Étant donné qu’il s’agit de choisir entre une poursuite de la hausse de l’inflation et une grave récession, la réponse politique sera certainement d’ordonner aux banques centrales de réhausser l’objectif d’inflation à plus de 2%.
Saxo Bank, spécialiste du trading et de l’investissement en ligne, a publié aujourd’hui ses prévisions pour le troisième trimestre 2022 pour les marchés mondiaux, ainsi que ses principales idées de trading concernant les actions, les matières premières, les obligations et toute une série de thèmes macroéconomiques centraux susceptibles d’influencer les investisseurs et les marchés.
Steen Jakobsen, Chief Investment Officer de Saxo Bank, déclare: «Les dirigeants des banques centrales continuent de nous faire croire que l’objectif de 'normalisation' à environ 2% d’inflation est possible à un horizon de 18 mois. Mais pourquoi les écouterions-nous alors qu’ils n’ont jamais pu prévoir que l’inflation dépasserait 8% en Europe et aux États-Unis?»
Le risque est que les attentes relatives à l’inflation s’intensifient, et que des effets secondaires obligent les banques centrales à resserrer leurs politiques encore au-delà de ce qu’elles-mêmes ou les marchés craignent, jusqu’à ce qu’elles reprennent le contrôle du train fou et nous précipitent dans une profonde récession.
Cela va provoquer le prochain changement de politique macroéconomique auquel il faut s’attendre pour le T3 2022. Étant donné qu’il s’agit de choisir entre une poursuite de la hausse de l’inflation et une grave récession, la réponse politique sera certainement d’ordonner aux banques centrales, directement ou indirectement, de réhausser l’objectif d’inflation à plus de 2%. Nous sommes en droit de nous attendre à ce que cette perspective implique un peu moins de resserrement, mais aussi à ce que les taux réels négatifs ou la répression financière deviennent des objectifs intégrés de cette politique. La destruction raisonnable de la demande qu’implique une hausse des taux directeurs constitue également un pari risqué qui va commencer à faire fléchir l’inflation, alors que des mesures de soutien aux plus vulnérables sont mises en place pour l’achat de l’énergie, du chauffage, du carburant et de l’alimentation. Les lacunes de cette politique sont qu’aucune de ces mesures ne lutte contre les déséquilibres de l’économie. Que la Fed vise 2 ou 3% d’inflation ne fait en rien baisser le prix de l’énergie.
Ce qui est certain, c’est que le système politique va favoriser la 'méthode douce', c’est-à-dire la répression financière, pour assurer le financement souverain et la réduction de la valeur réelle de la dette publique via l’inflation. C’est précisément la raison pour laquelle l’inflation va continuer d’augmenter structurellement. La domination politique qui va se mettre en place à partir du T3 va beaucoup plus peser sur le nouveau cycle que le resserrement monétaire qui n’est qu’une perpétuelle course-poursuite. La grande modération est morte, vive le grand redémarrage!
Cette fois, la reprise en V est morte. Les six derniers mois ont été le théâtre du plus grand changement de sentiment du marché depuis cinquante ans, et au troisième trimestre, les perspectives de bénéfices des entreprises mondiales ne sont pas bonnes. On devrait toucher le fond de ce marché baissier quelque part entre cette année et le premier semestre 2023. En attendant, les matières premières et les titres d’armement sont les deux thèmes qui devraient continuer à bien se comporter.
