Les actions restent incontournables

Yves Hulmann

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Plus que le secteur, c’est la capacité d’une entreprise à pouvoir fixer ses prix qui deviendra le véritable facteur de différenciation en 2022, juge Patrick Artus de Natixis.

Malgré la correction survenue en janvier sur les marchés, les actions gardent un potentiel intact, estime Patrick Artus, conseiller économique chez Natixis. «Tant que les taux d’intérêt restent à des niveaux historiquement bas, on ne peut pas ne pas investir dans les actions», souligne l’économiste qui s’exprimait fin janvier lors d’une vidéo-conférence consacrée aux perspectives des marchés pour 2022.

«Je ne crois pas que les valorisations, à elles seules, restent encore aujourd’hui un critère de choix.»

Les valorisations des marchés d’actions ne se situent-elles pas désormais à des niveaux trop élevés? Pour Patrick Artus, le fondement de la valeur d’une action ne peut pas être évalué en faisant seulement des calculs actuariels dans un monde où les taux d’intérêt sont beaucoup plus bas que les taux de croissance. «Je ne crois pas que les valorisations, à elles seules, restent encore aujourd’hui un critère de choix. On n’a plus de norme. Le fondamental de la valeur d’une action, cela n’existe plus. Si les dividendes augmentent plus vite que les taux d’intérêt, le fondamental peut alors se trouver à n’importe quel niveau», relativise-t-il.

Selon l’économiste, pour évaluer une entreprise, mieux vaut désormais prendre en considération «la solidité de son modèle d’affaires, sa capacité à maintenir ses marges qui peut venir soit de l’originalité de ses produits, soit d’une situation de monopole», met-il en perspective.

Préservation des marges

Quant à la question très actuelle de savoir s’il faut continuer à miser sur les actions des sociétés de croissance («growth») ou plutôt privilégier les titres dits de «valeur» («value») qui restent, eux, moins chers, Patrick Artus estime que ce n’est plus forcément non plus la bonne grille d’analyse pour sélectionner des titres. «Value, dans un monde de taux d’intérêt qui remontent, c’est un peu compliqué. Growth, lors d’une année qui est nettement moins bonne que celle d’avant, c’est forcément compliqué aussi. En plus, on est revenu à la raison sur les perspectives de chiffre d’affaires des entreprises qui avaient le mieux performé», met-il en perspective. Pour l’économiste, «la vraie grille de lecture est celle du pricing power». «On est dans un monde où les salaires augmentent plus vite, où les matières premières sont plus chères, où la transition énergétique va faire monter les prix de l’énergie. Dès lors, ce qui sera très important, ce sera de trouver les entreprises qui ont le pouvoir de maintenir leurs marges dans un environnement de coûts plus élevés», analyse-t-il.

Biens durables, tech, automobile et construction

Selon Patrick Artus, les secteurs où il y a davantage d’entreprises qui disposent d’une meilleure capacité à imposer leurs prix sont notamment les suivants: les biens durables, par exemple des équipements pour les ménages, l’ameublement, etc. S’y ajoutent les valeurs technologiques, l’automobile et aussi la construction en ce qui concerne l’Europe.

«Les investisseurs devront acheter des actions de façon plus discriminante.»

Dans l’ensemble, Patrick Artus continue de se dire «complètement haussier» pour 2022 en ce qui concerne les actions, du moins pour les titres qui sont valorisés de façon raisonnable. Seule condition, «les investisseurs devront acheter des actions de façon plus discriminante», conseille-t-il. Il ne sera plus possible d’acheter simplement l’ensemble du marché et d’attendre que les cours montent.

Prudence concernant la Chine

Qu’en est-il du potentiel des actions des marchés émergents? Patrick Artus se montre prudent au sujet de la Chine. Tout d’abord à cause du risque politique. «Xi Jinping ne veut plus que les entreprises chinoises fassent trop de profits et souhaite réduire les inégalités. Pour qui investit en Chine, ce n’est pas un contexte favorable», juge-t-il. S’y ajoute ensuite le facteur démographique qui pèse aussi sur la croissance. «La consommation interne n’augmente pas, alors que les taux d’épargne restent élevés», observe-t-il. A l’inverse, l’économie chinoise tournée vers les exportations reste forte et c’est du côté des entreprises exportatrices que les investisseurs peuvent trouver les meilleures opportunités d’investissement.

L’euro ne s’affaiblira pas davantage face au dollar

Quant aux marchés des devises, Patrick Artus observe que les plus grands mouvements sur les marchés obligataires ont déjà eu lieu de part et d’autre de l’Atlantique. «Il y a déjà eu d’énormes flux de capitaux de l’euro vers le dollar, compte tenu de la remontée plus rapide des taux d’intérêt attendue aux Etats-Unis. La baisse de l’euro face au dollar en 2021 est le résultat de cette asymétrie. Je ne crois pas que l’euro va encore beaucoup baisser face au dollar», prévoit-il. 

Au sujet des cryptomonnaies, Patrick Artus se montre partagé à propos des perspectives concernant le Bitcoin. Côté positif, le Bitcoin devient une classe d’actifs quasiment traditionnelle chez beaucoup d’investisseurs. «A moyen et long terme, l’adoption plus large de cette cryptomonnaie va soutenir le cours du Bitcoin», anticipe-t-il. Côté négatif, il y a toutefois aussi de plus en plus de pays, à l’exemple de la Chine ou de la Russie, qui voient d’un mauvais œil l’essor de cette cryptomonnaie, ce qui limitera aussi son attrait.

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