Nuages d’automne

Axel Botte, Ostrum AM

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Fin de trimestre difficile pour les actions sur fond de crise énergétique et croissance chinoise en berne.

Septembre est rarement favorable aux marchés d’actions. La baisse de près de 5% du S&P 500 américain apparaît comme un premier coup de semonce à l’amorce d’un dernier trimestre miné par les incertitudes budgétaires et la crise énergétique. 

Aux Etats-Unis, la fermeture du gouvernement a été évitée grâce au vote d’une loi permettant le financement des dépenses fédérales, sur la base du dernier budget approuvé, jusqu’au 3 décembre. Les discussions relatives aux deux plans d’infrastructures sont en revanche au point mort. Les progressistes du parti démocrate s’opposent aux sénateurs centristes au sujet du financement et de la taille du stimulus, compte tenu des contraintes de dette et du coût politique potentiel de la hausse des prix dans la perspective des élections de mi-mandat de l’automne prochain. La question du plafond de la dette reste en suspens, alors que la date du défaut technique, estimée autour du 18 octobre, se rapproche. 

La hausse des prix de l’énergie met une pression considérable sur les entreprises.

En Chine, la croissance pâtit des restrictions imposées par les gouvernements locaux soucieux de respecter leurs engagements d’émissions de CO2. Cependant, les prix de charbon thermique à Zhengzhou en Chine ont récemment explosé à la hausse à plus de 1’330 CNY la tonne contre 730 en moyenne entre janvier et août. La semaine de congés en Chine (1-7 octobre) tombe à point nommé pour annoncer des mesures de relance budgétaire et monétaire, dont une probable réduction du taux de réserves obligatoires. Le gouvernement chinois a ordonné aux grandes entreprises de sécuriser leurs approvisionnements en énergie et la production de charbon a repris. Parallèlement, la hausse des prix de l’énergie met une pression considérable sur les entreprises. La hausse du gaz s’est déjà traduite par une dizaine de faillites d’entreprises du secteur au Royaume-Uni. Les prix élevés en Asie commencent à indexer les prix du gaz américain, qui tend désormais vers le seuil de 6 dollars le MMBtu, soit le double des cotations de début d’année. 

Les chocs de prix se succèdent et l’inflation poursuit sa hausse en zone euro (3,4% flash de septembre), aux Etats-Unis (4,3% en août selon l’indice PCE) ou au Royaume-Uni (RPI à 4,8% en août). L’inflation forcera immanquablement les banques centrales à adapter leurs discours, puis leurs politiques. Jerome Powell, dont la reconduction semble en suspens après les démissions forcées de deux membres du FOMC, en raison de leurs activités de trading personnelles, reconnaît désormais que la persistance de l’inflation traduit les contraintes pesant sur l’offre, sur lesquelles la Fed n’a aucune prise. Les signes de stagflation actuels requerraient une politique monétaire radicalement différente, mais le retrait du put de la Fed reste hypothétique. 

Quant aux marchés financiers, la hausse des rendements obligataires provoque des réallocations entre styles. Les valeurs de croissance, capitalisant une croissance élevée à long terme, sont logiquement pénalisées. Le tournant haussier sur les taux intervient alors que les écarts de performances sectorielles au sein du S&P 500 étaient au plus bas depuis 30 ans au troisième trimestre. La hausse maximale revient aux financières (+2,3%), alors que les valeurs industrielles sous-performaient, affichant une perte de 4,6%. Cela traduit l’inquiétude des intervenants quant à la capacité des entreprises à maintenir leurs marges à un niveau élevé. Cela témoigne aussi de l’importance de l’excédent de liquidités dans le gonflement des multiples de valorisation. 

Seules les banques et l’énergie surnagent.

Les marchés d’actions devraient connaître un dernier trimestre plus volatil, d’autant que les signes de fléchissement des enquêtes de conjoncture commencent à peser sur les projections de BPA. La logique d’achat sur repli qui a prévalu jusqu’ici sera remise en cause. Le risque financier chinois et la crise énergétique appellent à la prudence. Les indices européens abandonnent près de 3% avec une sous-performance marquée du secteur de la technologie (-8,95%). Seules les banques et l’énergie surnagent.

Le marché obligataire s’est stabilisé avec la baisse des actions. Après une pointe à 1,54%, le T-note termine la semaine sous 1,50%. La tendance à la pentification perdure, le 30 ans touchant 2,10% pour la première fois depuis le printemps. Le 5-30 ans, qui s’est aplati après le FOMC, s’écarte de nouveau violemment (+9 pb sur une semaine). Le taux hypothécaire à 30 ans repasse également le seuil de 3%. Les marchés de taux euro ne semblent plus immunisés contre les tensions américaines, malgré les propos de Christine Lagarde appelant à ne pas surréagir à l’inflation. 

Le malaise est palpable, mais force est de constater que les spreads souverains restent globalement stables. Le spread de l’emprunt italien à 10 ans s’est légèrement tendu vers 104 pb. Les émissions nettes d’obligations souveraines sont très négatives en octobre, en raison notamment des remboursements en France et en Espagne. Cela reste une force de rappel importante. Les spreads de crédit s’avèrent une nouvelle fois insensible à la volatilité actions, du moins sur le segment investment grade. On observe une légère décompression, y compris sur les indices de CDS, sans doute amplifiée par l’amélioration des flux acheteurs sur les fonds de crédit IG. La remontée des taux ravive aussi les intérêts institutionnels sur les marchés souverains et de crédit. 

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