Les banques centrales prêtes à parler «tapering»

Felipe Villarroel, TwentyFour AM

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Les banques centrales tentent de trouver l’équilibre entre reprise économique et risque d’inflation galopante.

© Keystone

Face à ce défi, on ne sera peut-être pas surpris de constater que si la plupart des mesures d’urgence restent en place, les banques centrales du monde entier commencent à adopter un ton plus «hawkish» en vue de gérer les attentes du marché et de préparer les investisseurs à un sevrage inévitable des plans de soutien.  

Précisons tout d’abord que la définition d’une banque centrale «hawkish» est très relative en ce moment. Sur les marchés développés, «hawkish» pourrait actuellement s’appliquer à une banque centrale qui discute de la possibilité de réduire son programme d’assouplissement quantitatif (QE), tandis que sur les marchés émergents, le terme fait généralement référence à un resserrement des taux d’intérêt supérieur aux attentes du marché. Mais le plus important est le signal envoyé, puisque les acteurs du marché tentent de déterminer la date du début des cycles de resserrement de la politique monétaire.

Les banques centrales des marchés émergents ouvrent le bal

Les banques centrales des marchés émergents sont souvent les premières à adopter une attitude plus «hawkish». De manière générale, les économies émergentes sont davantage exposées aux chocs inflationnistes et aux fortes dépréciations de leur devise. Dans un scénario de hausse des prix des matières premières qui se traduit à la fois par une croissance économique plus forte pour un certain nombre de pays émergents et par des pressions plus importantes sur les prix dans les paniers des indices des prix à la consommation (IPC), il est logique que ces banques centrales soient les premières à changer de cap. Depuis le début de l’année, le Brésil, la Russie, l’Ukraine et la Turquie (qui avait déjà amorcé un resserrement) ont relevé leurs taux directeurs tandis que plusieurs autres pays dont la Chine, la Hongrie et l’Afrique du Sud ont adopté un ton clairement «hawkish».   

A moins d’un événement imprévu, il semble probable que la Fed devienne de plus en plus «hawkish» dans les prochains mois.

Sur les marchés développés, le changement de politique est encore très limité mais un nombre croissant de banques centrales durcissent leur rhétorique. La Banque du Canada a dégainé la première fin avril en réduisant le rythme de son programme de rachat d’obligations et en laissant entrevoir des hausses de taux. Plus récemment, la Banque de réserve de Nouvelle-Zélande a publié ses projections actualisées avec un relèvement des taux directeurs en vue pour le second semestre 2022. Le gouverneur Adrian Orr a tenté d’adoucir le message  en déclarant «Vous parlez du second semestre de l’année prochaine. Qui sait où nous serons d’ici là?», ce qui n’a pas empêché le dollar néo-zélandais de grimper de 1%. Mentionnons également les propos similaires tenus cette semaine par Gertjan Vlieghe, membre du Comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre: selon lui, il faudra probablement atteindre le T1 2022 pour avoir une vision claire de la dynamique du marché du travail et des salaires à l’issue du plan de sauvegarde, de sorte que «une hausse du taux directeur pourrait être appropriée peu après, avec un relèvement légèrement supérieur à celui de mon scénario de base».  

Le bon équilibre est essentiel

Ce qui nous amène à la Fed et au compte rendu de la réunion du FOMC en avril, qui contenait la première allusion discrète à un futur resserrement de la politique monétaire. «Un certain nombre de participants ont suggéré que si l’économie continue de progresser rapidement vers les objectifs du FOMC, il pourrait être approprié, dans le cadre des réunions à venir, de commencer à discuter d’un projet pour ajuster le rythme des achats d’actifs». Selon les projections du FMI, les Etats-Unis devraient prendre la tête des économies développées en termes de croissance du PIB avec une hausse de 6,4% en 2021. L’année dernière, les USA ont également enregistré la plus faible contraction économique de tous les marchés développés à -3,5%. A moins d’un événement imprévu, il semble probable que la Fed devienne de plus en plus «hawkish» dans les prochains mois, à mesure qu’elle commencera à gérer les attentes du marché quant à un «tapering» inévitable.

Le long chemin vers un relèvement des taux directeurs a commencé, ce qui devrait être à notre avis bienvenu; ce nouveau cap permettra de contrôler la pression inflationniste, ennemie de l’investisseur obligataire. Les banques centrales des marchés développés viennent juste de commencer à gérer les attentes du marché, et elles veulent procéder correctement afin d’éviter les surprises pouvant résulter du «taper tantrum» que nous avons vécu en 2013. Il s’agit en effet de trouver un équilibre délicat entre le soutien à la reprise et la maîtrise des prévisions inflationnistes. Les mois à venir nous permettront de mieux savoir si la hausse de l’inflation est simplement transitoire ou plus ancrée dans les fondamentaux.

Là encore, jusqu’à ce que nous puissions y voir plus clair, nous estimons qu’une stratégie judicieuse consiste à augmenter un peu la liquidité pour bénéficier d’une certaine flexibilité durant le creux estival, tout en maintenant un biais global en faveur du crédit.

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