Début de récolte pour les long/short?

Levi-Sergio Mutemba

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Les fonds aux expositions nettes élevées auront besoin de la rationalité du marché pour surcompenser 2022. Avec Adrian Brass d’Artemis.

Les stratégies long/short n’ont pas eu la vie facile en 2022. Le problème d’un marché fortement baissier est que tout bouge dans le même sens. Les positions vendeuses, qui ne représentent en général qu’une faible portion du portefeuille, ne sont pas en mesure de compenser les pertes massives constatées sur les positions longues. À l’exception des stratégies neutres ou «market neutral», dont les expositions nettes ne dépassent généralement pas 10%.

Ceci étant dit, le mois de novembre a offert un certain répit aux stratégies long/short. Du moins, si l’on se base sur les données publiées par Hedge Fund Research (HFR) le 7 décembre dernier. Avec une performance de 3,8%, l’indice HFRI 500 Equity Hedge Index, qui désignent l’ensemble des stratégies recourant à la fois aux positions à la fois logues et courtes, enregistre son gain mensuel le plus important depuis février 2021. Contre une perte de plus de 11% depuis le début de l’année. Seules les stratégies alternatives des marchés émergents ont fait pire en 2022 jusqu’ici (-14,90%).

«La possibilité de shorter des titres nous permet de dépouiller le portefeuille de risques sectoriels et factoriels non désirables»

Remarquons qu’il n’est pas nécessaire d’être un hedge fund pour shorter des titres. Les gérants appliquant une approche d’investissement dite 130/30 se situent à mi-chemin entre la gestion traditionnelle et alternative. Celles-ci peuvent afficher une exposition vendeuse maximale de 30%, parallèlement à une exposition acheteuse maximale de 130%. Dans ce cas de figure, l’exposition brute serait alors de 160% et l’exposition nette de 100%.

Dans la pratique, toutefois, le degré d’exposition dépendra des conditions du marché et des vues du gérant. «Notre fonds affiche une fourchette cible d’exposition nette comprise entre 90% et 110%», explique Adrian Brass, portfolio manager chez Artemis Investment Management (Artemis). «En ce moment, notre exposition courte est de seulement 10% et notre exposition longue est juste en-dessous de 110%», précise le stock-picker spécialisé dans les actions américaines, lors d’un entretien exclusif avec Allnews.

«La possibilité de shorter des titres nous permet de dépouiller le portefeuille de risques sectoriels et factoriels non désirables», ajoute-t-il. «Par exemple, nous pouvons entretenir une vue globale positive sur un secteur, tout en identifiant des risques pouvant être éliminés par la vente à découvert de titres présentant des vulnérabilités au sein de ce même secteur», poursuit Adrian Brass. Or, selon lui, le nouveau régime inflationniste offre des opportunités des deux côtés du spectre.

«La forte hausse des taux d’actualisation a conduit à un dégonflement de la bulle des actions de croissance, les valorisations au sein de cet univers étant ainsi revenues à des niveaux attractifs», explique Adrian Brass. Qui ajoute que le ralentissement économique attendu a également déjà durement affecté des secteurs tels que le logement, la publicité en ligne, le secteur du détail ou encore les semi-conducteurs. «De nombreuses actions de ces secteurs ont déjà chuté de plus de 50%, ce qui en fait des titres réellement bon marché que nous avons récemment introduits dans notre portefeuille, avec une perspective de deux à trois ans en moyenne», fait remarquer Adrian Brass.

L’Inflation Reduction Act voté cette année aux États-Unis est une autre thématique présentant un intérêt pour la partie acheteuse d’un fonds long/short. Un certain nombre d’entreprises industrielles et du secteur des infrastructures vont en effet bénéficier de subsides massifs du gouvernement américain. «Leurs performances opérationnelles pourraient ainsi être relativement décorrélées du cycle de ralentissement économique», signale Adrian Brass.

«Nous nous attendons à ce que ce short rebate demeure positif pour les gérants long/short en 2023»

S’agissant de la partie short, le potentiel réside dans le positionnement vendeur sur des titres dont les attentes basées sur les fondamentaux s’avèrent trop élevées et que les valorisations ne reflètent pas. «Ce qui explique notre positionnement short sur de nombreuses entreprises cycliques qui continuent de se traiter à des niveaux de valorisation particulièrement élevés, proches de leur plus haut, faisant l’objet d’anticipations de croissance élevées», insiste Adrian Brass, qui cite spécifiquement les entreprises du secteur industriel ou celles actives dans les biens d’équipement.

Enfin, la nouvelle configuration des taux d’intérêt offre également une source de rendement supplémentaire pour les vendeurs à découvert. À savoir le «short rebate». C’est-à-dire la rémunération que reçoit un vendeur à découvert sous forme d’intérêt généré par le collatéral que celui-ci dépose auprès du courtier lui ayant prêté les actions à shorter. «Nous nous attendons à ce que ce short rebate demeure positif pour les gérants long/short en 2023, dès lors que nous ne pensons pas que la Fed pivotera en direction d’une réduction de ses taux directeurs l’an prochain», soulignent Eric Costa et Stephen Mancini, responsables de la gestion alternative chez Cambridge Associates.

Ceux-ci rappellent, dans leurs perspectives de marché pour 2023, que ce short rebate était négatif (-50 points de base en moyenne) ou proche de zéro au cours des 15 dernières années. «Le récent déplacement de cette rémunération en territoire positif élimine une barrière importante pour les fonds long/short», estiment les experts de Cambridge Associates.

Insistons toutefois sur le fait que cette dimension de la vente à découvert ne doit nullement constituer le principal argument des stratégies long/short. Celles-ci auront surtout besoin, contrairement aux stratégies de suivi de tendance, que le marché soit bien informé. C’est-à-dire qu’il ait en effet intégré dans les prix toute l’information nécessaire pour l’inciter à revaloriser ce qui est sous-valorisé et à se montrer circonspect vis-à-vis de ce qui est cher. Ce qui peut prendre un certain temps...

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