mois de mars (+17%) et marque effectivement le premier ralentissement depuis une année.

Déséquilibre entre l’offre de location et la hausse de la demande

Cela fait des mois que les loyers américains augmentent à un rythme bien supérieur à celui de l’inflation. Les locataires n’ont guère d’autre choix que d’accepter les hausses de prix, qu’ils puissent se le permettre ou pas. Les loyers constituent donc le principal poste de dépenses des ménages alors même que l’inflation fait gonfler les factures de manière générale. C’est donc sans surprise que nous observons un déclin progressif du taux d’épargne aux États-Unis, qui est aujourd’hui inférieur à son niveau pré-pandémie, alors que les consommateurs doivent piocher dans leurs économies pour subvenir à leurs besoins essentiels. D’après les données de Realtor.com, cette situation tient en partie à un déséquilibre entre l’offre de location et la hausse de la demande essentiellement alimenté par les acquéreurs potentiels qui restent plus longtemps que prévu sur le marché locatif en raison de la hausse du prix des logements (une nouvelle fois due à la pénurie de l’offre) et à la pression inflationniste.

C’est un domaine dans lequel nous pourrions commencer à observer un certain allègement des tensions, si l’on en croit les ventes de logements neufs, qui ont chuté de 16,6% en avril par rapport au mois précédent. Par ailleurs, les promesses de ventes de logements ont également baissé de 11,5% par rapport au mois de mars, ce qui suggère que la hausse des taux d’intérêt hypothécaire commence à rogner le budget des acquéreurs. À noter que les statistiques immobilières peuvent parfois être significativement corrigées et s’avérer contradictoires, mais dans tous les cas, le recul est suffisamment net pour ne pas être ignoré. Si la hausse des prix devait ralentir et l’accessibilité à la propriété s’améliorer, les tensions sur le marché locatif pourraient en partie s’alléger dans les mois à venir.

Le marché locatif joue un rôle essentiel

Si l’on observe les statistiques hypothécaires américaine sur les trois mois précédant mai, les demandes ont baissé 50% plus vite que durant la période ayant précédé le krach de septembre 2008. Les niveaux sont désormais proches de ceux enregistrés au début de la pandémie. Par ailleurs, les mises en chantier de maisons individuelles sont 10% en-dessous du sommet atteint en novembre, tandis que les mises en chantiers de logements collectifs ont bondi de 28% pour atteindre un pic inédit sur la même période. Les biens en location sont tellement chers que les acheteurs cherchent des biens plus faciles à louer. On peut donc dire que ces derniers mois, le marché immobilier américain n’est plus tiré par les acheteurs, mais par les locataires. Reste à savoir dans quelle mesure cette tendance se confirmera.

Le dynamisme du marché locatif a clairement joué un rôle capital dans la vigueur et la persistance de l’inflation. Dans l’ensemble, les statistiques indiquent que les loyers devraient rester une source de tensions dans les mois à venir. Toutefois, si d’autres fissures venaient à se former sur le marché immobilier et que les taux hypothécaires augmentaient, les loyers pourraient rapidement atteindre un point culminant avec ensuite des logements plus accessibles et le refus des locataires de continuer à payer des prix exorbitants.

Quoi qu’il en soit, s’il s’avère que l’inflation américaine a bien atteint son point culminant au mois de mars (8,5%), les prix de l’immobilier auront leur mot à dire dans la forme de la trajectoire descendante, une évolution que nous suivrons de très près dans les mois à venir.

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