On ne vit que deux fois

Anne Barrat

2 minutes de lecture

Aux Faangs (Facecook, Amazon,…) succèdent les Faangs (Fuel, Agriculture, Nuclear, ...). Une alternance propice à l’alternatif au second semestre selon les experts de Syz.

De gauche à droite: Adrien Pichou, Luc Filip, Antoine Denis, Véronique Riondel, Charles Henry Monchau et Marc Syz.

Comment créer de la valeur dans un monde VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity), une expression empreinte à l’armée américaine pour décrire l’environnement de la guerre froide? Précisément en faisant preuve d’une discipline toute martiale répondent à l’unisson les experts de la banque Syz réunis cette semaine à Genève pour présenter leurs convictions pour le second semestre de l’année.

«La guerre froide est une guerre limitée, limitation qui porte non sur les enjeux, mais sur les moyens employés par les belligérants» écrivait Raymond Aron (Guerres en chaîne, 1951). Autrement dit, qui dit VUCA, environnement volatil, incertain, complexe et ambigu, dit univers d’investissement limité par un nombre de variables elles non limitées. Au premier titre desquelles figurent des tensions géopolitiques aux relents d’ambitions impérialistes anciennes, sources d’inflation et d’incertitudes. Ce qu’Adrien Pichou, chef économiste de la banque Syz, résume ainsi: l’accélération de l’inflation ne s’explique pas seulement par l’augmentation du prix des matières premières mais par celle de l’ensemble des biens et services. Autrement dit, la nature de l’inflation a changé: elle n’est plus seulement portée par des variables externes mais obéit à des facteurs endogènes, liés à des chocs d’offre. Sa dynamique est par conséquent différente: rien ne dit qu’une baisse des prix des énergies ne suffise à juguler l’inflation. La hausse de 75bp décidée par la Fed, pas important sur un chemin qui devrait mener le banquier central américain sur un redressement de ses taux directeurs à 3,5% d’ici la fin de l’année, est révélatrice du climat d’incertitude dans lequel nous vivons. Le Fed frappe fort, la BCE est attendue au tournant, la BNS n’attend que la BCE pour dégainer.  Avec un objectif: sortir du territoire des taux d’intérêt négatifs – tout en évitant de ralentir les économies, voire la récession. Une seule chose est certaine: une hausse des taux met en moyenne neuf mois pour avoir un impact dans l’économie réelle. Donc, si récession il devait y avoir, compte tenu de l’élan avec lequel les économies et les marchés sont entrés en 2022, elle ne devrait pas être effective avant 2023.

«La page où les banques centrales intervenaient comme messies pour sauver les marchés est derrière nous.»
Une nouvelle génération de GAFA, une apocalypse?

«Il n'est pas certain que tout soit incertain» (Blaise Pascal, Pensées, 1670): dans ce climat d’incertitudes que détestent les marchés et dont découle une volatilité qui rend complexes les décisions d’investissement, il semble irréversible que l’ère de l’argent facile, sinon gratuite, soit révolue. Le second semestre de l’année verra les promesses de resserrement monétaire devenir réalité, et l’afflux de liquidité sacrifié sur l’autel d’une inflation annoncée comme temporaire mais bel et bien installée. Pour Charles Henry Monchau, CIO de la banque SYZ, la page où les banques centrales intervenaient comme messies pour sauver les marchés est derrière nous, elles taperont d’autant plus fort qu’elles sont grosses, et en retard, pour lutter contre l’inflation. Quoi qu’il en coûte. Notamment, le grand écart entre les actifs risqués, actions en premier lieu, et les matières premières. L’évolution du cours de l’ETF Ark Innovation, qui représente les actions emblématiques de la Tech, est à cet égard symbolique: il a perdu 71,6% ces derniers 16 mois alors que, sur la même période, l’ETF Invesco DB matières premières a augmenté de plus de 89%. Traduction concrète: les GAFA d’hier, quatre géants de la Tech (Facebook, devenue Meta, Amazon, Apple et Google, devenue Alphabet, puis cinq avec Microsoft) par référence aux quatre cavaliers de l’Apocalypse, cèdent le pas à quatre secteurs qui président sans aucun doute au destin de l’environnement incertain actuel: Fuel, Agriculture, Aérospatial, Nucléaire. La fin d’un monde, certainement, mais aussi le retour des actifs alternatifs. Tout plutôt que de ne pas être investi, explique Luc Filip, Head of Discretionary Portfolio Management, pour qui les mouvements de portefeuille à court et moyen terme devront se concentrer sur des noms de qualité au bilan solide et capables de produire des dividendes, les arbitrages entre actions value et growth étant déjà dépassés, ainsi que sur des actifs aussi décorrélés que possible.

Cap sur les matières premières, hedge funds et autres actifs alternatifs

Parmi ces actifs, les hedge funds sont en tête de proue, explique Marc Syz, en particulier les stratégies CTA long/short sur les matières premières. De manière générale, le gérant associé de Syz Capital considère que les hedge funds, bien utilisés, sont dans l’environnement actuel un outil de diversification de portefeuille tout aussi intéressant que les marchés privés ou les cryptos. Les cryptos, une classe d’actifs à part entière ont souligné les experts de la banque Syz, qu’ils travaillent à proposer à leurs clients.

A lire aussi...