Le tournant monétaire restrictif se précise

Axel Botte, Ostrum AM

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La Fed et la BoE vont réduire leur soutien. Les actions, chahutées par Evergrande, résistent à la forte remontée des taux.

© Keystone

Les réunions de la Fed et la BoE ont donné le ton sur les marchés financiers même si le début de semaine a surtout été marqué par les déboires du promoteur immobilier chinois Evergrande. La baisse initiale des marchés d’actions, amplifiée par la fermeture des marchés asiatiques et l’incertitude entourant le traitement de la crise par les autorités chinoises, s’est estompée en milieu de semaine. Les marchés de taux ont réagi au tournant restrictif de la politique monétaire britannique. Le T-note pointe à 1,44% entrainant le Bund vers -0,22%. La pentification de la courbe européenne fait tache d’huile sur les spreads souverains, sans stress excessif cela dit. Le crédit résiste à la hausse des taux comme les actions qui s’affichent finalement en hausse sur la semaine malgré un surcroit de volatilité.

Les politiques de soutien monétaire d’urgence semblent toucher à leur fin

Le communiqué de la Fed laisse entrevoir une diminution prochaine des achats d’actifs mensuels. L’annonce formelle interviendra probablement dès le prochain FOMC prévu le 2 novembre. L’hypothèse d’un tapering s’étalant sur douze mois semble moins probable compte tenu du nombre croissant de membres de la Fed envisageant une hausse des Fed Funds dès 2022. La réduction des achats d’actifs pourrait s’accélérer. Neuf des dix-huit participants prévoient une à deux hausses, même si le Board reste largement favorable au statu quo. La BoE prend également acte de la hausse forte de l‘inflation de sorte que la fin de l’assouplissement quantitatif et une première hausse des taux sont envisagées en novembre. La Banque de Norvège a relevé le repo à 0,25% et un mouvement similaire est annoncé pour décembre. L’inflation est une préoccupation dans la plupart des pays, y compris en Turquie (20%) où l’interférence du gouvernement a pourtant abouti à une baisse des taux de 100pb, affaiblissant sans surprise la Livre turque. Dans ce contexte, la posture résolument accommodante de la BCE semble isoler l’institution de Francfort. Des voix s’élèvent déjà parmi les membres du Conseil pour remettre en cause les projections intégrant une décélération future des prix (1,5% en 2023). Il fut un temps où Philip Lane aurait été autorisé à intervenir verbalement afin de contrer la hausse des rendements obligataires. Ce n’est plus le cas et cela préfigure immanquablement un recalibrage plus profond des achats d’actifs l’an prochain. La fin du PEPP ne sera que partiellement compensée par une augmentation de l’APP à 40 ou 50 milliards d’euros.

L’essentiel de la dette est porté par les investisseurs locaux, notamment des petites banques.
Le T-note a corrigé de quelque 12pb sur la semaine

L’aplatissement du 5-30 ans après la décision de la Fed a laissé place à un revirement favorisant une pentification de la courbe. Les intérêts des comptes finaux continuent de se manifester principalement sur les maturités alors que les hedge funds ont appuyé la baisse du marché sur le 5 ans notamment. Le tapering et le cycle de hausses annoncés par la Fed se traduisent par une hausse des rendements réels (+10pb) laissant les points morts d’inflation globalement inchangés sur la semaine. L’adjudication de TIPS s’est toutefois bien déroulée. L’accélération baissière provient de la réunion de la BoE, qui s’est certes soldée par un statu quo malgré deux votes sur neuf en faveur d’un arrêt immédiat du QE. Une fois n’est pas coutume, c’est le Gilt qui aura dicté la tendance sur les taux mondiaux… après aussi le lancement d’un premier Gilt vert (12 ans). Le Bund ainsi que les emprunts australiens et canadiens ont fortement corrigé. Le niveau courant de -0,23% sur le 10 allemand s’approche de notre cible de -0,20% en fin d’année. Les taux longs se sont le plus dégradés de sorte que le 30 ans allemand s’échange autour de 0,25%, au plus haut depuis le début de juillet. Le rendement de l’OAT française à 30 ans (0,90%) se situe à quelque 20pb des sommets de l’année. La demande institutionnelle s’accélérera autour des niveaux de 1%. Les spreads sur les dettes souveraines périphériques ont oscillé faiblement sans tendance. Le BTP italien à 10 ans se traite à 100pb du Bund. Par ailleurs, les marchés du crédit semblent avoir bien absorbé les tensions sur les taux. Les spreads sont stables sur l’IG autour de 83pb après une journée difficile lundi (hybrides). Le primaire s’est ralenti quelque peu, malgré la croissance toujours forte des émissions vertes et soutenables. Le high yield se resserre en revanche de 3pb.

Le marché des actions s’inquiète d’éventuels effets de contagion des difficultés d’Evergrande, qui n'a pas payé le coupon sur un emprunt obligataire dû jeudi. L’exposition des banques européennes est marginale, mais la faillite du premier promoteur chinois ne serait pas sans conséquence sur l’économie chinoise. La construction pèse 29% du PIB, une proportion très supérieure à la norme des pays développés. L’essentiel de la dette est porté par les investisseurs locaux, notamment des petites banques. Il reste à évaluer l’impact sur les matières premières et le consommateur en cas de chute des prix de l’immobilier. Il est à noter que la liquidité et la demande pour les nouvelles émissions émergentes se sont détériorées alors même que les spreads de l’EMBI restaient globalement stables.

Dans ce contexte, les bourses européennes ont plongé de 2% lundi alors que les places chinoises étaient fermées avant de rebondir et terminer la semaine en hausse. Les banques se sont bien comportées, ce qui reflète la hausse des rendements obligataires. La hausse des prix du brut et du gaz bénéfice au secteur de l’énergie alors que certaines cycliques tirent leur épingle du jeu (automobile, loisirs).

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