Pas d’impôt sans substance!

Jan Langlo, Association de Banques Privées Suisses 

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Avant de générer de nouvelles recettes fiscales, il faut se demander si ce que l’on veut imposer existe(ra).

La Confédération a un problème: depuis 2020, ses dépenses croissent plus vite que ses recettes. Cela concerne notamment les assurances sociales, la défense nationale, la transition énergétique et l’aide à l’Ukraine. Pour respecter le frein à l’endettement, certaines dépenses sont repoussées ou comptabilisées hors du budget ordinaire. Comme tout ménage, le Conseil fédéral cherche, avec l’aide d’un groupe d’experts, des moyens de réaliser des économies. Mais certains partis cherchent plutôt à augmenter les recettes et ne manquent pas de créativité, à défaut de réalisme. Petite analyse de trois idées récentes.

Un impôt fédéral sur les donations et successions

L’initiative «pour l’avenir» de la Jeunesse Socialiste a déjà fait couler beaucoup d’encre. Notamment celle des entrepreneurs suisses concernés, qui ne sont pas prêts à voir tout ou partie de leur entreprise vendue pour payer un impôt gargantuesque et ont manifesté leur intention de quitter le pays si l’initiative est acceptée, voire avant si nécessaire. Heureusement, le Conseil fédéral a précisé en réponse à une interpellation qu’il s’oppose à un impôt de départ et que le déménagement d’une personne à l’étranger «ne doit pas systématiquement être qualifié d’évasion fiscale et sanctionné par des conséquences fiscales».

Même si les personnes concernées ne sont plus obligées de partir avant la votation sur cette initiative, que l’on espère proche, il est clair qu’elles ne resteront pas en Suisse en cas d’acceptation, pour ne pas subir un impôt démesuré. Les six milliards de recettes annuelles qu’envisage la Jeunesse Socialiste n’existent ainsi que dans leur imagination. Au contraire, le départ de personnes (très) fortunées fera perdre des milliards d’impôts sur la fortune et sur le revenu aux collectivités publiques, y compris communales!

Une taxe sur les transactions financières

Cela fait plusieurs années que le Centre, ainsi que les Verts, essaient de pousser l’idée d’une taxe sur les transactions financières. Le Conseil fédéral devrait bientôt répondre au postulat du Conseiller aux Etats Rieder à ce sujet. A noter que ce dernier est conscient de la volatilité du capital et qu’il faut «toujours garder à l’esprit que la place financière et boursière suisse doit rester compétitive».

La notion de transactions financières peut être comprise de deux façons. Si l’on pense aux transactions boursières, une taxe existe déjà sous la forme du droit de timbre de négociation, qui rapporte entre 1,2 et 1,5 milliard de francs par an à la Confédération. Le remplacer par une taxe sur l’achat de titres cotés en Suisse nécessiterait un taux élevé qui rendrait une cotation dans notre pays moins attractive. Si l’on pense à une taxe sur les virements électroniques, nombre d’entre eux sont déjà soumis à la TVA. Et 95% de ces virements portent sur des montants de plus d’un million de francs (dans le négoce de matières premières notamment), qui n’auraient simplement plus lieu en Suisse.

Là aussi, obtenir des milliards d’impôts supplémentaires ne sera pas si simple. Le capital est très mobile à l’échelle mondiale et se montre très sensible aux frictions fiscales. Une taxe sur les transactions financières entraînerait des transferts rapides et massifs vers des places concurrentes et ne rapporterait de loin pas autant que prévu.

La fin du secret bancaire vis-à-vis du fisc suisse

La dernière idée vient du parti socialiste, notamment d’une nouvelle élue qui a déposé une initiative parlementaire où elle indique que «l’abolition du secret bancaire - vis-à-vis du fisc suisse - générerait des recettes d’environ cinq à dix milliards de francs par an». L’ennui est que personne ne sait quelle fortune ne serait pas imposée en Suisse! Selon le professeur Brülhart, qui extrapole sur la base d’une étude dans le canton de Lucerne il y a quinze ans, au moins 425 milliards de francs ne seraient pas déclarés; l’Etat perdrait ainsi au moins 2,5 milliards de francs d’impôts par an.

Certains chiffres cependant sont connus: selon les statistiques du fisc fédéral, la fortune imposable de tous les résidents suisses dépassait 2’264 milliards de francs en 2020 (et sans doute encore plus maintenant). Les dénonciations spontanées depuis la mise en place de l’échange automatique international en 2017 ont révélé quelque septante milliards de francs d’avoirs non déclarés (dont nombre d’immeubles à l’étranger); ces dénonciations devaient être complètes et porter aussi sur les comptes bancaires en Suisse pour être valables. En outre, depuis 2010, les héritiers peuvent régulariser la situation des défunts en ne payant que trois ans d’arriérés d’impôts au lieu de dix. Ces éléments font douter l’auteur de cette chronique que les avoirs non déclarés en Suisse se comptent encore en centaines de milliards. Et leur imposition reviendrait essentiellement aux cantons, où ils pourraient éventuellement être couverts par des déductions sociales.

Dans tous les cas, si les défenseurs de ces trois idées comptent faire payer les banques ou la place financière, ils ratent leur cible. Chacune affecterait au contraire les clients des banques, en tant qu’entrepreneurs, investisseurs ou contribuables. Et si ceux-ci se détournent de la Suisse, il n’y a de loin pas que les banques qui en souffriront!
 

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