Macroéconomie: horizons contrastés

Bénédicte Kukla, Indosuez Wealth Management

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Alors que la Chine adopte une politique plus favorable, l’Europe se confronte à une réalité différente, l’été olympique vibrant laissant place à un semestre budgétaire automnal plus sobre.

 

Pendant ce temps, aux États-Unis, notre scénario d’atterrissage en douceur se déroule comme prévu, soutenu par une base de consommateurs résiliente et un marché du travail encore robuste. Cependant, avec des conditions météorologiques extrêmes et des élections serrées, quelques turbulences sont à prévoir. 

MARCHÉS ÉMERGENTS: LE VERRE À MOITIÉ PLEIN 

Après avoir introduit sa première série de mesures de politique monétaire fin septembre (y compris des mesures pour stimuler le marché immobilier et boursier en crise, réduire les coûts d’emprunt et augmenter la capacité de prêt des banques), les décideurs chinois ont laissé les économistes «en attente de plus d’action», notamment du côté fiscal. Mais, peut-être que les économistes passent à côté de l’essentiel: l’importance réside dans le changement de posture des décideurs politiques et la confiance qu’ils peuvent inspirer à l’intérieur de la Chine. Même si la confiance extérieure dans la reprise de la Chine reste limitée, les citoyens chinois commencent peut-être à voir la lumière au bout d’un long tunnel économique. Pendant la saison des vacances de la «Golden Week » en Chine, les consommateurs chinois ont augmenté leurs voyages domestiques (de +6% en glissement annuel, GA) et leurs dépenses (+6,3%), même si ces dernières sont restées en dessous des niveaux pré-pandémie selon les données du ministère du Tourisme. Nous attendons l’annonce de mesures de relance supplémentaires avant de réviser à la hausse notre scénario de croissance du PIB pour la Chine en 2025. Pour les autres marchés émergents, le cycle de désinflation est en cours, permettant aux banques centrales de continuer à assouplir, y compris récemment en Corée du Sud. Bien qu’étant toujours le moteur de la croissance mondiale, les enquêtes de production en Asie s’affaiblissent en raison de la baisse de la demande d’exportation. Néanmoins, des pays comme le Vietnam et l’Inde continuent de bénéficier d’un déplacement de la production manufacturière hors de Chine, un mouvement qui serait accentué avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. En dehors de l’Asie, le Mexique pourrait, ironiquement, être le plus grand bénéficiaire des tarifs douaniers prévus par Trump sur la Chine. 

Le consommateur américain reste résilient, soutenu par un marché du travail robuste.

EUROPE: LE VERRE À MOITIÉ VIDE 

Nous avons révisé à la baisse notre profil de croissance du PIB de la zone euro pour 2025, se situant en dessous du consensus (à 1,3%). Bien que les chiffres du troisième trimestre devraient être stimulés par l’effet ponctuel des Jeux Olympiques en France (ajoutant +0,3 points de pourcentage au PIB français du T3 2024), la croissance sous-jacente dans la zone euro a été plus faible que prévu (+0,2% en variation trimestrielle au T2 2024) avec une demande intérieure inférieure aux attentes. Une exception notable a été l’Espagne, qui grâce à une demande interne robuste et au tourisme surpasse largement ses pairs européens (0,7% au T2 2024). En France et en Allemagne, les taux d’épargne ont atteint respectivement 17% et 22%, les consommateurs ayant été plus enclins à épargner qu’à consommer malgré la baisse des taux et des prix (l’inflation est en dessous de 2% en zone euro pour la première fois depuis plus de trois ans). Nous anticipons que les consommateurs resteront prudents dans les mois à venir avec des préoccupations géopolitiques accrues et un resserrement fiscal significatif à venir en France, ce qui incite les consommateurs à réfléchir à deux fois avant d’ouvrir leur portefeuille. Dans ce contexte, la Banque centrale européenne (BCE) devrait continuer à réduire les taux (4 baisses au total en 2024 et 4 baisses en 2025 pour atterrir à 2%), possiblement à un rythme plus rapide que prévu initialement. Cependant, il sera plus difficile pour la présidente Lagarde de baisser les taux après sa réunion d’octobre, car l’inflation globale devrait à nouveau augmenter vers la fin de l’année.

Cela est dû à l’inversion des effets de base favorables des prix de l’énergie qui ont contribué à réduire l’inflation totale ce mois-ci. Enfin, les mesures de relance de la Chine sont une bonne nouvelle pour les services et le tourisme de la zone euro, mais cela ne devrait pas changer fondamentalement la donne pour la production allemande: les exportations chinoises vers l’Allemagne (en baisse de 9% en juillet 2024) ralentissaient déjà avant la pandémie et les relations Union européenne-Chine sont sur le point d’entrer dans une nouvelle ère avec l’introduction continue de tarifs et de restrictions réglementaires. 

ÉTATS-UNIS: PLUS ÉQUILIBRÉS, MAIS DES TURBULENCES À VENIR 

Le consommateur américain reste résilient, soutenu par un marché du travail robuste. Des révisions significatives des données du PIB ont révélé que la reprise américaine était encore plus forte que ce que l’on pensait auparavant. On estime désormais que le revenu personnel disponible réel a augmenté plus rapidement et le taux d’épargne historiquement bas a été considérablement sous-estimé (révisé à 5,2% contre 3,3% estimé auparavant). De plus, les emplois non-agricoles ont dépassé les attentes avec 254'000 emplois ajoutés en septembre. Toutefois, il est important de noter que les données du marché du travail des prochains mois pourraient être temporairement affectées par des conditions météorologiques extrêmes et les récentes grèves.

Au niveau sectoriel, le manufacturier reste faible (l’ISM à 47,2 en septembre, en dessous du seuil de 50 points), tandis que les services restent fort (à 54,9 contre 51,5 en août). Combiné avec le solide rapport sur l’emploi, cela a poussé l’indicateur GDPNow de la Réserve fédérale d’Atlanta à estimer une croissance annualisée de 3,2% au troisième trimestre 2024. À l’avenir, avec un marché du travail plus équilibré (le nombre d’emplois par chômeur est désormais de 1, contre près de 2 juste après la pandémie), une croissance de l’emploi stable et des salaires plus bas, la croissance du PIB américain devrait ralentir à un taux de croissance trimestriel annualisé de 2%. L’inflation devrait également continuer sa trajectoire descendante. L’inflation retardée du logement devrait continuer à ralentir, et l’augmentation de la flexibilité du marché du travail devrait contribuer à adoucir davantage l’inflation des services, tandis que l’inflation des biens reste modérée. Enfin, les élections 2024 contribuent à l’incertitude économique: selon une enquête de l’Université Duke, 30% des directeurs financiers aux États-Unis réduisent leurs investissements en raison des préoccupations liées aux élections. Cela suggère un rattrapage potentiel des investissements et de l’emploi début 2025.

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