Infrastructures: un choc de taux à relativiser

Levi-Sergio Mutemba

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Les entreprises du secteur sont tout sauf homogènes dans leur façon de se couvrir contre l’inflation.

Les actions du secteur global des infrastructures ont affiché en 2022 une remarquable résilience face au choc de taux d’intérêt que l’inflation a suscité tout au long de l’année. Les actions de l’indice S&P Global Infrastructure Index sont en baisse de 2% (rendement total de 4,7%) depuis le début de l’année au 9 décembre 2022. Tandis que le S&P 500 perd plus de 17% sur la même période.

«Le fait est que les actions d’entreprises du secteur des infrastructures présentent d’importantes similitudes avec les obligations, en raison de la stabilité de leurs revenus», explique Abhishek Gupta, Associate Director au sein de l’EDHEC Infrastructure Institute (EDHECinfra), contacté par Allnews. Ceci étant dit, l’ampleur du choc (haussier) des taux d’intérêt est tel qu’il affecte nécessairement le taux d’escompte servant à évaluer la valeur présente des cash-flows futurs. Valeur dont dépend l’évaluation des entreprises du secteur et, par conséquent, l’intérêt que celui-ci pourrait présenter aux yeux des investisseurs.

Plus ce taux d’actualisation est élevé, plus la valeur présente de ces cash-flows diminue. D’où la tentation de vouloir ajuster ce taux à la baisse. Une tentation superflue, selon Abhishek Gupta. «Certaines sociétés d’infrastructure peuvent voir leurs revenus indexés à l’inflation ou sont dotées d’un pouvoir de fixation des prix, ce qui neutralise une partie de l’impact de la hausse du taux d’actualisation sur leurs valorisations», précise Abhishek Gupta.

Les revenus et les cash flows des infrastructures marchandes reposent presque exclusivement sur l’activité économique.

Pour Jean-Francis Dusch, Global Head of Infrastructure & Structured Finance chez Edmond de Rothschild Asset Management (EdR), à Genève, les taux d’intérêts sont même une opportunité pour les gestionnaires d’actifs et leurs investisseurs. «Une opportunité tant sur le volet dette, à travers des rendements accrus par la capture de la hausse du taux de base, que sur le volet fonds propres, dès lors que l’inflation pousse temporairement les revenus à la hausse», ajoute Jean-Francis Dusch, également contacté par Allnews.

Toutefois, d’un projet à l’autre, cette capacité d’indexation peut varier dans une large mesure. Les infrastructures dites «contractées» se caractérisent par des contrats de long terme à travers lesquels il existe des clauses explicites d’indexation aux indices des prix à la consommation ou, comme c’est le cas au Royaume-Uni, à l’indice des prix de détail. Certaines infrastructures sociales, comme celles liées à l’éducation, la santé ou le logement, contiennent de telles clauses. Aussi, le client y est le plus souvent un pouvoir public duquel dépend le paiement des tarifs aux entreprises contractées.

En revanche, dans le cas d’infrastructures dites «régulées», concernant typiquement des activités monopolistiques, telles que les réseaux électriques, les services d’approvisionnement en eau ou certains types de transport, le potentiel de transmission des prix peut s’avérer limité. «Le troisième type d’infrastructures, dites marchandes, présentent des revenus et des cash-flows reposant presque exclusivement sur l’activité économique. Leur résistance face à l’inflation y est donc également limité et ne peuvent recourir, lorsque cela est possible, qu’à une transmission des hausses de prix», observe Abhishek Gupta. Qui précise également que ces dernières sont en outre particulièrement exposées aux cycles.

«Durant la pandémie de Covid-19, les infrastructures marchandes ont beaucoup plus souffert que les infrastructures régulées ou sociales», rappelle Abhishek Gupta. «Les autoroutes à péage, les aéroports, les infrastructures portuaires et les réseaux de distribution électrique furent particulièrement affectés par l’arrêt brutal de l’activité économique, au moment où les taux d’intérêt étaient pourtant proches de zéro», ajoute-t-il.

«Une large majorité des infrastructures contribue à la transition énergétique.»

Comme le souligne la société de gestion CBRE Investment Management (CBRE) dans sa note de mars 2022 consacrée aux infrastructures, l’effet de protection des infrastructures contre l’inflation prend donc diverses formes. D’où la nécessité pour les investisseurs de mener une analyse minutieuse, aussi bien au niveau sectoriel qu’au niveau des entreprises au cas par cas. «Si les infrastructures marchandes, de même que celles des énergies renouvelables, sont plus vulnérables à l’inflation, elles peuvent en revanche bénéficier de la hausse des prix des matières premières», soulignent les analystes de CBRE.

Actuellement, la transition énergétique représente la thématique d’investissement la plus dynamique au sein des infrastructures. Les infrastructures régulées et contractées liées aux énergies renouvelables affichent une faible sensibilité aux cycles économiques en raison d’une demande relativement inélastique. Mais elles sont également les plus subventionnées par les pouvoirs publics. «La vraie évolution est qu’une large majorité des infrastructures contribue à la transition énergétique», soutient Jean-Francis Dusch, en référence, notamment, aux énergies renouvelables et sous-secteurs liés, ceux-ci étant en pleine mutation technologique.

À savoir les technologies de stockage, l’hydrogène, l’hydro-électricité, les éoliennes flottantes, mais également la mobilité verte, les infrastructures sociales avec efficiences énergétiques, la décarbonation des infrastructures de type «utilities», pour ne citer que ces exemples. «Les gestionnaires d’actifs lancent des fonds article 8 et 9 qui créent un alignent pour soutenir la transition énergétique qui est un pari de l’Europe, un besoin et une réalité pour préserver notre planète et assurer l’avenir des générations futures», conclut Jean-Francis Dusch.

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