Les actions techs chinoises bradées, une aberration?

Alexandre Baradez, IG Bank

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Le temps où l’on comparait les géants technologiques chinois et américains en bourse n’est pourtant pas si lointain.

Mais depuis 2021 une tornade s’est abattue sur les marchés actions chinois: entre février 2021 et octobre 2022, l’indice Hang Seng Tech Index c’est-à-dire l’équivalent chinois du Nasdaq100, s’est crashé de 75%. L’indice a perdu trois quarts de sa valeur en moins de deux ans, c’est-à-dire quasiment l’équivalent de l’éclatement de la bulle Internet au début des années 2000… 

Les raisons de cet effondrement sont multiples: cela a commencé en 2021 par un tour de vis règlementaire des autorités chinoises visant plusieurs secteurs de l’économie chinoise et notamment le secteur technologique. On se souvient également de la disparition de plusieurs responsables d’entreprises dont le PDG d’Alibaba à l’époque. Jack Ma qui s’était livré à un discours critique du pouvoir chinois avait disparu pendant plusieurs mois. Les tensions commerciales avec les Etats-Unis qui ont été exacerbées pendant le mandat de Donald Trump mais qui ont perduré sous la présidence de Joe Biden ont aussi joué un rôle dans la perception du risque par les investisseurs et notamment les investisseurs étrangers. 

Il y a ensuite eu la période des nombreux confinements en Chine alors que l’Europe et les Etats-Unis avaient réouvert leurs économies. Des confinements qui ont pesé sur la dynamique économique chinoise en même temps que la crise immobilière prenait de l’ampleur. Les autorités chinoises ont décidé de s’attaquer à la question de la dette et procèdent depuis quelques années à un «deleveraging» qui impacte le secteur hypertrophié de l’immobilier en Chine.

Les craintes des investisseurs sont multiples, à la fois d’ordre économique et mais aussi et probablement beaucoup d’ordre politique. 

Enfin, il y a la question géopolitique: le rapprochement ostensible de la Chine avec la Russie après le déclenchement de la guerre en Ukraine a achevé de faire fuir les investisseurs étrangers, non seulement en termes d’investissement dans l’économie réelle mais aussi d’investissement sur les actifs financiers chinois. Sans oublier les velléités persistantes de la Chine concernant Taïwan. 

Tous ces éléments ont poussé les investisseurs sur les marchés japonais (pour avoir une exposition sur la zone Asie sans être directement investi sur les actifs chinois) mais aussi sur les actifs indiens: la divergence massive de performance entre les indices boursiers indiens et chinois est l’illustration parfaite de cette déflexion des flux d’investissement.

Les énormes programmes d’investissements lancés par l’administration Biden pour favoriser la relocalisation («reshoring») de certaines activités de production stratégiques ont également porté un coup à l’appétit de investisseurs pour les valeurs technologiques chinoises. 

Mais cela soulève tout de même la question suivante: les multiples de valorisation de la tech chinoise sont-t ’ils justifiés? Est-ce normal de trouver Alibaba à un ratio cours/bénéfice anticipé (P/E forward) de seulement 8?  Ou encore des valeurs comme Tencent et Xiaomi à seulement 16 fois les bénéfices anticipés? Ou bien Baidu à moins de 10 fois? 

Alors que dans le top 10 du Nasdaq100 on ne trouve aucune action dont la valorisation est inférieure à 20 fois les bénéfices anticipés avec une moyenne de valorisation à 32 fois les bénéfices pour l’indice… 

On l’a bien compris, les craintes des investisseurs sont multiples, à la fois d’ordre économique et mais aussi et probablement beaucoup d’ordre politique. Le réaction des autorités chinoises depuis quelques jours face au crash des marchés actions marque peut-être le début d’un signal envoyé aux investisseurs. 

Mais il nous semble quand même nécessaire de revenir au contact de certains niveaux techniques pour être rassuré sur la reprise d’un momentum haussier. Ces niveaux sont les moyennes mobiles 50 et 100 semaines qui se trouvent actuellement dans la zone 3800-4000 points sur le Hang Seng Tech Index. Si l’on est un peu patient, on peut même attendre le retour au contact de la zone de résistance à 4200 points formées par une ancienne oblique passant par les creux de 2015 et 2019, une oblique sur laquelle l’indice a tenté de rebondir en 2022 avant de la casser.

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