Peter Garnry, chef stratégiste en actions de Saxo Bank, déclare: «Un marché qui ne cesse de baisser depuis 12 ans, ponctué uniquement de brèves reprises en V, a renforcé la mentalité d’achat à la baisse et de prise de risque. Les investisseurs sont lents à réagir, et l’on n’observe aucun changement significatif du comportement des investisseurs particuliers, ce qui explique également cette capacité à chuter du marché des actions. Les actions américaines se trouvent officiellement en terrain baissier, mais la grande question est la suivante: où et quand va-t-on toucher le fond? Selon nous, le S&P 500 va perdre environ 35% par rapport à son pic, et il pourrait lui falloir entre 12 et 18 mois pour atteindre son creux, c’est-à-dire plus tard cette année ou pendant le premier semestre 2023. Ce marché ne va probablement pas cesser de baisser avant que la nouvelle génération d’investisseurs qui a tout misé sur les titres de croissance spéculatifs, les fonds Ark Invest, Tesla et les cryptomonnaies ait entièrement capitulé. Depuis la crise financière de 2007-2008, les titres technologiques bénéficient de taux d’intérêt toujours plus bas, de la préférence marquée pour les fonds ESG et de marges élevées, tandis que les titres de l’énergie souffrent de faibles rendements sur le capital investi. La tendance est en train de s’inverser, parce que le monde se rend compte qu’il fonctionne toujours au pétrole. Chaque point de pourcentage que le secteur de l’énergie regagne sur les autres secteurs est une pression mise sur la performance des investissements ESG, et la résurgence des combustibles fossiles pourrait provoquer une crise des fonds ESG, qui pourraient subir un désinvestissement en raison de leur mauvaise performance et de leur manque d’exposition aux ressources naturelles en cette nouvelle ère inflationniste. Les matières premières et les titres d’armement sont les seuls thèmes qui progressent. Ils devraient continuer à bien se comporter jusqu’à ce que les actions touchent le fond. La seule exception à la victoire des actifs tangibles est l’immobilier. Les faibles taux d’intérêt associés à la rareté de l’offre dans de nombreuses zones urbaines des États-Unis et de l’Europe ont mis l’immobilier dans une position de grande vulnérabilité à la hausse des taux d’intérêt à court terme.»
L’indice Bloomberg Commodity Spot a atteint un record au cours du T2, avant d’entrer dans une phase de consolidation alors que les inquiétudes autour de la croissance mondiale bénéficiaient d’un regain d’attention. Au T3, la volonté de la Russie de cesser la guerre en Ukraine, le ralentissement de la croissance économique en Chine, le degré et la vitesse des hausses de taux aux États-Unis, ainsi que le potentiel de destruction de la demande due à l’inflation, vont contribuer à donner le ton au deuxième semestre 2022.
«Avec des millions de tonnes de céréales toujours stockées dans des silos à quelques semaines des prochaines moissons, les perspectives concernant les prix de l’alimentation dépendront des conditions météorologiques dans le monde et de l’établissement ou non d’un couloir permettant à l’Ukraine d’exporter ses récoltes», déclare Ole Hansen, Responsable de la stratégie Commodity chez Saxo Bank. «Nous maintenons une perspective haussière pour l’or, compte tenu du risque de poursuite de l’agitation des marchés financiers, à l’heure où la transition vers des taux d’intérêt plus élevés pèse de plus en plus sur les entreprises et les particuliers. Nous maintenons notre prévision de hausse de l’or et de l’argent au second semestre à la suite d’une période de consolidation au second trimestre, l’or devant atteindre selon nous un nouveau record. Les métaux industriels ont subi une correction majeure au second trimestre, en grande partie en raison de la politique de tolérance zéro de la Chine envers la COVID. Le passage à un avenir moins intense en carbone devrait entraîner une forte hausse de la demande en certains métaux clés, mais la perspective de la Chine est aujourd’hui la principale inconnue. Le cuivre, stable depuis plus d’un an, risque de perdre de la valeur avant de retrouver son potentiel haussier à long terme. Cette information en tête, nous nous montrons neutres en ce début de troisième trimestre et pensons que l’exposition à ce secteur doit être maintenue, et non augmentée, jusqu’à ce que le cours émette des signaux de renouvellement haussier, potentiellement lors d’un retour au-dessus de 4,65 dollars ou aux environs de 3,5 dollars en cas de poursuite de la faiblesse. Les grands pétroliers sont noyés sous les liquidités, et le manque d’appétit pour le financement des nouvelles découvertes dont font preuve les investisseurs en général est la raison principale pour laquelle le coût de l’énergie devrait rester élevé au cours des années à venir. En plus des difficultés liées à la forte volatilité et des rendements historiquement bas des investissements, le défi immédiat repose sur les futures attentes autour de la demande. Nous pensons que les corrections du marché de l’énergie au cours du deuxième trimestre pourraient être de courte durée, le risque d’une période prolongée de prix élevés en étant le résultat le plus probable. Un bref retour au niveau record de 2008 ne peut être écarté, mais globalement, nous pensons qu’une faiblesse de la demande des pays émergents après l’été devrait faire évoluer les cours dans une large fourchette plafonnée comprise entre 100 et 125 dollars.»
