Les hésitations coupables de Powell

Axel Botte, Ostrum AM

2 minutes de lecture

Le statu quo sur les Fed funds semble à contre-courant des publications et risque d’accentuer la pression sur les taux longs et les actifs risqués.

© Keystone

Deux forces s’opposent sur les taux à long terme. Le conflit au Proche-Orient, avec le risque d’une escalade régionale, exerce une force baissière sur le 10 ans américain. À l’inverse, la croissance toujours soutenue aux États-Unis, et entretenue par un déficit fédéral de près de 8% du PIB, induit une pression haussière sur les rendements à long terme. Dans ce contexte, on peut regretter le discours parfois contradictoire de Jerome Powell qui peine à justifier la pause qui se dessine lors du FOMC du 1er novembre. Le T-note flirte avec le seuil de 5%. Quant au Bund, son rendement oscille autour de 2,90%. Le Gilt (4,67%) est également vendu. Les spreads souverains en zone euro se stabilisent dans l’attente de décisions des agences de notations sur la France (62 pb à 10 ans) et l’Italie (203 pb). Les points morts d’inflation (+14 pb) expliquent près de la moitié de la hausse hebdomadaire (+32 pb) du T-note à 10 ans. La nervosité du marché du pétrole alimente les anticipations d’inflation. La détente de swap spreads ne profite pas au crédit qui s’échange désormais au- delà des 100 pb contre swap. La demande de couverture du risque crédit porte l’iTraxx XO au-delà de 470 pb. Parallèlement, les tensions sur les taux pèsent sur les valorisations boursières. Les thématiques de dividende et de «value» surperforment la qualité et la croissance. La dette émergente en dollars s’écarte plus modestement de 5 pb. Le dollar reste fort en l’absence de valeur refuge concurrente, à l’exception de l’or qui se rapproche des 2000 dollars.

La communication de la Fed est ambigüe. Le dernier discours de Jerome Powell avant le FOMC a engendré une forte volatilité sur les taux, tant la pause annoncée semble à contre-courant des publications économiques. Jusqu’ici, le resserrement monétaire n’a pas ralenti la croissance, bien au contraire, mais la Fed considère que les hausses de taux finiront par peser sur la demande. Il s’agit de se donner du temps pour observer l’effet de la remontée des taux à long terme, notamment sur l’octroi de crédit. Le crédit immobilier commercial est en effet étale depuis quelques semaines. Par ailleurs, la BCE se réunit cette semaine. Si un statu quo prolongé sur les taux fait consensus désormais, la question du réinvestissement des tombées du PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme) fait débat, alors que les enquêtes conjoncturelles fléchissent depuis l’été en zone euro. La croissance chinoise s’est améliorée au troisième trimestre (+1,3%), grâce au rebond de la consommation. L’embellie est à nuancer, compte tenu des révisions baissières sur le PIB du 2e trimestre (+0,5%) et la faiblesse persistante de l’immobilier.

Le marché des Treasuries reste mal orienté. Les rendements à 10 ans ont touché 4,99% la semaine passée et les dernières émissions traduisent une demande réduite pour les obligations de long terme, dont les tailles d’émissions devraient être encore relevées. Outre le prochain FOMC, l’annonce du refinancement du Trésor début novembre pourrait être le catalyseur d’une nouvelle hausse. La pentification des courbes s’observe aussi en Europe. Le Bund résiste autour de 2,90%, les perspectives de déficit public restant contenues en Allemagne. Le swap spread à 10 ans se situe à 60 pb. La problématique des finances publiques revient sur le devant de la scène. La restauration des règles budgétaires en 2024 met une pression nouvelle sur la France et l’Italie, soumises au risque de dégradation de leurs notes. Le Portugal (71 pb) et la Grèce (146 pb) surperforment.

Les spreads de crédit subissent avec retard l’élargissement des indices de CDS. L’investment grade européen (161 pb contre Bund) s’écarte de 4 pb sur une semaine. Le marché primaire offre des primes de 15-20 pb par rapport au marché secondaire, mais les allocations sont variables et la performance ultérieure incertaine. Le high yield subit toujours les rachats réguliers sur les fonds, mais l’étroitesse du marché primaire limite la pression à la hausse des spreads. Toutefois, le high yield (482 pb contre Bund) s’inscrit en élargissement de 18 pb sur cinq séances.

Les marchés d’actions subissent les assauts des taux longs et l’environnement international délétère. Le S&P 500 perd 1,6%. La saison des résultats a débuté aux États-Unis. La proportion de surprises à la hausse est conforme à la moyenne de 75%. Sur les 80 premières publications du S&P 500, la croissance bénéficiaire ressort à 2,2% sur un an, contre 5,7% pour les chiffres d’affaires, ce qui dénote une dégradation des marges dans certains secteurs.

A lire aussi...