Mettre l'économie en vacances

Marie Owens Thomsen, Indosuez Wealth Management

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La Suisse et les USA pourraient potentiellement stimuler leur économie en proposant davantage de congés, et ainsi favoriser leur tourisme intérieur.

Parmi les mesures qui séduisent certains gouvernements pour soutenir la reprise économique, en ce moment de crise provoquée par leCOVID-19, figure l’idée qu'il faudrait travailler davantage. L’Institut Montaigne en France, par exemple, a publié une étude en mai 2020 qui conclut à «une nécessaire augmentation de la durée moyenne du travail». D’autres pays, comme le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande, sont, à l'inverse, plutôt attirés par la proposition diamétralement opposée d’instaurer de nouveaux jours de congé pour soutenir l’activité économique. Comment est-ce possible?

De manière générale, travailler moins affecte la production économique, à condition bien sûr de ne pas accepter des conditions de travail abusives. Cependant, il peut être défendable de soutenir un secteur spécifique dans un contexte exceptionnel au détriment d’autres, dans une sorte de partage des peines équitable. On peut ainsi par exemple s’accorder sur le fait, qu’en cette période de pandémie, le secteur du tourisme et des loisirs mérite un soutien particulier.

La Nouvelle-Zélande emploie 14,4% des personnes actives dans le tourisme qui constitue la première source de devises étrangères du pays. Un long week-end peut augmenter le revenu des acteurs économiques concernés de 200% à 300%, par rapport aux week-ends normaux de deux jours. Par contre, les entreprises fermées de ce fait peuvent se trouver en difficulté pour rattraper leur manque à gagner.

Il s’agit d’identifier, parmi les pays qui dépendent grandement
du tourisme, ceux qui ont souffert de congés «manqués».

En Angleterre, l’institut de recherche CEBR propose d’instaurer un jour de congé en octobre pour compenser ceux «manqués» en mai en raison du confinement. L’institut chiffre le gain potentiel d’une telle décision à 500 millions de livres sterling en dépenses supplémentaires par les ménages. En 2012 pourtant, le même institut calculait une perte nette pour l’économie de 2,3 milliards de livres sterling par jour de congé public. Selon l’étude, la demande non satisfaite pendant le confinement serait la raison principale de la révision de cette conclusion. Il s’agit dès lors d’identifier, parmi les pays qui dépendent grandement du tourisme, ceux qui ont souffert de congés «manqués».

Ainsi, selon l’OCDE (2018), la France génère 7,4% de son produit intérieur brut (PIB) grâce au tourisme, soit un taux supérieur à celui de la Grèce par exemple, mais toutefois inférieur à celui de l’Espagne (11,8%) et du Royaume-Uni (11,0%). En Suisse, le tourisme représente près de 3% du PIB, ce qui la place un cran devant les États-Unis (2,8%). Il serait dès lors justifié pour des pays comme l’Espagne et le Royaume-Uni de soutenir le secteur. La France devrait pour sa part plutôt suivre l’exemple des Anglo-Saxons au lieu de prôner une augmentation des heures travaillées. À moins que les Français n’aient déjà trop de vacances?

Cela ne semble pas être le cas. Selon l’OCDE, avec un total de 36 jours de congés dont 25 jours de congés payés et 11 jours de congés publics, la France égale le Royaume-Uni en la matière. La Suisse offre pour sa part 20 jours de congés annuels et 1 jour de congé public pour la fête nationale. Ces 21 jours sont bien en-dessous des 30 à 35 jours de congés dont bénéficient les pays européens en moyenne. Les États-Unis sont l’exception. C’est le seul pays à ne pas proposer de minimum fédéral de congés annuels, tandis qu’il offre 10 jours de congés publics. La Suisse et les États-Unis pourraient dès lors potentiellement stimuler leur économie en proposant davantage de congés, et ainsi favoriser leur tourisme intérieur. Bonnes vacances à tous!

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