Ayant mis du temps à prendre conscience du caractère moins transitoire de l’inflation qu’on ne le pensait au début, la zone euro se retrouve dans une position moins favorable que celle des États-Unis ou de la Chine. Au T3, il faut s’attendre à ce que de nombreuses mesures d’urgence de lutte contre l’inflation deviennent permanentes et à ce que la volatilité du marché des obligations s’amplifie au fur et à mesure que les conditions économiques se détériorent.
Christopher Dembik, chef analyste en macroéconomie chez Saxo Bank, commente: «La croissance va être bien plus faible que beaucoup le pensaient, notamment en 2023, qu’il y ait techniquement une récession ou non, et la zone euro est certainement en moins bonne posture que les États-Unis ou la Chine. Il y a toute une infrastructure pour raffiner le pétrole russe en Europe, mais elle ne sert plus. Il faut la remplacer, mais il s’agit d’un chantier de plusieurs années. La règlementation de la transition verte a aussi détourné l’investissement nécessaire dans les infrastructures des combustibles fossiles vers l’énergie renouvelable, sans s’assurer que cette dernière suffirait à alimenter les Européens de façon constante. En fin de compte, cela signifie une hausse des coûts de l’énergie au cours des années à venir.» L’inflation est structurelle. Les gouvernements européens ont dévoilé des mesures d’urgence pour combattre l’inflation, par exemple, la réduction de la TVA sur l’énergie. Le potentiel fiscal étant beaucoup plus important en Europe qu’à de nombreux autres endroits, nous pouvons nous attendre à ce que ces mesures exceptionnelles deviennent permanentes, ainsi qu’à d’autres subventions. La BCE va augmenter de 25 points de base ses taux d’intérêt lors de sa réunion de juillet (resserrement 'progressif') pour la première fois depuis 2011. Toutefois, un autre problème tout aussi important que celui de l’inflation est à combattre: celui de la fragmentation financière. La volatilité sur les marchés des obligations reprend partout, mais la détérioration est plus rapide dans la zone euro. Depuis la fin de l’apaisement quantitatif, les coûts d’emprunt en Italie ont augmenté. Le rendement de l’obligation à 10 ans est à présent près de trois fois supérieur à début février. La volatilité reprend trop rapidement, et les conditions de liquidité se détériorent tout aussi rapidement. La BCE va sans doute annoncer bientôt un nouvel outil pour gérer les spreads souverains, peut-être dès sa réunion de juillet. Nous pouvons supposer qu’il s’agira d’un genre de programme d’opérations monétaires sur titres (OMT) à conditionnalité légère. Cela suffira peut-être à éviter de répéter la crise de 2012, mais ce n’est pas certain. La BCE est obligée d’augmenter ses taux directeurs. Plus elle le fera, plus elle fera de la casse et plus elle devra acheter des obligations d’État de la zone euro. Si l’on veut être optimiste, une nouvelle crise de la zone euro n’est pas négative à tout point de vue. La dernière crise avait donné lieu à des réformes institutionnelles essentielles qui avaient renforcé le cadre de la zone euro. Cela pourrait se reproduire en cas de nouvelle crise, mais cela peut-il continuer éternellement? À un moment donné, les pays du Sud de la zone euro devront être capables d’affronter les marchés sans que la BCE outrepasse ses responsabilités pour les sauver. Dans le cas contraire, la BCE pourrait finir par être garante de la totalité de la dette italienne.»