Marchés obligataires: perspectives 2023

Sam Vereecke, DPAM

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Le temps de réinvestir est revenu malgré les incertitudes concernant la persistance d’une inflation élevée.

Prédire l'avenir est un exercice périlleux, surtout en période de forte volatilité. Cependant, la majorité des indicateurs clés semblent pointer dans le sens d’une récession. Son ampleur dépendra de la sévérité du durcissement des politiques monétaires. Les banques centrales devraient passer d’une politique agressive de hausse des taux à une politique plus retenue, leur objectif étant d’éviter la formation d’une spirale inflationniste. Dès qu’elles auront atteint leur cible sur le plan des taux terminaux, elles devraient logiquement faire une pause qui leur permettra d’examiner l’impact de leurs politiques sur l’économie réelle. C’est seulement à partir de ce moment qu’elles décideront ou non de continuer à durcir leurs politiques monétaires, ceci dépendant de l’évolution de l’inflation. Trouver l’équilibre est un exercice délicat dont les enjeux sont très élevés.

Perspectives sur le front des taux

Il est probable que l’inflation ait atteint son pic et puisse entamer sa décrue, car ses composants ont touché leur plus haut ou sont sur le point d’y parvenir. Cependant, et c’est un sérieux bémol, il reste à savoir si les effets de «second tour» vont perdurer et ainsi contribuer à maintenir l’inflation à un niveau durablement élevé, supérieur aux objectifs des banques centrales. Aux Etats-Unis, il se pose en outre la question de savoir si le coût du logement va rester haut ou s’il va se normaliser. L’impact des banques centrales sur la dynamique des salaires est plus direct, mais il faut être bien conscient du fait qu’il ne se répercute qu’avec un long retard sur le marché du travail et les salaires.

Durcir la politique monétaire suffisamment pour éviter l’apparition d’une spirale inflationniste, mais pas trop pour ne pas freiner excessivement l’activité économique, c'est le principal défi auquel sont confrontées les banques centrales. Notre scénario central table sur un durcissement similaire à celui qui est actuellement anticipé par le marché. Cependant, il convient de garder à l’esprit le fait que les banques centrales n’ont pas toutes le même mandat et que la composition des indices des prix à la consommation diffère selon les pays. Par conséquent, certaines banques centrales seront donc plus modérées que d'autres.

Du point de vue de l’investissement, cela veut dire qu’il est temps de normaliser les durations et de réinvestir les marchés sur lesquels le cycle de resserrement monétaire paraît suffisamment avancé ou de se positionner sur les marchés qui ont déjà largement intégré le durcissement monétaire dans leurs prix. Le principal risque encouru est celui d’un arrêt prématuré des politiques de resserrement monétaire ou d’une sous-estimation par les marchés de l’ampleur du resserrement qui sera nécessaire. Dans ce cas, on pourrait se trouver confronté à une inflation durablement élevée ainsi qu’à la nécessité pour les banques centrales de procéder à de nouvelles hausses des taux.

Une inflation durablement élevée?

Toute la question est de savoir quel sera le niveau de l’inflation une fois estompé l’effet de ses précédentes phases de hausse.  Il serait erroné de penser que l’inflation pourrait «naturellement» revenir vers une moyenne de 2% grâce à la politique monétaire. Un certain nombre d’éléments amènent à supposer qu’elle pourrait être structurellement plus élevée qu’elle ne l’était juste avant l’épidémie de Covid. La régression continue de la mondialisation, l’aggravation de la pénurie de main-d’œuvre, l’impact du changement climatique sur les modèles d’affaires et les coûts de production ainsi que les conséquences de transition énergétique sur la demande de personnels qualifiés et de matières premières ne sont que quelques-uns des éléments qui incitent à penser que les pressions à la hausse des prix vont se multiplier.

Par ailleurs, le fait que dans l’indice américain des prix à la consommation (IPC) le coût du logement n’évolue que lentement implique qu’il se trouve souvent en retard par rapport à la dynamique effectivement observée sur les marchés de la location et de l’achat/vente de logements. Le recul de nombreux indicateurs incite à penser que le coût du logement va progressivement diminuer, mais cette évolution pourrait être lente. Par conséquent, on pourrait constater des différences significatives entre l’inflation américaine et l’inflation européenne, la première étant un peu moins volatile. De manière générale et comme en 2017 et 2018, l’inflation paraît correctement intégrée dans les prix.  Par conséquent, les obligations indexées sur l'inflation restent un bon outil de protection contre d’éventuelles hausses surprises de l’inflation.

Crédit: opportunités en Europe

Sur le front du crédit, les valorisations sont intéressantes dans tous les segments, du «investment grade» au haut-rendement en passant par les convertibles. En dépit du risque de récession, les différentiels de rendement sont devenus très attractifs. Et si nous faisons preuve d’une certaine prudence vis-à-vis du haut rendement, nous surpondérons les titres d’emprunt de qualité et adoptons une position neutre par rapport aux convertibles. Au vu de ses différentiels de rendement, le crédit européen offre d’excellentes opportunités. En revanche, aux Etats-Unis, nous privilégions une exposition exclusivement centrée sur les bons du Trésor.

Marchés émergents: de nombreux signaux positifs

Les perspectives des marchés émergents semblent particulièrement prometteuses, du fait que ces marchés bénéficient de plusieurs facteurs qui leur sont favorables en ce moment. Le ralentissement de la croissance au plan mondial et le recul de l’inflation seront positifs pour la duration. Le fait que la Fed ait clarifié ses intentions et que le durcissement de la politique monétaire devienne plus modéré devrait se traduire par une diminution de la volatilité sur les marchés. Par ailleurs, les valorisations des obligations émergentes paraissent très attrayantes, du moins en comparaison avec leurs moyennes historiques. Ceci est d’autant plus vrai que le portage, désormais confortable, représente un bon amortisseur pour leur performance totale. Enfin, les marchés des emprunts émergents étant peu fréquentés à l’heure actuelle, leur potentiel est d’autant plus important.

Bien évidemment, tout n’est pas rose et certains facteurs négatifs doivent également être pris en compte. Ainsi, le durcissement des conditions de financement sur les marchés développés pourrait avoir un impact négatif sur les investissements dans les marchés émergents et il serait d’autant plus marqué que les politiques budgétaires restent souples. Cependant, le resserrement des conditions financières approche de son maximum ce qui, historiquement, a toujours été un signal positif pour les emprunts émergents. Dans l’ensemble, les perspectives de la dette émergente en devises locales sont favorables et, en 2023, les marchés émergents sont susceptibles de devenir un pôle d’investissement intéressant.

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