Les actions chinoises et la gestion ESG

Vincent Juvyns & Howard Wang, J.P. Morgan Asset Management

2 minutes de lecture

Il est indispensable d’analyser en profondeur les actions et de décrypter les questions ESG qui se posent en Chine, plutôt que d’adopter des politiques d'exclusion rigides.

Si, d’un point de vue économique, investir en bourse en Chine est une évidence, nombre d’investisseurs sont cependant rebutés par le bilan du pays sur les questions environnementales ou sociales. Nos recherches montrent néanmoins que la situation sur le terrain est beaucoup plus nuancée. Ainsi, nombre d’entreprises chinoises sont mieux classées en matière ESG que leurs homologues américaines, voire européens. Il convient donc d’aborder les enjeux de durabilité au cas par cas, plutôt que d'adopter une approche globale reposant sur le marché.

La politique du gouvernement chinois est favorable aux énergies renouvelables

En Chine, les politiques publiques sont probablement le facteur numéro un à retenir pour les investisseurs ESG. Si certains secteurs, comme les valeurs Internet et l'immobilier, ont souffert du durcissement de la réglementation ces dernières années, d’autres, plus étroitement liés aux objectifs environnementaux du gouvernement chinois, comme les énergies renouvelables et les véhicules électriques, bénéficient du soutien à long terme des politiques.

Les producteurs d'énergies renouvelables, par exemple, bénéficient d'une multiplication des règles environnementales visant à accélérer l’abandon du charbon et bénéficient d'un coût du capital plus faible de la part des bailleurs publics. Cette conjonction de facteurs positifs a permis a la Chine de devenir le leader mondial de la production d'équipements pour les énergies renouvelables et les entreprises chinoises joueront un rôle clé dans la bataille mondiale pour atteindre la neutralité carbone ce qui devrait entraîner une augmentation des multiples de valorisation dans le secteur des énergies renouvelables.

Les enjeux sociaux sont davantage pris en compte

Si la politique environnementale est depuis une priorité des autorités chinoises depuis plusieurs années, les facteurs sociaux revêtent également une importance croissante pour le gouvernement et les entreprises chinoises. Comme pour l'environnement, la Chine est mal positionnée sur le plan social dans les classements internationaux, et les investisseurs n'ont pas à chercher bien loin pour trouver des cas d’heures de travail à rallonge et de mauvaises conditions de travail. Mais là-encore, des progrès sont réalisés dans l’élaboration des politiques, sous l'impulsion d'un gouvernement désireux de développer sa classe moyenne. Des rapports publiés récemment faisant état de longues heures de travail dans le secteur technologique ont ainsi donné lieu à une vaste campagne nationale plaidant en faveur d'une augmentation des salaires et de la productivité.

L’actionnariat public exige des contrôles accrus en matière de gouvernance

Autre caractéristique du marché actions chinois suscitant des préoccupations sur le plan ESG, l’actionnariat de l'État. Il faut savoir que la Chine compte plus d'entreprises dans le classement Fortune 500 que tout autre pays, mais que 75% d'entre elles appartiennent à l’État. De nombreuses entreprises d'État chinoises ont un faible score ESG. Certaines sont responsables de dommages environnementaux, par exemple, ou ont investi dans des pays soumis à des sanctions occidentales. Beaucoup d’entre elles conservent en outre des structures de gouvernance qui n’ont pas vocation à servir les intérêts des actionnaires.

Cependant, toutes les entreprises publiques chinoises ne se valent pas. Certaines sont moins sujettes à l'ingérence du gouvernement et d’autres sont parfois les meilleurs élèves ESG dans leur secteur. Par conséquent, plutôt que d’imposer des limites ou des restrictions dans les portefeuilles, les investisseurs devraient s’intéresser au profil ESG individuel des entreprises d'État.  

La transparence des données ESG s'améliore en Chine

Dernier facteur majeur pour investir durablement en Chine, la transparence des données. La disponibilité et la crédibilité des publications financières, notamment celles liées aux critères ESG, varient considérablement. Les investisseurs ont donc du mal à comparer les notations ESG des entreprises chinoises avec celles d'autres marchés ou régions. Les choses sont toutefois en train de changer puisque les autorités chinoises cherchent à attirer davantage d'investissements étrangers sur le marché des actions A, qui pèse déjà près de 10000 milliards de dollars. Dans cette optique, la Chine s'efforce d'améliorer très progressivement la publication d'informations des entreprises et le respect de l'état de droit.

La recherche, la clé de voûte de la gestion ESG en Chine

Savoir si les actifs chinois sont adaptés aux portefeuilles durables peut parfois être un sujet de discorde, et les investisseurs doivent tenir compte de toute une série de facteurs ESG avant de décider de la marche à suivre. Il faut aussi garder à l’esprit que la dispersion des notations ESG est beaucoup plus importante au sein des marchés qu'entre chacun d’entre eux. Par conséquent, il est indispensable d’analyser en profondeur les actions et de décrypter les questions ESG qui se posent en Chine, plutôt que d’adopter des politiques d'exclusion rigides, que ce soit au niveau de chaque marché ou de chaque secteur. A priori, pour certains investisseurs, le marché actions chinois ne se prête pas à l'investissement durable. Pour nous, cependant, ce sont ses composantes individuelles qui comptent vraiment.

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