Les banques se portent mieux que les Etats

Levi-Sergio Mutemba

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Il faut une crise souveraine globale pour provoquer une crise semblable à celle de 2008.

©Keystone

Quels sont les risques d’une crise financière globale? Les récentes perturbations au sein du secteur bancaire ont fait remonter à la surface le souvenir de la Grande Crise Financière de 2008. En mars, la Silicon Valley Bank s’est effondrée, quelques semaines seulement avant la faillite de First Republic Bank. Tandis que Credit Suisse fut rachetée dans des circonstances controversées par sa rivale UBS. Cette agitation s’est accompagnée d’un repli de 7% des actions bancaires internationales (mesurées par le fonds indiciels iShares Global Financials ETF) entre fin décembre et fin mars. Ces pertes ont depuis été effacées. Mais, depuis le début de l’année, le secteur stagne (+0%). Signe que les investisseurs ne sont pas encore tout-à-fait à l’aise vis-à-vis du secteur.

Rappelons qu’en 2008, 25 banques américaines, dont Lehman Brothers, avaient fait faillite. Le total de leurs actifs s’élevaient à près de 374 milliards de dollars, selon les données de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC). En 2009, 140 banques avaient fait faillite, mais pour un total des actifs de seulement 171 milliards. Alors que, cette année (à fin avril), seulement trois faillites bancaires se sont matérialisées. Mais portant sur un total des actifs de plus de 548 milliards de dollars.

«Les résultats des banques européennes au premier trimestre se sont avérées bien au-dessus des attentes.»

«La crise bancaire à laquelle nous assistons depuis environ six mois est la conséquence directe du rythme et de l’ampleur de la politique monétaire restrictive de la Fed», souligne Paras Anand, CIO chez Artemis Investment Management. Qui écarte néanmoins le scénario d’une crise bancaire systémique. Tout montre, selon lui, que nous sommes face à un risque idiosyncratique. Autrement dit, un risque spécifique à certains établissements, avec une portée limitée sur l’ensemble du système financier. «Les banques sont mieux capitalisées et moins interdépendantes qu’il y a 15 ans», constate Paras Anand.

De son côté, Niall Gallagher, directeur des investissements chez GAM, à Zurich, note que les récentes faillites des banques américaines ont négativement affecté la perception des investisseurs vis-à-vis du secteur bancaire européen. A tort, selon lui. Toutefois, la baisse des cours a créé des opportunités. «Les résultats des banques européennes au premier trimestre se sont avérées bien au-dessus des attentes», observe Niall Gallagher, dans une note publiée la semaine dernière. Il y relate notamment la stabilité des dépôts bancaires en Europe, avec des sorties n’excédant pas 2% dans l’ensemble. «Durant la pandémie, l’épargne s’est accumulée de façon significative, ce qui a donné lieu à des dépôts bancaires excédentaires», ajoute Niall Gallagher.

«Nous ne pouvons pas être certains que la crise soit tout à fait derrière nous.»

De plus, les problèmes bancaires actuels sont différents de ceux qui avaient causé les faillites de Lehman Brothers et Bear Stearns. «En 2008, certaines banques ont dû faire face à une crise de solvabilité. En 2023, certaines sociétés financières ont un problème de liquidité», remarque Charles-Henry Monchau, Directeur des Investissements (CIO) à la Banque Syz, à Genève, lors d’un échange avec Allnews. Il précise que, chez un certain nombre d’établissements, les dépôts bancaires ne sont pas stables, alors que les portefeuilles d’actifs sont fortement investis en obligations à duration longue. Ceci étant dit, les autorités ont été promptes à réagir, évitant une crise systémique. «Toutefois, nous ne pouvons pas être certains que la crise soit tout à fait derrière nous, car les banques, et notamment les banques régionales, sont très exposées à des segments fragiles de l’économie, tels que l’immobilier commercial pour ne citer que cet exemple», poursuit l’expert de la Banque Syz.

En attendant, poursuit Charles-Henry Monchau, si une crise globale d’ampleur similaire à celle de 2008 devait surgir, ce n’est pas du côté des banques qu’il faudrait en déceler la source. Mais, plutôt, du côté des états souverains des pays développés. Qui ont résolu les crises récentes par davantage de dette. «Le ratio dette public/PIB est passé de 60% en 2008 à presque 100% en 2021», observe le CIO. Ce ratio est actuellement en train de reculer sous l’effet de la croissance du PIB nominal, en raison de l’effet inflation, et de la fin des aides COVID. «Néanmoins, des crises souveraines sont possibles. Celle qui est survenue au Royaume-Uni l’été dernier en est un exemple, alors qu’une nouvelle crise du plafond de la dette est revenue à la surface aux Etats-Unis», prévient Charles-Henry Monchau.

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