Mieux vaut composer avec la volatilité le temps d’y voir plus clair

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Le S&P 500 a continué de souffrir des craintes de récession. L’indice a même flirté avec le seuil des -20% par rapport à son précédent sommet.

© Keystone

Les pans les plus risqués du marché sont encore plus malmenés. L’indice ARK ETF, qui suit la performance des entreprises technologiques non rentables, a accusé un repli de presque 30% par rapport à son niveau d’avant pandémie et de plus de 72% par rapport à son sommet.

Même certains indices phares se situent désormais à leur niveau antérieur à la pandémie, voire en deçà. Cela vaut pour les marchés émergents dans leur ensemble, pour les marchés développés hors Etats-Unis ainsi que pour les petites et moyennes capitalisations américaines. Toutefois, même si des points encourageants apparaissent toujours, la confiance ne devrait pas revenir dans le rang des investisseurs tant que ces derniers n’auront pas davantage de visibilité sur trois fronts: les taux, la récession et le risque.

Les banques centrales toujours sous pression

Les investisseurs guetteront les signes d’atténuation du risque de resserrement monétaire encore plus marqué par des banques centrales sous pression. Le regain d’orthodoxie de la Réserve fédérale américaine (Fed) a pesé sur les marchés d’actions. Cela a contribué à la hausse des rendements obligataires cette année et dissuadé les investisseurs de détenir les titres plus risqués.

La modération de la demande pour les biens qui ont vu leurs prix flamber pendant la pandémie et les effets de base devraient aboutir à une décrue de l’inflation jusqu’en fin d’année.

Pour que la hausse prévue des taux directeurs se modère, il faudrait que l’inflation enregistre une décrue régulière. Le chiffre de l’inflation des prix à la consommation aux Etats-Unis en avril, même s’il s’est avéré plus élevé que prévu, laisse justement entrevoir une décrue. En effet, l’inflation a ralenti à +8,3% en glissement annuel, contre +8,5% en mars.

La modération de la demande pour les biens qui ont vu leurs prix flamber pendant la pandémie et les effets de base devraient aboutir à une décrue de l’inflation jusqu’en fin d’année. Néanmoins, pour y croire, les participants au marché auront besoin de davantage de chiffres allant dans ce sens. Tour d’horizon des questions d’actualité.

Que va faire la Fed?

L’un des points d’interrogation est de savoir comment les responsables de la Fed réagiront aux derniers chiffres de l’inflation dans l’optique de l’atterrissage en douceur de l’économie. Dernièrement, le gouverneur Christopher Waller avait souligné les «dommages collatéraux» économiques de la hausse des taux directeurs, un outil qualifié de «massue». Les principaux responsables de la Fed insistent désormais sur la possibilité d’orchestrer un «atterrissage en douceur», pour reprendre les termes du président de la Fed Jerome Powell.

La banque centrale américaine semble désormais souligner qu’il y a peut-être un scénario à mi-chemin entre une véritable récession et une longue période de croissance conforme ou supérieure à la tendance. Il faudra guetter les signes de concrétisation d’un tel scénario.

Si l’espoir renait que la récession puisse être évitée, la propension à prendre des risques croîtra aussi.

Des statistiques plutôt mitigées

Les statistiques économiques publiées récemment sont, au mieux, mitigées: l’économie américaine s’est contractée au premier trimestre et il en est allé de même pour l’économie britannique en mars. Les actions représentent une créance sur les flux de trésorerie. Par conséquent, si les investisseurs commencent à redouter un ralentissement économique et une diminution de ces flux de trésorerie, les marchés d’actions auront tendance à baisser.

L’annonce récente de la candidature de la Finlande de la Suède à une adhésion à l’Otan risque fort d’entretenir les tensions à court terme.

Le niveau actuel de l’inflation est effectivement préoccupant pour les marges des entreprises et la consommation des ménages car ces derniers doivent se serrer la ceinture face à la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation.

Récession aux Etats-Unis?

Le scénario central de la Recherche d’UBS n’envisage pas de récession aux Etats- Unis dans les douze prochains mois. Mieux:  les bénéfices des entreprises devraient continuer d’augmenter en 2022 et en 2023.

Toutefois, les investisseurs devront surveiller de près le moral des ménages, les ventes au détail ainsi que les enquêtes de conjoncture dans le secteur manufacturier et celui des services pour se laisser convaincre par ce scénario plus optimiste.

Quid de la guerre en Ukraine et des confinements chinois?

Une atténuation des risques, notamment ceux associés à la guerre Ukraine et au confinement de certaines villes chinoises, contribuerait également à calmer l’anxiété. On  dénote une réelle inquiétude dans les rangs des investisseurs. Pour calmer cette anxiété, Il faudra plusieurs choses. Outre une meilleure visibilité sur les taux et le risque de récession, il faudra également certaines évolutions politiques et géopolitiques.

Il importe en particulier que des signes d’efficacité de la politique «zéro Covid» en Chine ou qu’un changement de cap dans la gestion de l’épidémie par Pékin se fassent jour. Cela pourrait soulager l’inquiétude quant à la croissance mondiale et aux chaînes d’approvisionnement.

De même, la perspective d’un cessez-le-feu en Ukraine et d’une atténuation des tensions entre l’Otan et la Russie pourrait également faire retomber la volatilité. Evidemment, l’annonce récente de la candidature de la Finlande de la Suède à une adhésion à l’Otan risque fort d’entretenir les tensions à court terme.

Il conviendrait de privilégier les valeurs décotées, qui ont tendance à surperformer lorsque l’inflation est forte et que les taux directeurs augmentent.
Trois pistes à explorer

Par conséquent, même si le moral des investisseurs devrait remonter, notre positionnement tient compte de l’incertitude actuelle. Premièrement, il conviendrait de privilégier les valeurs décotées, qui ont tendance à surperformer lorsque l’inflation est forte et que les taux directeurs augmentent.

Deuxièmement, en se positionnant sur les valeurs de la santé, les investisseurs peuvent atténuer le risque de récession car ces titres sont généralement moins sensibles aux fluctuations économiques. Enfin, en ciblant les matières premières, les investisseurs peuvent parer aux risques géopolitiques. Une nouvelle escalade de la guerre en Ukraine s’accompagnerait probablement d’une flambée des prix des matières.

Quelles réglementations pour les cryptomonnaies?

Dernièrement, la secrétaire d’État au Trésor américain Janet Yellen a appelé de ses vœux, d’ici la fin de l’année, une réglementation des «stablecoins», des cryptomonnaies arrimées à des devises fortes comme le dollar américain.

Ses déclarations interviennent alors que le Bitcoin a connu une forte baisse et que le TerraUSD, qui était à un moment donné la quatrième principale stablecoin, peine à maintenir son arrimage au dollar américain. La principale stablecoin, le Tether, n’a pas réussi à conserver sa parité avec le dollar américain. Il faudra donc être attentif aux propos des responsables politiques aux Etats-Unis et dans le reste du monde pour connaître les contours de cette réglementation.

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