Retraites: les gens évaluent leur situation de façon plus réaliste

Yves Hulmann

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Les Suisses anticipent que la rente de l’AVS et de leur caisse de pension atteigne 53,1% de leur dernier salaire. Une estimation raisonnable, juge Werner E. Rutsch d’AXA IM.

Quelles sont les attentes des Suissesses et des Suisses en matière de prévoyance? Et quelles sont les relations que les assurés entretiennent avec leur caisse de pension? Le point avec Werner E. Rutsch, membre de la direction chez AXA Investment Managers (Suisse). Il commente les résultats du «Moniteur de retraite» publié fin août par AXA et il donne son point de vue sur les enjeux actuels en matière de prévoyance.

L’enquête publiée par AXA concernant l’opinion de la population suisse sur le 2e pilier et le départ à la retraite a été conduite durant la seconde partie du mois de mai, alors que les marchés boursiers étaient en pleine dégringolade. Est-ce que la performance négative des bourses durant le premier semestre a été un facteur d’inquiétude pour les personnes qui ont participé à ce sondage?

Les mois de mai et juin ont bien sûr été une période critique pour les marchés boursiers cette année. Pour autant, lorsqu’il s’agit de prévoyance, je ne crois pas que l’évolution des marchés ait directement eu une influence sur les réponses des personnes qui ont participé à cette enquête. La performance des marchés est toujours perçue avec un certain décalage. En revanche, d’autres aspects comme la guerre en Ukraine, la diminution des taux de conversion ou le faible niveau des taux d’intérêt sont effectivement des enjeux qui créent un arrière-plan quelque peu inquiétant pour les assurés. Ce n’est à mon avis pas le cas de l’évolution à court terme des marchés.

«A plus long terme, des taux d’intérêt plus élevés auront un impact positif dans la perspective d’ensemble des bilans des institutions de prévoyance.»
Lorsqu’on demande aux sondés quelle est leur estimation de la rente AVS plus celle de leur caisse de pension qu’ils percevront en pourcentage de leur dernier salaire, les personnes interrogées ne s’attendre plus à recevoir qu’une part de 53,1% selon l’enquête de 2022, comparé à une proportion de 56,5% en 2020 et 64,8% en 2014. S’agit-il d’une estimation réaliste ou plutôt le reflet du climat d’incertitude actuel?

Je crois que les gens évaluent la situation de manière plus réaliste en ce qui concerne les prestations qu’ils percevront au moment de la retraite. Cette tendance à la diminution, que l’on aperçoit au fil des années sur les graphiques, correspond à une réalité.

53,1%, c’est le niveau le plus bas observé en dix ans. Y a-t-il encore des chances que la tendance s’inverse?

Un environnement de taux d’intérêt un peu plus élevés devrait, dans une perspective de long terme, contribuer à améliorer au moins en partie les choses. A court terme, la hausse des taux d’intérêt a certes un impact négatif sur les portefeuilles obligataires car les anciennes obligations tendent à perdre de leur valeur et cela exerce aussi une pression sur les cours de certaines actions. A plus long terme, des taux d’intérêt plus élevés auront néanmoins un impact positif dans la perspective d’ensemble des bilans des institutions de prévoyance.

Les assurés se soucient-ils vraiment de leur prévoyance - regardent-ils au moins de temps à autre les relevés qu’ils reçoivent chaque année de leur caisse de pension?

Oui, c’est du moins davantage le cas que par le passé. Et c’est aussi un des aspects très positif qui ressort de notre dernière enquête. Par exemple, 59% des sondés indiquaient en 2022 vouloir contacter leur caisse de pension lorsqu’ils ont des questions en rapport avec leur situation de prévoyance, comparé à une part de 25% en 2011. De manière générale, les gens ont davantage conscience des enjeux en lien avec la prévoyance et ils savent mieux comment trouver les informations nécessaires à ce sujet.

«Les plus jeunes supposent que l’on est déjà âgé lorsque l’on a plus de 60 ans, tandis que les personnes de 65 ans se sentent encore fit et disposées à travailler plus longtemps.»
Plus des trois quarts (76%) des sondés mentionnent le troisième pilier en tant que façon d’avoir des économies supplémentaires en vue de leur retraite, devançant le compte d’épargne cité par près de la moitié des répondants. Est-ce que cela se traduit dans les faits aussi par des versements réguliers dans le pilier 3a?

Il est difficile d’en juger. Selon des estimations, seules entre 10 et 20% des personnes affiliées à une caisse de pension versent chaque année le montant maximal auquel elles auraient droit et qu’elles pourraient déduire de leurs impôts. Néanmoins, on constate que les gens sont devenus plus attentifs aux possibilités offertes par le troisième pilier que par le passé.

Une autre question du sondage porte sur l’âge souhaité de départ à la retraite chez les personnes encore actives. Selon l’enquête, les plus jeunes (18 à 39 ans) aimeraient prendre leur retraite à 61 ans, alors que les personnes âgées de 65 ans situent cet âge à 68 ans. Comment interpréter ces résultats?

Dans les deux cas, ces réponses s’écartent significativement de l’âge moyen effectif de départ à la retraite qui était de 65,1 ans en 2021. Une piste d’explication est peut-être que les plus jeunes supposent que l’on est déjà âgé lorsque l’on a plus de 60 ans, tandis que les personnes de 65 ans se sentent au contraire encore fit et disposées à travailler plus longtemps. Le sondage n’apporte toutefois pas directement de réponse à cette question.