Pétrole: les pays exportateurs broient du noir

Yves Hulmann

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Jusqu’en juin, les prix du brut avaient toujours évolué à la hausse. La faiblesse de la demande en Chine et le risque de récession aux Etats-Unis changent la donne.

Vue d’Europe, la situation peut paraître paradoxale. Alors que le Vieux Continent regarde avec angoisse les prix du gaz continuer monter et s’inquiète des risques de d’approvisionnement en énergie pour l’hiver à venir, dans d’autres régions de la planète, c’est au contraire… le recul des cours du pétrole qui commence à faire souci aux pays exportateurs de brut qui dépendent beaucoup du secteur de l’énergie.

En dépit d’un net rebond en fin de semaine, le baril de Brent de la mer du Nord (pour livraison en novembre), qui s’échangeait à un peu plus de 92,5 dollars vendredi soir, a perdu un cinquième de sa valeur par rapport aux plus hauts niveaux atteints ce printemps. Les cours du Brent n’affichent désormais plus qu’un gain de 12% depuis le début de cette année. Le WTI, qui s’échangeait à près de 87 dollars vendredi, évolue aussi désormais bien en-deçà de ses niveaux de mars dernier.

OPEP+: une réunion d’urgence avant octobre?

Les récents accès de faiblesse des cours du pétrole en milieu de semaine dernière n’ont pas laissé indifférents les pays exportateurs de pétrole réunis au sein de l’OPEP+. Signe de nervosité de l’organisation: il était même question jeudi qu’une réunion d’urgence soit organisée avant celle déjà prévue pour octobre prochain.

Longtemps centré sur les aspects liés à l’offre et aux risques d’insuffisance d’approvisionnement en raison de la guerre en Ukraine, le marché semble désormais se concentrer toujours plus sur les risques liés à un affaiblissement de la demande. «Il semble que le risque de perdre des approvisionnements en énergie russe ne suffise plus à soutenir les cours, car les traders sont focalisés sur la demande», relevait par exemple jeudi Edward Moya d'Oanda, dans une note. Alors que les décideurs politiques du monde entier restent pessimistes au sujet des conséquences de l’inflation et que les banques centrales relèvent l’une après l’autre leurs taux directeurs, la Chine continue, elle, de verrouiller plusieurs grandes villes dans sa lutte de tolérance zéro contre le Covid.

Hors d’Europe, personne ne se soucie des cours du gaz.
Bond des ventes de véhicules électriques en Chine

Outre les inquiétudes liées au ralentissement attendu de la conjoncture, certains changements structurels des habitudes des consommateurs, notamment en Chine, vont aussi dans le sens d’un affaiblissement de la demande de pétrole. En août, les ventes de voitures particulières en Chine ont bondi de 28,9% sur un an, la plus forte hausse depuis une décennie. Un bond qui a été galvanisé par l'électrique, a précisé jeudi la Fédération chinoise des constructeurs de voitures individuelles (CPCA). Les ventes de véhicules hybrides et électriques ont doublé sur un an en Chine, portées aussi par le gouvernement chinois qui avait annoncé en juillet une série de mesures destinées à stimuler les ventes.

Pour couronner le tout, quelques facteurs plus techniques, comme une hausse inattendue des stocks de pétrole annoncée jeudi aux Etats-Unis, ont aussi pesé sur les cours du brut en milieu de semaine.

Un cours du pétrole à 60 dollars?

L’évolution récente des cours du pétrole interroge dans tous les cas spécialistes du marché des matières premières. Sur le site Seeking Alpha, Chris Vermeulen, spécialiste de l’analyse technique, avertissait que si le seuil de 87 dollars était franchi, cela ouvrirait alors la voie à une correction supplémentaire pouvant faire chuter les cours du brut à 60 dollars le baril. Mercredi soir, le baril de Brent s’échangeait à moins de 88 dollars – juste avant qu’un mouvement de rebond n’intervienne.

Les prix du charbon aussi en repli

Hors d’Europe, personne ne se soucie des cours du gaz, faisait remarquer la semaine dernière un commentateur basé en Asie qui s’exprimait sur une chaîne spécialisée dans l’actualité boursière. En Australie, au Brésil, en Indonésie ou au Nigeria, le repli récent des cours du pétrole et du charbon préoccupe davantage, relevait-il. Le prix de la tonne de charbon, qui avait atteint un sommet à 439 dollars début mars évoluaient aussi en net repli début septembre, se situant à un peu plus de 330 dollars vendredi. En juillet dernier, Bank of America avait d’abord revu à la hausse ses prévisions de prix du charbon pour le quatrième trimestre de cette année, à 375 dollars la tonne, anticipant toutefois que les prix de ce combustible redescende à 175 dollars en 2023.

Pour l’Europe, qui était très dépendante au gaz russe, une baisse des cours du pétrole ne sera certes d’aucun secours pour la saison d’hiver qui s’approche. Mais si l’hiver énergétique risque d’être rude en Europe, le printemps pétrolier pourrait l’être tout autant pour la Russie et les différents pays exportateurs de brut.

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