Lorsque les actifs numériques échouent

Benjamin Dean, WisdomTree

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La dynamique évolutive qui caractérise l’écosystème des actifs numériques propulse le secteur vers l’avant, mais elle peut le tirer vers le bas de temps en temps.

L’écosystème des actifs numériques est caractérisé par un processus constant de tâtonnement. En ce sens, l’écosystème rappelle le secteur des startups et du capital-risque. En présence d’un risque d’échec, il est important de gérer l’exposition en tenant compte du risque baissier.

La liquidation rapide de la cryptomonnaie LUNA et de son ‘stablecoin’ UST lors de la semaine du 9 mai 2022 a envoyé des ondes de choc au sein de l’ensemble du système des actifs numériques. La plupart des ‘stablecoins’ sont des jetons (tokens) ancrés au dollar américain et ils s’échangent et sont utilisés sur les réseaux des actifs numériques. Le rapide effondrement de l’écosystème Terra/LUNA a attiré l’attention en raison de l’importance de sa taille et de son échelle. À son plus haut début avril 2022, la cryptomonnaie LUNA avait une valorisation équivalente à environ 41 milliards de dollars. Le vendredi 6 mai, elle n’était plus valorisée que 27 milliards de dollars. Le 10 mai 2022, elle en valait moins de 300 millions. Le plus haut montant d’UST (United States Treasury) en circulation a été de 18 milliards de dollars le 7 mai 2022. Le réseau Terra a été déconnecté le 12 mai 20221.

En date d’aujourd’hui, CoinGecko suit plus de 13'000 cryptomonnaies et tokens. Des centaines de nouvelles cryptomonnaies et tokens sont lancés chaque année. Une grande proportion d’entre eux est susceptible de connaître l’échec. Cela explique en partie que les 200 principaux actifs numériques représentent actuellement 98,5% de la capitalisation boursière totale de l’écosystème2. La minorité d’entre eux qui atteint la taille suffisante et perdure décrochent la part du lion ou génèrent de la valeur ajoutée et des performances. Il s’agit d’un environnement similaire à celui du capital-risque lors de ses toutes premières étapes. Le portefeuille classique de capital-risque visera une petite proportion qui réalise des performances très élevées sachant que la plupart des entreprises en portefeuille seront à l’équilibre ou échoueront.

Les possibilités d’échec sont réelles lorsque vous envisagez de faire des affaires. Environ 10% des entreprises de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) font faillite chaque année, bien que leur nombre change en fonction de la période, du pays et du secteur. L’échec est plus probable dès lors que l’activité développée est nouvelle et novatrice, ce qui explique en partie pourquoi le taux de faillite du secteur des services est souvent plus élevé que la moyenne des pays de l’OCDE3. Un indicateur plus important est le taux de perte qui est la somme du taux de natalité et de mortalité des entreprises. Au sein des économies de l’OCDE, ce taux est d’environ 20% par an et varie fortement en fonction des secteurs. Ce taux est important car la création et la liquidation de nouvelles entreprises est un signe que le processus de destruction créatrice de secteur privé est en marche. Un faible taux de perte laisse supposer une stagnation. La même dynamique est observée dans l’écosystème des actifs numériques.

La différence entre l’écosystème des actifs numériques et l’économie au sens large est que le taux de perte y est élevé et augmente beaucoup plus rapidement. Par ailleurs, il est beaucoup plus transparent. Alors qu’il faut attendre généralement des années avant que les entreprises non cotées connaissent un «évènement de liquidité», à l’image d’une introduction en bourse, permettant d’établir une valorisation de marché, l’écosystème des actifs numériques est évalué au prix de marché 24 heures sur 24 dès la création de l’actif.

Cette dynamique est observable parmi les 10 principaux actifs numériques par capitalisation boursière chaque année depuis la dernière décennie. Deux éléments ressortent de l’analyse de ce classement.

Schéma. Les 10 principaux actifs numériques par capitalisation boursière, de 2013 à 2021

Source: Reddit

Premièrement, le Bitcoin est classé en 1ère position d’après cet indicateur, ce chaque année depuis son lancement. Bien entendu, le Bitcoin est différent de toutes les autres monnaies et tokens, ce qui revient en quelque sorte à comparer la pomme à la poire. Mais sur la base de cet indicateur, sa permanence dans cet écosystème est anormale.

Deuxièmement, la composition des 10 principaux actifs (hors Bitcoin) varie fortement au fil des années. Le top 10 d’il y a dix ans est complètement différent du top 10 actuel. Il est rare que des monnaies et des tokens qui atteignent ces hauteurs perdurent. Sur la liste des nouveaux entrants et sortants, l’Ethereum a peut-être la plus forte régularité depuis sa création. Une tendance notable de ces dernières années a été l’entrée et la présence persistante des tokens ancrés au dollar américain, bien qu’il s’agisse de la seule tendance perceptible.

La dynamique évolutive qui caractérise l’écosystème des actifs numériques propulse le secteur vers l’avant, mais elle peut nécessairement le tirer vers le bas de temps en temps. Cette dynamique est source d’opportunités et de risques. De nombreux échecs ont été constatés par le passé et il y en aura davantage à l’avenir. La rapide disparition de LUNA/UST est une piqûre de rappel. Au moment de prendre une exposition à cet écosystème, il est essentiel de se positionner afin de tirer profit des réussites, mais également de réduire le risque extrême en cas d’échec.

 

1 https://twitter.com/terra_money/status/1524785058296778752?cxt=HHwWgMDS6dH7j6kqAAAA
2 Messari au 17/5/2022
3 https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/entrepreneur_aag-2017-en.pdf?expires=1653303323&id=id&accname=guest&checksum=E1AE7BD49E308D6D0D6F26FD3DCBA814

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