Le marché obligataire navigue à vue

Sam Vereecke, DPAM

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Une grande volatilité et des prix irréguliers rendent les prévisions à court terme très délicates.

Le monde continue d’être impacté par les perturbations liées à la crise COVID: retards dans les chaînes d’approvisionnement, fluctuations de la demande, mesures de relance budgétaire et monétaire, marchés du travail tendus, les pressions inflationnistes, sans oublier la guerre en Ukraine.

L’incertitude pour certitude

L’effondrement économique a d'abord été évité grâce à des excédents budgétaires et un assouplissement monétaire. Désormais, ces mesures font place à un resserrement monétaire. La question reste à savoir quand la prochaine récession aura lieu. Ces évolutions importantes entraînent trois conséquences majeures:

Tout d'abord, en ces temps où les paramètres économiques sortent de leur cadre habituel, il est très difficile de faire des prévisions précises à court terme. La plupart des modèles économiques ne sont pas correctement calibrés pour un tel contexte. Ainsi, par exemple, établir des anticipations sur le PIB ou l’IPC devient un exercice périlleux.

Il n'existe pas de précédent similaire qui pourrait servir de référence afin d’évaluer les futurs taux d'intérêt.

Deuxièmement, l'incertitude s'est considérablement accrue, notamment en rapport à la politique économique et aux activités des entreprises. De sorte que la prise de décision sur le plan économique se complique, mais a également un impact négatif sur les actifs risqués.

Enfin, ces changements ont eu un impact fondamental sur les marchés de taux. Compte tenu de l'inflation exceptionnellement élevée et de la réaction de la banque centrale, les taux d'intérêt ont été réévalués de manière significative. Il n'existe pas de précédent similaire qui pourrait servir de référence afin d’évaluer les futurs taux d'intérêt. Même les années 1980 sont incomparables. Par conséquent, le marché n'a pas de références en matière de fixation des prix et navigue à vue. Cela entraîne une plus grande volatilité et des prix parfois irréguliers, rendant les prévisions à court terme très délicates.

C'est pourquoi, en ce qui concerne les perspectives obligataires, il faut se concentrer plutôt sur une vision à moyen terme. Autrement dit, déterminer les orientations et anticiper les renversements de tendances.

Prudence est mère de sûreté

En ce qui concerne les perspectives du crédit, il faudrait favoriser la prudence et les des obligations investment grade. En d’autres termes, apporter une attention particulière à la rentabilité des entreprises. Le CEO confidence indicator, indicateur américain mesurant la confiance des chefs d'entreprises dans l'économie à un an, a mis au jour une faiblesse qui, historiquement, a auguré de ralentissements économiques et de spreads plus élevés pour les obligations high yield. En revanche, l’investment grade a déjà connu un élargissement significatif de ses spreads qui, d’un point de vue historique, est allé très loin.

Un élargissement significatif est également visible pour les obligations à haut rendement. Toutefois, compte tenu de perspectives économiques prudentes et du fait qu’historiquement, les spreads des obligations high yield ont tendance à s’élargir sur de plus longues périodes, il faut faire preuve de plus de prudence sur cette classe d’actifs. En outre, l’investment grade bénéficieras du soutien potentiel de la BCE, ou du réinvestissement des obligations arrivant à échéance détenues par la BCE.

Hormis des perspectives moins encourageantes concernant les entreprises, il faut regarder du côté consommateur.

Les obligations convertibles sont dans une situation similaire à celle des obligations à haut rendement. Néanmoins, comme elles ont davantage souffert, leur faible coût les rend relativement attrayantes, bien qu'il soit encore trop tôt pour y revenir.

Ces observations sur le crédit peuvent influencer le positionnement par rapport aux taux d'intérêt. Hormis des perspectives moins encourageantes concernant les entreprises, il faut regarder du côté consommateur. Ainsi ce dernier est frappé par une perte de pouvoir d'achat réel due à une inflation supérieure aux augmentations de salaires. En conséquence, il puise dans son épargne COVID restante et commence à emprunter davantage; un comportement typique de fin de cycle.

Les observations concernant les entreprises et les consommateurs amènent à s'interroger sur la force du cycle actuel de resserrement des taux. Les marchés anticipent déjà que les banques centrales commenceront à assouplir leur politique monétaire d'ici deux à trois ans.

Compte tenu de l'incertitude qui demeure sur l'inflation, il est souhaitable de rester exposés aux obligations indexées sur l'inflation et conserver leur surpondération. L'équilibre entre une croissance plus faible et une inflation élevée est complexe. Dans l'ensemble, il faudrait rester légèrement sous-pondérés en duration, car les taux ont récemment baissé et un certain ralentissement est donc déjà anticipé.

Quant aux banques centrales des marchés émergents, elles avaient resserré les conditions financières bien avant les marchés développés, ramenant les écarts de taux réels aux niveaux d'avant crise. Le carry est donc revenu à des niveaux attractifs. Bien qu’une certaine méfiance des crédits de moins bonne qualité devrait être maintenue, car les problèmes de déficit causés par la crise sanitaire risquent de peser sur les bilans.

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