L’urbanisme du futur

Marie Owens Thomsen, Indosuez Wealth Management

2 minutes de lecture

La pandémie doit redessiner la politique d’urbanisation sous l’angle d’une densification réduite et du renforcement des micro-agglomérations.

Les grandes villes telles que New York, Londres et Paris, sont des centres de créativité et productivité. Depuis 2016, plus de 20% de l’humanité habitent des villes d’au moins un million de personnes. Les 300 villes les plus importantes génèrent actuellement plus de 50% du PIB mondial et 2/3 de sa croissance. Le PIB de New York s’élève à 1’800 milliards de dollars - aucune autre ville n’en génère autant. Une étude émise par l’Université de Harvard nous enseigne que les habitants des grandes villes sont plus productifs, à hauteur de 50%. Ainsi, en Suisse comme ailleurs, le mot d’ordre des plans d’urbanisme a été la densification. 

Le COVID-19 a souligné les dangers de la politique
de densification pour la santé de la population.

L’arrivée de la pandémie nous force à revoir nos idées reçues et révèle les dangers de cette politique pour la santé de la population. 

Rappelons que l’urbanisation a comme corollaire le déclin des zones moins densifiées. Par exemple, aux Etats-Unis, environ 23 millions de personnes habitent à plus de 16 kilomètres d’un supermarché, un phénomène appelé «désert alimentaire». La Réserve fédéral (la Fed) des Etats-Unis recensait 10’700 banques dans le pays en 1997 dont environ la moitié avait disparu en 2017, le pays ne comptant plus que 5’600 banques. La vaste majorité des banques fermées, 97%, étaient des établissements dits de «communauté» opérant en dehors des villes. Quant il faut se déplacer aussi loin pour accéder à un supermarché et à une banque, d’autres activités économiques ont tendance à se déplacer également, telles que les sorties aux restaurants, ou au cinéma, etc. Les petites agglomérations perdent ainsi ces infrastructures, puis une partie de leur population, entraînant un déclin des impôts reçus, affaiblissant les services publics, et ainsi de suite. La Fed observe que les petites agglomérations ont une population plus âgée, moins diplômée, plus pauvre, et moins connectée à l’internet. En outre, depuis 2008, la majorité des emplois créés se situe dans les villes. Actuellement, le chômage a fortement augmenté dans certains Etats moins peuplés, comme le Nevada par exemple, 48e Etat en termes de densification, qui affichait le taux de chômage le plus élevé du pays en mai, à 25%. 

Le lien entre la présence de grandes villes et la croissance économique
du pays est bien moins évident dans les pays en voie de développement.

Concernant les gains de productivité, ils sont le plus souvent observés en Occident, tandis que le lien entre la présence de grandes villes et la croissance économique du pays est bien moins certain dans les pays en voie de développement. Là, il semble exister des «dis-économies d’échelle» dues au trafic, à la pollution, et à l’émergence de bidonvilles, entre autres. Au-delà de la productivité des grandes villes, il existe également la conviction que les villes réduisent l’impact sur l’environnement. Pourtant, une étude récente révèle que les 27 villes les plus grandes du monde abritent 7% de la population globale qui y utilisent 9% de la production mondiale d’électricité et 10% du pétrole, tout en générant 13% des déchets.

La politique d’urbanisation du futur devrait désormais s’articuler sur deux fronts. D’abord, il s’agit de permettre aux habitants des villes de vivre en sécurité même lors des pandémies. Cela semble nécessiter une densification moindre et le développement des options de mobilité douce. Le second front serait d’investir dans des «micro-agglomérations» en dehors des grandes métropoles pour contrer la «désertification économique». Si cela semblait impossible auparavant, l’expérience du confinement nous a démontré l’inverse.

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