Retour de flamme

Axel Botte, Ostrum AM

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L’aplatissement des courbes profite aux actions, malgré les tensions sur l’énergie.

© Keystone

Le thème de la stagflation semble s’imposer sur les marchés financiers, à mesure que la crise énergétique s’aggrave. Le caractère transitoire de la hausse des prix est remis en cause par la succession de chocs d’offre renforçant les goulets d’étranglement qui pèsent sur la croissance. Le risque de resserrement monétaire contribue à un mouvement d’aplatissement et les taux réels à terme diminuent. Paradoxalement, les indices actions repartent à la hausse. Des débouclements de positions, acheteuses sur le dollar et vendeuses de taux, ont amplifié le rebond des actifs risqués. La seule exception semble être le crédit investment grade, en retard de performance, probablement en raison de valorisations tendues. L’élargissement récent du high yield s’estompe.

La crise énergétique constitue un frein important à la croissance économique qui s’ajoute aux difficultés logistiques et d’approvisionnement des entreprises. Les instituts allemands ont ainsi fortement réduit leurs projections de croissance pour 2021, précisément en raison des contraintes d’offre. Le rapport de l’AIE confirme que la hausse du gaz engendrera un report de demande sur le pétrole estimé à 500’000 barils par jour pour une durée de six mois minimum. Le Brent s’échange au-delà des 85 dollars le baril. Deux nouvelles faillites sont intervenues cette semaine au Royaume-Uni, parmi les fournisseurs d’électricité étranglés par la hausse des prix du gaz. En outre, le recours au charbon, à quelques semaines de la COP 26, est un signal supplémentaire des conséquences du sous-investissement dans les énergies fossiles qui donne à Poutine un pouvoir de pression considérable. La question du redémarrage du pétrole de schiste risque de se poser rapidement aux États-Unis, malgré les enjeux climatiques. En outre, la hausse du gaz engendre en retour une hausse vertigineuse des prix des fertilisants qui, in fine, continuera de faire grimper les prix des denrées agricoles et des ruptures de production dans le secteur des métaux. L’inflation est un sujet incontournable qui risque d’être le thème central des élections de mi-mandat l’an prochain.

L’un des marqueurs du rebond du marché des actifs risqués est le repli du dollar parallèlement à l’aplatissement.

La courbe des taux américaine s’aplatit de nouveau. La publication de l’IPC américain à 5,4% en septembre témoigne de la hausse des prix volatils, mais aussi du redressement de composantes persistantes comme les loyers. Les marchés de taux intègrent désormais un scénario de tapering rapide (six ou huit mois) avant une à deux hausses des Fed funds, à partir de septembre 2022. Cela rajoute à la pression sur les parties courtes. À l’opposé, la demande aux adjudications de Treasuries à 10 et 30 ans s’est révélée solide la semaine passée. Parallèlement, les intervenants privilégient les stratégies convexes (aplatissement) ou débouclent leurs positions à la pentification de la courbe. Les MBS subissent la hausse des taux hypothécaires, d’autant que la demande de refinancement se tasse. Le risque inflationniste contribue au renchérissement des points morts. Le swap d’inflation à 10 ans ressort à 277 pb.

En zone euro, le Bund s’est approché des plus hauts de l’année (-0,085% en séance) avant de revenir sous -0,15%. À l’instar des Treasuries, les débouclements de positions ont inversé la dynamique de pentification récente. Le spread 2-10 ans s’est resserré de 3 pb. Les spreads souverains ont peu évolué, le primaire restant limité à 16 milliards d’euros (Allemagne, Irlande). Les titres irlandais se sont bien placés, malgré les tensions récurrentes autour des conséquences du Brexit. Le spread du BTP italien s’écarte néanmoins en fin de semaine à 104 pb. L’UE aura attiré une demande considérable de 140 milliards d’euros pour les 12 milliards d’euros de son premier emprunt vert (15 ans à mid-swap – 8 pb). Les gestions, les banques (LCR) et les assureurs ont souscrit l’essentiel de l’emprunt.

Sur les marches du crédit, le sentiment des investisseurs s’est détérioré. L’ombre d’Evergrande plane, même si la PBoC s’est montrée rassurante quant à la gestion de crise. Les spreads affichent un léger écartement, notamment les dettes financières subordonnées (+5 pb). Le primaire ralentit avec seulement 8 milliards d’euros émis cette semaine, dont 6 milliards d’euros de non-financières. Le secteur des foncières reste sous pression. Les valorisations restent tendues (0,38% ou 88 pb contre Bund), les achats de la BCE (5,6 milliards d’euros en septembre) maintenant une pression constante sur le marché. L’amélioration des rendements suscite de nouveau l’intérêt des institutionnels. En revanche, après un mois d’élargissement (+38 pb), les spreads se détendent sur le high yield (323 pb). L’amélioration des valorisations nous incite à être plus constructifs sur la classe d’actifs. Les titres notés BB présentent le meilleur rapport risque-rendement, dans le contexte de rehaussement des notations. L’immobilier allemand reste un sujet de tensions.

L’un des marqueurs du rebond du marché des actifs risqués est le repli du dollar parallèlement à l’aplatissement. Sur le marché des changes, la faiblesse du yen s’accentue. La devise nippone semble avoir retrouvé son rôle de monnaie de financement et les stratégies de portage sur le dollar australien ont repris. Le taux de change dollar-yen s’affiche au-delà de 114. Les devises (CAD, AUD) liées aux matières premières s’apprécient.

Les indices actions ont réagi favorablement au retournement du marché de taux. Le Nasdaq reprend 2%. Le risque de stagflation n’est pas défavorable à la thématique de croissance séculaire. L’énergie profite des tensions sur les prix de l’or noir. En Europe, les cycliques (automobile, distribution) surperforment, alors que les bancaires subissent des prises de profits. Les publications du troisième trimestre clarifieront la situation sur les marges dans le contexte d’inflation élevée.

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